Mongolie : La hausse des taxes sur le tabac est la mesure la plus efficace pour réduire le tabagisme
31 juillet 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 31 juillet 2023
Temps de lecture : 7 minutes
Des chercheurs ont évalué l’efficacité de plusieurs mesures de lutte contre le tabagisme en Mongolie[1]. Toutes les interventions (hausse des taxes, aides à l’arrêt du tabac, campagnes de prévention) étaient basées sur le paquet MPOWER[2] de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à l'exception d’un programme en milieu scolaire. Ce dernier a été inclus dans une optique de prévention du tabagisme chez les jeunes. En termes de bénéfices pour la santé et de prévention du tabagisme chez les jeunes, les gains les plus importants ont été observés avec les augmentations de taxes sur les produits du tabac.
L'objectif de cette étude est d'informer les décideurs politiques sur le rapport coût-efficacité de quatre interventions de lutte antitabac au sein de la population de Mongolie : hausse des taxes, campagnes médiatiques, aide à l’arrêt des fumeurs et programmes d’intervention en milieu scolaire.
Les chercheurs ont utilisé l'outil de modélisation dynamique de la santé des populations et d'évaluation de l'impact sur la santé (DYNAMO-HIA) pour projeter la prévalence future du tabagisme associée à ces quatre interventions de lutte antitabac et pour simuler la morbidité liée au tabagisme qui en résulte au fil du temps. En utilisant les données nationales mongoles les plus récentes, les coûts et les effets de ces quatre interventions ont été comparés à un scénario de statu quo, ce qui a permis de calculer les coûts par année de vie gagnée et par année de vie corrigée de l'incapacité (AVCI). La période de mise en œuvre de chaque intervention a été fixée à trois ans.
En tant que telle, l'étude est exemplaire du recours à des outils de modélisation existants combinés à des données locales pour produire des données adaptées, en appui de la décision politique d’un pays.
Le fardeau du tabagisme en Mongolie
La prévalence du tabagisme n'a pas changé au cours de la dernière décennie, 27 % des personnes âgées de 15 ans et plus étant des fumeurs et près d'un homme sur deux fume. Bien que l'espérance de vie moyenne ait récemment augmenté (70 ans en 2018), les hommes vivent presque neuf ans de moins que les femmes : 67 ans contre 76 ans, cet surmortalité des hommes étant notamment due à cette importante prévalence tabagique masculine.
En 2013, le gouvernement mongol a lancé une stratégie nationale de lutte contre le tabagisme, qui fixait des objectifs de réduction du tabagisme : d’ici 2021, chez les adolescents âgés de 13 à 15 ans, la prévalence devait diminuer de 6 % à 5 %, et chez les adultes passer 27 % à 22 %. Ce programme prévoyait d'augmenter la part des droits d'accises dans le prix de vente au détail des cigarettes de 25 % en 2017 à au moins 60 % en 2021. Dans un premier temps, la loi sur les droits d'accise a été adaptée pour augmenter les droits d'accise sur le tabac de 10 % en 2018. Trois augmentations annuelles de 5 % ont suivi. Cette politique a conduit à un niveau des taxes des accises à un niveau d’environ 38 % du prix total de vente au détail. Cette proportion même majorée de la TVA demeure en deçà des préconisations des bonnes pratiques en matière de taxation des produits du tabac prévoyant un minimum de 70% de taxes du prix de vente au détail. En 2018, l'OMS a évalué la politique de lutte antitabac de la Mongolie. De nombreuses mesures ont été classées comme « politique complète », mais les niveaux de taxation ont été jugés trop faibles.
La hausse des taxes sur le tabac est la modalité d’action la plus efficace pour réduire la consommation et l’initiation
Toutes les interventions retenues dans l’évaluation pour ce pays réduisent la prévalence du tabagisme actuel. La plus forte réduction est obtenue grâce à l’augmentations des taxes sur le tabac qui permet de réduire la prévalence de 5,1 points. Suivent les campagnes médiatiques induisant une baisse de 1,6 point, des programmes d’intervention scolaires validés : 1,3 point et enfin des interventions de soutien au sevrage, permettant de réduire de 0,6 point la prévalence.
Chez les jeunes, une forte hausse de la fiscalité se traduirait par un taux d'abandon et plus encore par une diminution de l’initiation. Par conséquent, l'effet de l'intervention chez les jeunes est nettement plus important que chez les adultes. Les auteurs précisent que la Mongolie a la possibilité de bénéficier largement des augmentations des taxes sur le tabac, car près de 60 % de la population est âgée de moins de 35 ans et les jeunes sont plus sensibles aux augmentations de prix que les adultes. En outre, ils mentionnent que la réduction de la prévalence chez les hommes serait particulièrement importante compte tenu de l’écart actuel qui prévaut.
Les auteurs de l’analyse recommandent par ailleurs de réduire les écarts de prix entre les différentes marques de cigarettes en Mongolie. Étant donné ce large éventail de prix des cigarettes en Mongolie, le niveau réel de l'élasticité de la demande par rapport au prix s’en trouve altéré : les fumeurs se tournant vers des marques moins chères plutôt que d'arrêter de fumer.
Des mesures particulièrement coût-efficaces qui soulignent la pertinence du noyau de mesures MPower
Les quatre types d’intervention évalués ont été démontrés comme très rentables. Les programmes scolaires validés qui permettent d’éviter l’initiation permettent également de réduire les coûts associés du tabagisme et d’orienter ces financements vers la prise en charge des. Les autres interventions sont également extrêmement pertinentes selon le critère de l’OMS, celui du ratio coût-efficacité du nombre de dollars dépensés par année de vie ajustée sur l'incapacité (DALY) évitée. Ainsi le nombre était de 25 $ pour les campagnes médiatiques, 74 $ pour les politiques fiscales et 1961 $ pour les actions de sevrage, la limite de rentabilité établie étant de 4 295 $ / année.
Dans cette perspective, les auteurs considèrent qu’il serait bénéfique pour la Mongolie d'étendre l’ensemble des six interventions du programme MPOWER destiné réduire rapidement et massivement la consommation de tabac dans un pays. Ces mesures outre les hausses importantes et continues de taxes sur les produits du tabac, sont d’alerter sur les dangers du tabac via de larges avertissements sanitaires graphiques apposés sur les conditionnements, de protéger les personnes à l’égard du tabagisme passif à travers le développement des lieux sans tabac, et enfin d’adopter des interdictions complètes de toute forme de publicité, promotion, parrainage en faveur du tabac, y compris la communication associée à des actions dites de responsabilité sociale des entreprises. Le suivi de l’efficacité de ces mesures passe par une surveillance continue de l’épidémie tabagique et l’évolution de la prévalence grâce à des études régulières sur la consommation.
Mots-clés : Mongolie, fiscalité, taxes, MPOWER, tabagisme, mesures antitabac
AE
[1] Ariuntuya Tuvdendorj, PhD and others, Cost-Effectiveness of Four Tobacco Control Interventions in Mongolia, Nicotine & Tobacco Research, 2023;, ntad111, https://doi.org/10.1093/ntr/ntad111
[2] Le programme MPOWER est un ensemble de six mesures à fort impact ayant un bon rapport coût-efficacité qui aide les pays à réduire la demande de tabac : Surveillance de la consommation de tabac et des politiques de prévention ; Protection de la population contre la fumée du tabac ; L'aide à l'arrêt du tabac ; Programme de prévention ; Faire respecter l’interdiction de publicité en faveur du tabac, de promotion et de parrainage ; augmentation des taxes sur le tabac.