PMI et BAT investissent dans la culture du tabac en Italie, avec la bénédiction du ministère de l’Agriculture

7 avril 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 7 avril 2023

Temps de lecture : 5 minutes

PMI et BAT investissent dans la culture du tabac en Italie, avec la bénédiction du ministère de l’Agriculture

Philip Morris Italia et BAT ont conclu des accords avec le ministère de l’Agriculture devant conduire à des investissements records dans la culture du tabac en Italie dans les prochaines années. Des violations manifestes de l’article 5.3 de la CCLAT, qui vont aussi à contresens de la prochaine journée mondiale sans tabac.

Malgré des orientations encourageantes prises récemment en faveur de la lutte contre le tabagisme, l’Italie reste un terrain de prédilection pour l’industrie du tabac en Europe. Deux accords conclus entre des multinationales du tabac et le ministère de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et des forêts (MASAF) viennent ainsi renforcer la production agricole du tabac et assurer l’approvisionnement des usines de transformation.

Des investissements massifs dans l’agriculture et l’industrie en Italie

Dans un accord signé avec Patrizio La Pietra, sous-secrétaire du MSAF, Philip Morris Italia (PM Italia) a annoncé investir 500 millions d’euros ces cinq prochaines années dans la filière agricole du tabac, afin d’alimenter son usine de Crespellano, près de Bologne. Un investissement record en matière d’agriculture de la part d’une entreprise privée, mais qui s’inscrit dans le prolongement des deux milliards d’euros investis par Philip Morris dans l’agriculture italienne depuis 2000[1]. PM Italia va ainsi acquérir 21 000 tonnes de tabac par an, soit la moitié de la production italienne. L’usine de Crespellano, qui produit notamment des sticks de tabac chauffé pour de nombreux autres pays, a elle-même coûté 1,1 milliards d’euros et serait le plus gros investissement industriel dans ce pays au XXIème siècle.

En parallèle, British American Tobacco Italia (BAT Italia) a également signé un accord avec Patrizio La Pietra sur le même thème, pour un plan triennal d’investissement. Après avoir investi 300 millions d’euros sur les dix dernières années dans la culture du tabac en Italie, BAT va à présent débourser 60 millions d’euros par an afin d’acheter 15 000 tonnes de tabac[2]. BAT Italia a aussi investi 500 millions d’euros dans son Innovation Hub de Trieste, destinée à la transformation du tabac. Des sommes qui confirment l’intention des multinationales du tabac de faire de l’Italie l’une de leurs principales têtes de pont en Europe.

Le tabac au détriment de la souveraineté alimentaire

Ces intentions d’investissements vont à rebours des politiques de santé publique et de la thématique donnée cette année par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à la Journée mondiale sans tabac : « We need food, not tobacco » (« Nous avons besoin de nourriture, pas de tabac »)[3]. Redoutant des tensions sur la production alimentaire, l’OMS encourage en effet les agriculteurs de tous les pays à réorienter les terres utilisées pour planter du tabac vers des cultures vivrières ou plus rentables. Peu rentable, la culture du tabac s’avère en fait très gourmande en ressources naturelles et en entrants chimiques. Alors que les subventions européennes pour la culture du tabac ont cessé depuis le 1er janvier 2010[4] et que cette production décroît en Europe, les encouragements du gouvernement à la filière agricole de tabac restreignent l’autonomie alimentaire de l’Italie.

Que ces investissements dans la production de tabac aient fait l’objet d’accords avec le gouvernement est en soit une forme d’interférence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques de santé. Les directives d’application de l’article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), ratifiée par l’Italie en 2008, interdisent quant à elles d’engager des contacts avec l’industrie du tabac au-delà des contacts strictement nécessaires. Or, la validation de ce plan de développement interroge sur les intentions du gouvernement, qui se réjouit des 500 entreprises et des 50 000 salariés qui vont en vivre, mais semble oublier les 93 000 décès attribuables chaque année au tabac en Italie. La proximité des dirigeants politiques italiens avec l’industrie du tabac a par ailleurs été révélée ces dernières années dans plusieurs dossiers, qu’il s’agisse de culture du tabac ou de traçabilité des cigarettes.

Mots-clés : Italie, PMI, BAT, culture du tabac, article 5.3

©Génération Sans Tabac

MF

[1] Accord tabac, ministère-Philip Morris Italia pour 500 millions d’euros, Italy 24 Press, publié le 20 mars 2023, consulté le 3 avril 2023.

[2] Agricoltura: BAT Italia investe fino a 60 milioni di euro nei prossimi tre anni per l’acquisto di tabacco italiano e per la digitalizzazione della filiera, Confagricoltura, publié le 20 mars 2023, consulté le 3 avril 2023.

[3] WHO, World No Tobacco Day 2023: We need food, not tobacco, consulté le 3 avril 2023.

[4] Tabac, Commission européenne, Agriculture et développement rural, consulté le 3 avril 2023.

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