Ukraine : le Parlement augmente les taxes sur le tabac, mais fait l’impasse sur le tabac à chauffer
8 décembre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 décembre 2024
Temps de lecture : 3 minutes
Le Parlement ukrainien a voté une hausse continue des taxes sur les produits du tabac jusque 2028, poursuivant une politique fiscale cohérente depuis plusieurs années. Toutefois, suite à un lobbying des fabricants, les produits du tabac à chauffer bénéficieront d’une fiscalité préférentielle, entraînant un risque de transfert de consommation préoccupant pour la santé publique[1].
Une augmentation de 67% du prix du paquet d’ici 2028
A 237 voix sur 450, la Rada a approuvé le projet de loi visant à augmenter les droits d’accise sur les produits du tabac. A partir de 2025 jusqu’au 1er janvier 2028, les taxes augmenteront progressivement, entraînant une hausse du prix de vente au détail du paquet d’environ 40 hryvnias, soit un peu plus de 90 centimes d’euros. Le prix de vente du paquet le plus vendu étant actuellement de 1,36 euros, cette politique fiscale devrait se traduire par une augmentation du prix de 67% d’ici 2028. Depuis plus de dix ans, l’Ukraine a mis en place un ensemble de mesures permettant de réduire considérablement la consommation de tabac au sein de la population, et de rejoindre les standards européens. Ayant ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) en 2016, les pouvoirs publics ukrainiens ont depuis lors mis en place une politique cohérente d’augmentation continue de la fiscalité sur le tabac. Une telle trajectoire à été particulièrement bénéfique pour le pays : la multiplication par 27 du prix du paquet de tabac en dix ans, les recettes fiscales ont augmenté de 1300% et le nombre de fumeurs a été réduit de 40%. A partir de 2017, cette politique a été reconduite, avec une augmentation annuelle de 20%.
Un traitement fiscal préférentiel pour le tabac à chauffer
Toutefois, comme le souligne l’ONG Tobacco Free-Kids, le projet de loi prévoit une fiscalité avantageuse pour les produits du tabac à chauffer alors même que ceux-ci sont essentiellement consommés par des jeunes, et en dépit de l’efficacité démultipliée des politiques fiscales sur les jeunes générations, plus sensibles aux variations de prix[2]. Ainsi, comme le prévoit la législation adoptée par le Parlement, la fiscalité du tabac à chauffer sera inférieure de 20% à celle des cigarettes. Cette décision, faisant suite à un fort lobbying de l’industrie du tabac, est contraire aux bonnes pratiques en matière de fiscalisation du tabac, qui recommandent en particulier d’appliquer de fortes hausses de taxes sur l’ensemble des produits du tabac, afin notamment de réduire les écarts tarifaires entre les différents produits et d’éviter les transferts de consommation. Selon l’Institut viennois d’études économiques, ce traitement préférentiel entraînera un manque à gagner fiscal de près de 70 millions d’euros pour les comptes publics ukrainiens d’ici 2028. La décision de la Rada contraste enfin avec les politiques volontaristes menées jusque-là en Ukraine sur la fiscalité du tabac à chauffer. Le pays avait en effet été l’un des premiers à mettre en place une politique fiscale dissuasive sur ces produits, basée sur une taxation à l’unité de ces produits, comme la quasi-totalité des acteurs de lutte contre le tabagisme le préconisent.
FT
[1] Babel, The Verkhovna Rada generally supported the increase in the excise tax on tobacco, 04/12/2024, (consulté le 06/12/2024)
[2] Tobacco Free Kids, Ukraine to Raise Taxes on Cigarettes, but Caves to Industry Demands on Heated Tobacco Products, 04/12/2024, (consulté le 06/12/2024)