Tabac, cannabis, cocaïne : des usages très élevés dans les prisons françaises

15 mai 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 15 mai 2024

Temps de lecture : 5 minutes

Tabac, cannabis, cocaïne : des usages très élevés dans les prisons françaises

La consommation de tabac et de cannabis est très largement répandue dans les prisons, à des niveaux beaucoup plus élevés qu’en population générale. C’est la conclusion de la dernière Enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI) de l’Observatoire français des drogues et des tendance addictives (OFDT).

L’enquête ESSPRI a interrogé d’avril à juin 2023 un échantillon de 1 094 hommes détenus, représentatif de la population carcérale masculine[1]. Ces résultats font écho aux données de l’Organisation mondiale de la santé, qui alertait sur les niveaux de prévalence tabagique dans les prisons européennes, systématiquement deux à quatre fois supérieurs que la moyenne nationale.

Plus de 6 détenus sur 10 sont consommateurs quotidiens de tabac

Les résultats de l’enquête montrent une très forte prévalence tabagique chez les hommes incarcérés. Il s’agit de la drogue qui est largement la plus consommée. Ainsi, en 2023, 73% des détenus ont déclaré être fumeurs, et 63% ont signalé consommer quotidiennement du tabac. Comme le souligne le rapport, la prévalence du tabagisme quotidien des détenus est 2,5 fois plus élevée que celle des hommes non incarcérés. Les niveaux de consommation varient cependant fortement en fonction de l’âge : 55% des détenus de 35 ans et plus déclarent être fumeurs quotidiens, contre 69% auprès des 18-34 ans.

Une consommation d’alcool faible et majoritairement occasionnelle

A l’inverse, la consommation d’alcool chez les hommes incarcérés est significativement inférieure à celle constatée en population générale. Ainsi, 16% des détenus ont indiqué avoir consommé de l’alcool au moins une fois lors de leur détention, et seulement 3,7% ont signalé avoir bu lors du mois précédent l’enquête. De la même manière que pour le tabac, la consommation d’alcool est plus marquée auprès des plus jeunes détenus : 5,2% des 18-34 ans ont mentionné avoir consommé de l’alcool au moins six fois, contre 2,7% des détenus âgés de 34 ans ou plus.

Une forte prévalence du cannabis dans les prisons françaises

L’enquête montre par ailleurs que le cannabis est la substance illégale la plus consommée dans les prisons. Ainsi, 49% des détenus ont indiqué en avoir consommé lors de leur détention, et 26% des hommes incarcérés ont déclaré en consommer quotidiennement (39% déclarent fumer du cannabis au moins une fois par mois). Ces niveaux de consommation, huit fois plus importants qu’en population générale, tendent également à décroître en fonction de l’âge, puisque la prévalence d’usage quotidien chez les 18-34 ans (35%) est plus de deux fois plus élevée qu’auprès des plus de 34 ans (15%).

D’autres consommations de substances illégales observées en prison

La consommation d’autres substances illégales (héroïne, cocaïne, crack, ecstasy), bien que significativement inférieure à celle de cannabis, demeure toutefois particulièrement élevée. Ainsi, 14% de l’ensemble des détenus ont indiqué avoir consommé au moins l’un de ces quatre produits au cours de leur détention. La cocaïne est ainsi la deuxième substance illégale la plus consommée par les détenus après le cannabis, avec 12% d’entre eux ayant signalé au moins un usage lors de leur détention, suivie du crack (5,1%), de l’héroïne (4,7%) et de l’ecstasy (4,5%).

Polyconsommation et continuité d’usage

L’enquête montre que les consommateurs de ces substances psychoactives sont majoritairement polyconsommateurs. Ainsi, si 32% des détenus interrogés ne consomment ni tabac, ni alcool, ni cannabis, une proportion similaire déclare conjuguer une consommation quotidienne de tabac et une consommation mensuelle de cannabis. Par ailleurs, les détenus déclarant ne consommer qu’une seule substance (32%) sont essentiellement des fumeurs (27%). Par ailleurs, l’étude souligne une continuité dans les usages : l’écrasante majorité des détenus déclarant fumer lors de leur détention étaient auparavant fumeurs. Toutefois, la moitié des fumeurs rapporte une augmentation de leur consommation depuis leur incarcération.

Adapter les politiques de santé au contexte des prisons

A la lumière de ces données, l’OFDT avance la nécessité de réfléchir à une « éventuelle adaptation des politiques sanitaires en matière de prévention et de traitement des addictions à la réalité des consommations observées », ainsi qu’à une intensification des politiques publiques de lutte contre le tabagisme dans le milieu carcéral. Les auteurs de l’étude soulignent par ailleurs que ces hauts niveaux de consommation pour l’ensemble de ces produits psychoactifs s’inscrivent dans un cadre plus général de surpopulation carcérale, de conditions de vie dégradées, et d’une santé mentale fragile pour la majorité des détenus.

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Enquête sur la santé et les substances en prison (ESSPRI), Observatoire français des drogues et des tendance addictives (OFDT). Les consommations de drogue en prison, mai 2024, (consulté le 13/05/2024).

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