Nouvelle-Zélande : l’objectif Smokefree 2025 ne sera probablement pas atteint

29 septembre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 27 septembre 2024

Temps de lecture : 6 minutes

Nouvelle-Zélande : l’objectif Smokefree 2025 ne sera probablement pas atteint

Les experts de la santé doutent que la Nouvelle-Zélande atteigne son objectif «Smokefree 2025» avec l'approche actuelle du gouvernement, tandis que la ministre responsable de la santé est mise sur la sellette en raison des liens que son parti entretiendrait avec l'industrie du tabac.

La ministre associée de la santé, Casey Costello, en charge de la réglementation du tabagisme au gouvernement, a défendu, lors d’une rencontre avec des experts en santé publique, l'abrogation de la législation du précédent gouvernement travailliste. Ce texte prévoyait l’interdiction de vente de tabac aux personnes nées après 2009 et de réduire drastiquement le nombre de lieux de vente de tabac. L’actuelle ministre affirme que l'objectif de réduction de la population fumeuse à 5 % est toujours possible d'ici à la fin de l'année prochaine.

L’interdiction de vente de tabac, une mesure qui aurait été « peu efficace » selon Mme Costello

La ministre Costello est sous le feu des critiques depuis sa décision de revenir sur le texte du précédent gouvernement travailliste qui aurait empêché la vente de produits du tabac aux personnes nées après janvier 2009. Cette annonce avait été saluée comme une avancée mondiale par les experts de la santé. Selon la ministre en exercice, les mesures contenues dans la législation n'auraient guère contribué à la réalisation de l'objectif « 2025 sans tabac », étant donné qu'elles seraient entrées en vigueur trop tardivement[1]. Elle a nié avec véhémence toute relation avec l'industrie du tabac, alors que des chercheurs en santé ont mis en doute sa crédibilité lors de la conférence de la Coalition pour la santé d'Aotearoa.

Mme Costello a cité des données montrant que les taux de tabagisme avaient chuté de 13,3 % à 6,8 % depuis 2018, en partie grâce à l'accessibilité aux vapes. Elle a également ajouté qu’il faudrait que 80 000 personnes supplémentaires arrêtent de fumer pour que l'objectif soit atteint.

Le professeur Chris Bullen, médecin spécialiste en santé publique, a rapidement contesté cette affirmation de Costello, estimant qu'il était peu probable que l'objectif de l'année prochaine soit atteint, « non sans un coût énorme ». Il a évoqué les dommages causés par le retrait de la loi à la réputation de la Nouvelle-Zélande en tant que leader mondial en matière de réglementation du tabagisme et a critiqué la façon dont l'abrogation avait été présentée afin d’aider à financer les réductions d'impôts du gouvernement.

L’industrie du tabac derrière la nouvelle loi

Fin août de cette année[2], un document interne datant de 2017 de Philip Morris et consulté par le média Radio New-Zealand avait révélé le plan du fabricant pour faire pression sur les groupes parlementaires NZ First (actuellement au pouvoir) et Te Pati Māori afin d'obtenir une réglementation favorable pour ses produits de tabac chauffé. Le document indiquait aussi la volonté du fabricant d’inclure le tabac chauffé et les autres produits à base de nicotine (produits du vapotage, snus et sachets de nicotine) dans le cadre de la stratégie gouvernementale Smokefree 2025 pour parvenir à une génération sans tabac.

Pour les experts en santé et de lutte antitabac, les récentes décisions de Mme Costello de réduire de moitié les droits d'accise sur les produits du tabac chauffé et de légaliser la vente de produits à base de nicotine orale (sachets de nicotine) montrent que la pression du cigarettier a porté ses fruits. La perte de recettes fiscales sur les tabacs à chauffer a conduit le gouvernement à mettre de côté un fonds de prévoyance de 216 millions de dollars australiens.

Dans une déclaration à RNZ, Mme Costello a indiqué que le vapotage avait été un outil efficace pour arrêter de fumer et qu'elle souhaitait voir si le tabac chauffé serait également un outil utile pour arrêter de fumer, ajoutant que « le tabac chauffé a un profil de risque similaire à celui des vapes ».

Des actions déraisonnables et contraires à la loi de la part de Mme Costello

Le médiateur en chef de la Nouvelle-Zélande, Peter Boshier, a ouvert une enquête après avoir reçu une plainte du codirecteur du centre de recherche Aspire Aotearoa de l'université d'Otago sur le tabac, la professeure Janet Hoek, et de Radio New Zealand (RNZ), au sujet du refus de la ministre déléguée Mme Costello de divulguer des informations sur les personnes qui ont rédigé ou compilé les notes qu'elle a utilisées pour formuler la politique actuelle du gouvernement en matière de tabac[3].

En juillet de cette année, la professeure Hoek et RNZ ont cherché à obtenir ces informations par le biais d'une demande conformément à la loi sur l'information officielle (OIA).  Ils souhaitaient connaître les raisons invoquées par le ministère pour abroger la loi de 2022 sur les environnements sans fumée et les produits réglementés (tabac fumé).

« Ce que nous recherchions, c'était toute interaction entre le ministre et les fabricants de tabac et divers autres groupes dont nous craignions qu'ils aient une influence sur la décision d'abroger la législation antitabac », a déclaré la professeure Hoek.

Mme Costello a refusé de divulguer les documents, invoquant une clause de la loi protégeant les conseils confidentiels donnés par les ministres et les fonctionnaires. La professeure Hoek et RNZ ont alors saisi le médiateur en chef, qui a estimé que les actions de Mme Costello étaient « déraisonnables et contraires à la loi ». Ce dernier s’est inquiété du fait que la ministre déléguée n'ait pas été en mesure de produire des documents concernant la provenance des notes.

Mme Costello a déclaré qu'elle pensait que les notes avaient été créées « par copier-coller à partir d'une variété de sources sur une période de temps significative avant la formation du gouvernement de coalition » et qu’elles émanaient « probablement d’un employé ou un bénévole d'un parti politique ».

Les partis travailliste et vert ont déclaré que les arguments de Mme Costello reprenaient mots à mots ceux des lobbyistes du tabac.

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Adam Pearse, Health experts grill Casey Costello, throw doubt on Smokefree 2025 being achieved, The New-Zealand Herald, publié le 24 septembre 2024, consulté le jour-même

[2] Génération sans tabac, Nouvelle-Zélande : L’offensive de Philip Morris pour obtenir une fiscalité avantageuse en faveur du tabac chauffé, publié le 27 août 2024, consulté le 24 septembre 2024

[3] John Lewis, Costello’s department criticised for ‘failures’, Otago Daily News, publié le 20 septembre 2024, consulté le 24 septembre 2024

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