Suisse : deux partis politiques financés par Philip Morris

19 octobre 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 19 octobre 2023

Temps de lecture : 5 minutes

Suisse : deux partis politiques financés par Philip Morris

En Suisse, deux partis politiques ont reçu des financements de Philip Morris pour les élections au Conseil national, alors que la loi sur les produits du tabac devrait être prochainement révisée. Philippe Nantermod, vice-président d’un des deux partis mis en cause, a indiqué n’y voir aucun problème de conflit d’intérêts. Les journaux suisses ont toutefois souligné ses liens de proximité avec l’industrie du tabac.

En octobre 2023, le Conseil fédéral suisse impose aux partis politiques de déclarer les financements reçus, si ceux-ci dépassent les 15 000 Francs suisses, soit 15 700 euros. C’est le cas de l’Union Démocratique du Centre (UDC) et du Parti Libéral-Radical (PLR), qui ont ainsi déclaré avoir respectivement reçu 35 000 Francs suisses de la part du fabricant Philip Morris.

Pas de risque d’influence, selon le vice-président du PLR

Selon Philippe Nantermod, vice-président du Parti Libéral-Radical suisse, cette situation n’est pas problématique, et n’indique en rien une relation d’influence de l’industrie du tabac à l’égard de la ligne politique du PLR. Interrogé par la presse, Nantermod a assuré avoir « découvert » que son parti recevait de l’argent de Philip Morris, et que cette donnée n’influençait en aucun cas sa position à l’égard du tabac, ni celle du parti, résumée par l’intéressé comme visant à « une prévention forte à l’égard des mineurs ».

Des liens de financement critiqués par une partie de la classe politique suisse

Ces liens de financement, publiés par le Contrôle fédéral des finances, font toutefois l’objet de critiques de la part d’une partie de la classe politique helvète. Interrogé dans le journal 24 heures, Pierre-Yves Maillard, du Parti socialiste suisse, s’interroge : « Pourquoi ces entreprises verseraient-elles ces sommes si elles n’en attendaient pas en retour un impact sur les votes des élus ? Si ces dons existent, c’est qu’ils achètent de l’influence ». En effet, le caractère désintéressé du financement de partis par Philip Morris peut interroger, alors que la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique, dont Philippe Nantermod est l’un des membres, est actuellement en train de réviser la loi sur les produits du tabac.

Un lien de proximité entre le vice-président et le secrétaire général de Swiss Cigarette

A cet égard, plusieurs journaux suisses ont rappelé la proximité entre Philippe Nantermod et Martin Kuonen, secrétaire général de Swiss Cigarette, association qui regroupe Philip Morris, British American Tobacco, ainsi que Japan Tobacco International, les trois fabricants de tabac présents en Suisse. C’est en effet à l’invitation de Philippe Nantermod que le secrétaire général est accrédité au Parlement fédéral. Nantermod récuse toutefois tout lien avec l’industrie du tabac, affirmant que son lien avec Martin Kuonen s’explique par le fait que celui-ci est par ailleurs directeur du « Centre patronal qui gère le secrétariat d’une trentaine d’associations ».

Comme le souligne l'Association suisse pour la prévention du tabagisme, les liens d'intérêts entre certains parlementaires de l'UDC ou du PLR et l'industrie du tabac sont bien connus, tels que Gregor Rutz, qui occupe aussi le poste de président de Swiss Tobacco et Damien Cottier représentant le canton de Neuchâtel où Philip Morris a son centre de recherche et de développement global.[1]

Des prises de positions en adéquation avec les intérêts des fabricants

Si Philippe Nantermod nie toute influence du cigarettier sur ses prises de position ou celles de son parti en matière de lutte contre le tabagisme, force est de constater que le membre de la Commission de la santé suisse défend des mesures proches de celles préconisées par les cigarettiers. En 2020, Nantermod s’était notamment déclaré contre l’interdiction de la publicité en faveur du tabac, préférant s’en tenir à une interdiction des publicités spécifiquement dirigés vers les mineurs : « bannir ce qui s’adresse directement aux mineurs, d’accord. Mais ce qui pourrait « peut- être » toucher les mineurs, non ». Or, sur ce point, les études scientifiques démontrent que seules les interdictions complètes en faveur du tabac sont efficaces, là où les restrictions partielles conduisent uniquement à un transfert d’investissement publicitaire d’un support vers un autre.

Une situation symptomatique de la Suisse

La Suisse est l’un des derniers pays du monde n’ayant pas ratifié la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT). En 2021, l’Indice d’interférence de l’industrie du tabac plaçait la Suisse à l’avant-dernière place du classement européen, soulignant la forte influence des cigarettiers dans les politiques publiques. Cette forte influence se traduit par un retard considérable du pays en matière de réglementation, qu’il s’agisse de l’interdiction de la publicité ou de la politique fiscale.

Mots-clés : Suisse, PLR, UDC, Nantermod, lobby

[1] Association suisse pour la prévention du tabagisme, Les élections fédérales 2023 et l’argent de Philip Morris, 02/102023, (consulté le 20/10/2023)

©Génération Sans Tabac

FT


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