Suisse : les actions « philanthropiques » de l’industrie du tabac au service de leurs intérêts commerciaux

29 novembre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 28 novembre 2024

Temps de lecture : 4 minutes

Suisse : les actions « philanthropiques » de l’industrie du tabac au service de leurs intérêts commerciaux

Un nouveau rapport de Transparency and Truth, réalisé par l’Association suisse pour la prévention du tabagisme et publié par OxySuisse, se penche sur les actions philanthropiques de l’industrie du tabac, dans les domaines culturel et social. Les auteurs du document soulignent que ces donations s’inscrivent dans une stratégie d’influence et d’image, visant notamment à obtenir un cadre réglementaire favorable aux intérêts commerciaux des fabricants. 

En 2023, la Suisse était classée à l’avant-dernière place d’une liste de 90 pays par l’indice d’interférence de l’industrie du tabac, faisant état d’un manque de protection du pays à l’égard du lobbying de l’industrie du tabac. La Suisse faisant partie des rares pays à ne pas avoir ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, les partenariats avec l’industrie du tabac ne sont pas interdits, permettant aux fabricants de financer de nombreux événements et institutions[1].

De nombreux financements d’institutions culturelles prestigieuses

Le rapport de Transparency and Truth note que Japan Tobacco International (JTI) et Philip Morris International (PMI) financent un certain nombre d’institutions dans le domaine de l’art, qu’il s’agisse du Grand Théâtre de Genève, du Musée d’art moderne, du festival de musique classique de Verbier, ou encore de la fondation de l’Hermitage à Lausanne. Bien que ces financements soient relativement minimes (entre 0,6% et 0,8% du budget de ces institutions), le soutien financier des fabricants à de telles institutions permet aux cigarettiers d’afficher une présence auprès des décideurs publics, à l’échelle cantonale ou communale. Le rapport souligne par ailleurs qu’une telle stratégie vise également à fidéliser les employés de l’industrie du tabac, qui bénéficient à la fois de facilités d’accès dans ces institutions (billets gratuits), tout en ayant le sentiment de contribuer au rayonnement culturel de ces institutions.

Le domaine social investi par les fabricants

Transparency and Truth documente par ailleurs les stratégies de dons des fabricants en faveur d’organisation caritatives œuvrant principalement dans le domaine social. Bien que ces stratégies soient relativement opaques, le rapport indique que les cigarettiers financent par exemple des associations de prévention des violences domestiques, d’aide au développement des régions montagneuses, ou encore un centre social protestant. Si ces dons peuvent être bénéfiques aux organisations visées, les objectifs de l’industrie du tabac demeurent toutefois irréconciliables avec les objectifs poursuivis par ces institutions. Par exemple, les filtres produits par les fabricants constituent l’une des principales sources de pollution plastique, incompatibles avec un souci de préserver les régions montagneuses.

Un levier d’influence présenté comme une action philanthropique désintéressée

Régulièrement, l’industrie du tabac insiste sur le caractère désintéressé de ses actions philanthropiques. Toutefois, les documents internes des fabricants tendent à démontrer le contraire, puisque les activités civiques des fabricants sont décrites comme un levier stratégique, au même titre que le lobbying, pour permettre aux entreprises d’atteindre leurs objectifs réglementaires et commerciaux. Cette stratégie d’image vise ainsi à obtenir un cadre réglementaire favorable, comme le montre par exemple une déclaration de l’ancien vice-président des affaires publiques de Philip Morris aux Etats-Unis : « Il s’agit là d’un moyen extrêmement visible et efficace de souligner dans l’esprit du public que Philip Morris se soucie des autres et que ses employés se soucient de leurs voisins et de leurs communautés, ce qui rendra d’autant plus difficile pour nos adversaires de diaboliser notre entreprise et nos employés ». C’est précisément pour cette raison que la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, par son article 13, interdit toute forme de parrainage et d’activité socialement responsable de l’industrie du tabac, au même titre que toute forme de publicité, qu’elle soit directe ou indirecte.

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Transparency and Truth, Une générosité intéressée, 26/11/2024, (consulté le 27/11/2024)

Comité national contre le tabagisme |

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