Philip Morris International ne renonce pas aux cigarettes et ouvre une usine en Tanzanie
9 mars 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 9 mars 2024
Temps de lecture : 5 minutes
En vue d’étendre le marché des cigarettes fumées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, Philip Morris International encourage la culture du tabac en Tanzanie et devrait prochainement ouvrir une usine de cigarettes dans ce pays. Cette opération est en contradiction manifeste avec les déclarations de ce cigarettier, qui prétend vouloir contribuer à « un monde sans fumée ».
Depuis plusieurs années, Philip Morris International (PMI) a axé sa communication institutionnelle sur la fin du tabac fumé et réclame publiquement « un monde sans fumée ». Cette major du tabac est le seul financeur de la Fondation pour un monde sans fumée (FSFW), à hauteur de 400 millions de dollars US (368 millions d’euros) depuis 2017. Le discours de PMI, relayé par FSFW, cherche à convaincre que les efforts de ce cigarettier sont entièrement tournés vers les nouveaux produits du tabac et de la nicotine (tabac chauffé, cigarettes électroniques, sachets de nicotine), présentés comme des produits à risques réduits.
Les projets d’investissement de PMI dans la culture du tabac et dans la production de cigarettes en Tanzanie montrent que cet industriel ne renonce pourtant en rien aux produits du tabac fumés, qu’il destine principalement aux pays à revenu faible ou intermédiaire.
Retour de Philip Morris en Tanzanie
PMI n’achetait plus de tabac en Tanzanie depuis 2017. Suite à une rencontre au Vatican le 22 février 2024 entre le président tanzanien, Samia Suluhu Hasan, et un vice-président de PMI, Scott Coutts, PMI devrait redevenir un acteur clé de l’industrie du tabac en Tanzanie[1]. PMI a en effet annoncé acquérir chaque année dans ce pays 12 000 tonnes de feuilles de tabac, pour une durée de cinq ans.
La production de feuilles de tabac est en progression ces dernières années en Tanzanie, devenu le deuxième producteur d’Afrique en volume. Elle était de 122 000 tonnes pour la saison 2023/2024 et devrait atteindre 200 000 tonnes en 2024/2025, puis 300 000 tonnes la saison suivante, selon le ministre de l’agriculture tanzanien, Hussein Bashe[2]. Cette politique a été activement financée sur fonds publics, à hauteur de 11,2 milliards de shillings tanzaniens (4,6 millions d’euros).
PMI a également en projet de construire une usine de cigarettes dans la ville de Morogoro, en partenariat avec un acteur local et avec le soutien du ministre de l’agriculture. Les travaux de cette usine pourraient commencer fin 2024. Ceci permettra à PMI de continuer à alimenter en cigarettes le marché africain, considéré par les cigarettiers comme en plein essor[3].
La Tanzanie, sous influence de l’industrie du tabac
La Tanzanie a ratifié la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2007, mais demeure fortement liée à l’industrie du tabac. Selon le Global Tobacco Industry Interference Index 2023, qui répertorie les multiples interférences de l’industrie du tabac dans les politiques publiques de 80 pays, la Tanzanie est le dixième pays le plus influencé par l’industrie du tabac et son score s’est dégradé depuis 2021[4]. C’est notamment l’un des cinq pays où la pleine application de la CCLAT est la plus entravée par l’industrie du tabac.
En 2023, par exemple, le premier ministre avait posé la première pierre lors de l’inauguration d’une école d’enseignement secondaire financée par Japan Tobacco International (JTI), en présence de l’ambassadeur japonais. En 2022, ce même premier ministre s’était déplacé au Japon pour signer un contrat de 30 000 tonnes de feuilles de tabac avec JTI.
Les rencontres du président tanzanien, du premier ministre et du ministre de l’industrie avec des représentants de l’industrie du tabac illustrent bien ces interférences. Elles constituent des violations des dispositions associées à l’article 5.3 de la CCLAT. Ces dernières vise à protéger les politiques publiques du lobby du tabac et prohibent toute interaction avec l’industrie du tabac qui ne serait pas strictement nécessaire à la réglementation des produits. La place accordée à la culture du tabac dans le développement économique actuel de la Tanzanie est également un symptôme de cette collusion avec l’industrie du tabac. En 2023, l’OMS avait consacré la Journée mondiale sans tabac à la culture du tabac, en incitant les pays producteurs à lui substituer des cultures alimentaires économiquement viables, cette restructuration faisant du reste partie des obligations des pays devenus Parties au traité de la CCLAT.
De son côté, le discours de PMI sur « un monde sans fumée » semble essentiellement relever d’une stratégie d’image, les cigarettes fumées restant encore, comme pour les autres cigarettiers, sa principale source de revenus. A l’exception de l’Afrique du Nord, la prévalence tabagique reste comparativement modeste dans de nombreux pays africains, cependant la forte croissance démographique de ces pays suffit à étendre les volumes de vente des produits du tabac.
Mots-clés : Tanzanie, Philip Morris International, culture du tabac, usine de cigarettes
MF
[1] Philip Morris International commits to purchase Tanzanian tobacco as production expands, The Citizen, publié le 22 février 2024, consulté le 6 mars 2024.
[2] Tanzania ranked 2nd largest producer of Tobacco in Africa, The Citizen, publié le 22 février 2024, consulté le 6 mars 2024.
[3] Richardson YC, Philip Morris To Open New Cigarette Factory in Tanzania, Showing It Isn’t Serious About Creating a “Smoke-Free Future”, CTFK, publié le 4 mars 2024, consulté le 6 mars 2024.
[4] Assunta M, Global Tobacco Industry Interference Index 2023, Global Center for Good Governance in Tobacco Control. Bangkok, Thailand, novembre 2023, 84 p.
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