L’utilisation de l’intelligence artificielle dans la lutte antitabac sur les réseaux sociaux
7 janvier 2025
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 3 janvier 2025
Temps de lecture : 4 minutes
Dans un commentaire publié dans Tobacco Control[1], des chercheurs de la Yale School of Medicine et de l'Université du Texas à Austin explorent le potentiel de l'intelligence artificielle générative (IA) en tant qu'outil de lutte contre le tabagisme sur les plateformes de médias sociaux. Ils mettent toutefois en garde contre son utilisation abusive, soulignant la frontière ténue entre ses avantages et ses risques.
L'étude souligne la croissance rapide d'outils tels que ChatGPT, qui compte aujourd'hui plus de 180 millions d'utilisateurs, et leur potentiel pour relever les défis en matière de santé publique. « L'IA générative est plus qu'une nouveauté technologique ; c'est un perturbateur qui a le pouvoir de façonner les comportements sociétaux », note le Dr Grace Kong, le principal auteur de l'étude.
L'utilisation omniprésente des médias sociaux par les adolescents et les jeunes adultes, la présence importante de contenus liés au tabac et au vapotage et les nombreuses données établissant un lien entre l'exposition à ces contenus et une probabilité accrue d'initiation à la nicotine font des médias sociaux une cible importante pour la surveillance du tabagisme. De la même manière ils constituent des supports pour la diffusion d'interventions et de messages de prévention du tabagisme selon les auteurs.
Des outils puissants permettant de surveiller la publicité sur le tabac et offrant des conseils d’aide à l’arrêt
Les médias sociaux servent depuis plusieurs l’année l’industrie du tabac à la diffusion de nombreux contenus en faveur du tabac et des autres produits de la nicotine.
Le commentaire souligne le potentiel de l'IA générative pour révolutionner la façon dont le contenu lié au tabac est surveillé et traité. Les outils alimentés par l'IA peuvent analyser de grandes quantités de données sur les médias sociaux, identifier les tendances, la désinformation et les stratégies de marketing avec rapidité et efficacité. Actuellement, le contenu relatif au sujet du tabac et de la nicotine et les réactions à ce contenu sur les médias sociaux sont généralement analysés à l'aide d'une analyse qualitative du contenu menée par des êtres humains. Les outils de l’IA offrent ainsi un potentiel conséquent pour les chercheurs. Ils sont susceptibles d’être mis au service de la santé publique et de la lutte antitabac avec l’utilisation de l’IA générative pour filtrer et analyser rapidement le contenu en vue d'une surveillance opportune et de l'élaboration de contre-messages à destination de ces mêmes cibles.
Les outils d’IA générative pourraient également améliorer les interventions, par exemple en créant des chatbots personnalisés pour le sevrage tabagique. « Les chatbots intégrés aux plateformes de médias sociaux peuvent fournir des réponses ciblées et opportunes, en mettant les utilisateurs en contact avec des ressources et en encourageant le sevrage tabagique », suggèrent les auteurs. Cependant, la compréhension des interactions entre les utilisateurs et le contenu généré par l'IA reste cruciale pour affiner ces interventions.
Défis et préoccupations éthiques
Malgré ses promesses, l'IA générative pose des défis importants selon les auteurs. L'une des principales préoccupations est le « double risque » de la technologie : si elle peut contrer la promotion du tabac sur les médias sociaux, elle peut aussi amplifier les messages en faveur du tabac/vapotage sur ces mêmes plateformes. L'industrie du tabac tire aussi parti de l'IA pour diffuser des informations erronées ou créer des campagnes de marketing à grande échelle. En outre, les entreprises d’IA ne divulguent souvent pas les sources de données utilisées ni la manière dont elles sont exploitées, soulevant des préoccupations en matière de confidentialité et d'exploitation des utilisateurs.
Le commentaire souligne la nécessité de disposer de cadres d'évaluation transparents pour garantir que les résultats de l'IA sont fiables, impartiaux et éthiques, mais également d’assurer une supervision humaine afin de préserver l'intégrité scientifique et la validité des résultats. Selon les auteurs, les décideurs politiques et les chercheurs doivent collaborer pour élaborer des lignes directrices qui donnent la priorité à la santé publique tout en suivant le rythme des avancées technologiques.
AE
[1] Kong G, Ouellette RR, Murthy D. Tob Control Epub ahead of print: doi:10.1136/ tc-2024-058813
Comité national contre le tabagisme |