Les vignettes dans les paquets de cigarettes comme contournement de la législation sur la publicité

9 juillet 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 9 juillet 2023

Temps de lecture : 5 minutes

Les vignettes dans les paquets de cigarettes comme contournement de la législation sur la publicité

Insérer des vignettes publicitaires dans les paquets de cigarettes ou apposer cet encart sur le paquet sont des pratiques qui se répandent pour contourner les interdictions de publicité et de promotion qui touchent les produits du tabac. Une étude a analysé le contenu de ces supports publicitaires dans 11 pays à revenu faible ou intermédiaire.

L’interdiction de toute publicité ou promotion des produits du tabac est l’une des dispositions majeures de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT). Celle-ci exige notamment que les Parties mettent en œuvre cette interdiction dans les cinq ans suivant sa ratification. La généralisation de cette interdiction dans le monde depuis une vingtaine d’années a conduit les industriels du tabac à davantage investir le marketing des emballages des cigarettes et à utiliser d’autres supports publicitaires.

L’un de ces supports alternatifs consiste à insérer un encart publicitaire dans le paquet ou à le placer sur la surface du paquet. Cette pratique s’est répandue ces dernières années, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Une étude étatsunienne a collecté les vignettes trouvées dans un groupe de ces pays et a analysé leur contenu[1].

Le plus souvent des vignettes insérées dans le paquet

Sur 5093 paquets de cigarettes recueillis entre 2013 et 2020 dans 14 pays à l’aide du protocole Tobacco Pack Surveillance System (TPackSS), 178 paquets (3 %) provenant de 11 pays comportaient un encart publicitaire, soit inséré dans le paquet, soit apposé sur celui-ci. Dans 96 % des cas, il s’agissait d’une vignette publicitaire glissée dans le paquet, de format rectangulaire et divisée en deux volets pliés. Comme pour les vignettes, les encarts apposés sur les paquets étaient amovibles.

67 % de ces encarts provenaient de paquets commercialisés par Japan Tobacco International (JTI), British American Tobacco (BAT), Philip Morris International (PMI) et Richmond Tobacco Trading. Les deux tiers de ces encarts ont été recueillis sur des paquets commercialisés en Russie (66 %), les autres l’ayant été au Bangladesh, au Brésil, en Chine, en Indonésie, au Pakistan, aux Philippines, en Thaïlande, en Turquie, en Ukraine et au Vietnam. Cette pratique est cependant courante aux Etats-Unis, qui ne faisaient pas partie de l’échantillon.

Fidélisation par des actions promotionnelles et des services de relation à distance

Concernant le contenu des messages, près de 38 % orientaient les consommateurs vers un site web commercial et 21 % vers un numéro de téléphone. Près de 22 % de ces encarts mentionnaient le filtre et 7 % évoquaient une capsule d’arôme. Lorsqu’une promotion était proposée, il pouvait s’agit d’un lot à gagner (13 %), d’une somme d’argent (12 %) ou de voyages (près de 10 %). Au-delà des thèmes de la qualité du produit (63 %) et du luxe/ambition sociale (55 %), un large répertoire de thèmes et d’imagerie était mobilisé, renvoyant à la technologie (37 %), aux paysages urbains ou ruraux (16 %), à la nature (14 %), aux arômes et saveurs (13 %) et à la santé (7 %). 58 % des encarts comportaient un avertissement sanitaire, mais dans 59 % des cas, cet avertissement n’était pas conforme à la législation en vigueur dans le pays de vente. Avec ou sans avertissement sanitaire, les vignettes publicitaires ne sont pourtant, par principe, pas autorisées dans les pays ayant interdit la publicité pour les produits du tabac, quel que soit le support.

Une relation plus étroite avec le consommateur et à coût réduit

Les auteurs considèrent que cet usage des vignettes publicitaires est en premier lieu conçu pour contourner les législations sur la publicité des produits du tabac. Il constitue en outre un marketing à coût réduit, qui permet de réagir plus rapidement que le nécessiterait une intervention sur l’emballage lui-même et qui offre une possibilité d’interaction directe avec le consommateur (« one-to-one business »). De fait, le langage employé recourt souvent à la deuxième personne et invite à l’action. L’orientation vers les sites web et les numéros de téléphone prolonge pour sa part la relation commerciale en la rendant plus intime. Ces encarts visent ainsi à rendre l’expérience de consommation plus intense, à augmenter la fréquence de consommation et surtout à fidéliser les clients.

Les auteurs proposent non seulement de contrer cette pratique, mais aussi de la reprendre au compte de la santé publique. Dans les pays qui ne sont pas encore en conformité avec la CCLAT sur ce point, des modifications des législations sur la publicité seront ainsi nécessaires pour stipuler clairement qu’aucun support publicitaire n’est toléré pour les produits du tabac. Les auteurs suggèrent cependant d’obliger les fabricants à insérer dans les paquets – préférablement neutres et standardisés – des encarts contenant des messages de santé publique validés, qui toucheraient ainsi au plus près les consommateurs.

Mots-clés : inserts publicitaires, paquets de cigarettes

©Génération Sans Tabac

MF

[1] Spillane TE, Madar A, Cohen JE, Welding K, Clegg Smith K, Tobacco companies’ creation of additional communication space: a content analysis of cigarette pack inserts and onserts, Tobacco Control, Published Online First: 28 June 2023. doi: 10.1136/tc-2023-057982

Comité national contre le tabagisme |

Ces actualités peuvent aussi vous intéresser