Traité plastique – opportunité manquée pour la lutte contre le tabagisme

12 décembre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 12 décembre 2024

Temps de lecture : 5 minutes

Traité plastique – opportunité manquée pour la lutte contre le tabagisme

La cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation (CIN5) chargé d’élaborer un traité international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique s’est terminée le 1er décembre dernier à Busan, en Corée du Sud. Les négociations ont échoué à aboutir à un accord lors de cette rencontre et se poursuivront en 2025. Outre l’interdiction immédiate des filtres de cigarettes, la prise en compte des enjeux de santé publique et environnementale comme prioritaires ont constitué une préoccupation majeure lors de ces négociations pour les acteurs de la lutte contre le tabagisme, dont le Comité national contre le tabagisme, présent sur place.

Plus de 170 pays étaient présents du 25 novembre au 1er décembre en vue de finaliser un traité international juridiquement contraignant visant à mettre fin aux déchets plastiques d’ici à 2040[1].

Des progrès, mais beaucoup reste à faire en particulier pour l’interdiction des filtres de cigarettes

Bien qu'aucun texte de traité n'ait été adopté, plus de 100 pays réunis sous la High Coalition Ambition (dont la France et l’Union Européenne) ont soutenu un traité solide visant à réduire drastiquement la pollution plastique à la source en ciblant les plastiques problématiques.

Dans le texte en discussion, les « filtres à cigarettes en plastique » figurent dans une annexe de produits pour lesquels des mesures « appropriées » doivent être transmises par un comité d'examen spécifique et soumises pour adoption à la première Conférence des parties consécutive à l’entrée en vigueur du traité.  Si l'inclusion des filtres de cigarettes est une étape cruciale dans la lutte contre les déchets plastiques inutiles et toxiques, pour les défenseurs de la lutte contre le tabagisme, la référence à « fabriqué avec du plastique » est problématique car elle donne l'impression que des filtres dits biodégradables seraient légitimes.  Les associations rappellent que les mégots, quelle que soit leur composition (plastique ou non plastique), contiennent jusqu’à 7 000 substances chimiques et sont particulièrement toxiques et dangereux pour l’environnement.  En outre, les mesures « appropriées » auxquelles ces produits sont soumis dans l’annexe ne signifient pas nécessairement une interdiction.

Les défenseurs antitabac alertent aussi sur le fait que la création d’un comité d’examen pour évaluer les mesures à prendre sur les produits identifiés pourrait constituer une opportunité pour l’industrie du tabac d’être une partie prenante active au processus avec le risque de « solutions » contre-productives (comme les filtres biodégradables) susceptibles d’être promues par les fabricants.

Intégrer les obligations de santé dans les objectifs environnementaux

Les défenseurs de la lutte antitabac ont souligné l'importance de préserver le futur traité de toute ingérence de l'industrie du tabac et de veiller à ce que ses dispositions sur la pollution plastique n'entrent pas en conflit avec les obligations déjà existantes issues en particulier de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT).

Les acteurs de santé ont activement promu la décision de la dernière Conférence des Parties de la CCLAT adoptée en février dernier à Panama concernant une des dispositions du traité dédié à la protection de l’environnement. Cette décision appelait les négociateurs du traité plastique et les pays à « coordonner leurs efforts pour lutter contre les déchets plastiques provenant des produits du tabac » et à protéger les politiques environnementales liées au tabac des intérêts commerciaux et particuliers de l’industrie du tabac. Ils ont rappelé aux délégués que toute implication de l'industrie du tabac dans les solutions à la pollution plastique, en particulier sous le vocable de la responsabilité élargie des producteurs (REP) ou de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), saperait les objectifs environnementaux.

Le Comité national contre le tabagisme a par ailleurs insisté auprès des délégués français et européens présents que si les filières REP sont des solutions efficaces pour certains secteurs, elles ne sont pas adaptées pour les produits de l’industrie du tabac, le cas de l’éco-organisme Alcome en constituant une illustration.  En effet, l’éco-organisme, entièrement géré par l’industrie du tabac, rejette la responsabilité de la pollution par les mégots sur les consommateurs. Le dispositif leur donne une opportunité de communiquer en offrant une image de respectabilité et d’acteur légitime. Elle les place enfin en situation de nouer des accords avec les différents acteurs locaux et ce faisant de participer aux prises de décision[2].

Dans une déclaration, les défenseurs de la lutte antitabac, réunis au sein de l'alliance Stop Tobacco Pollution, ont indiqué poursuivre leurs efforts de collaboration avec les gouvernements, les ONG et les organismes internationaux pour veiller à ce que le traité final intègre les garanties sanitaires nécessaires et s'aligne pleinement sur les normes mondiales en matière de santé.

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Communiqué, INC5.2 – Une opportunité d’avoir un traité plastique audacieux, aligné sur les objectifs de santé et incluant la pollution des produits du tabac, CNCT, publié le 2 décembre 2024, consulté le 10 décembre 2024

[2] Décryptage, Traité plastique – L’intersection cruciale de la lutte antitabac et de la santé environnementale, CNCT, publié le 21 novembre 2024, consulté le 10 décembre 2024

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