Les fabricants de tabac Philip Morris et Japan Tobacco, restés en Russie, engrangent des profits considérables depuis l’invasion de l’Ukraine
15 juillet 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 15 juillet 2023
Temps de lecture : 5 minutes
Un rapport de B4Ukraine, une coalition d’organisations de la société civile ukrainienne révèle que plusieurs multinationales ont une activité lucrative soutenue en Russie depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Philip Morris et Japan Tobacco international sont parmi ces entreprises qui tirent le plus profit de la situation.
Intitulé « The Business of Staying: a closer look at multinational revenues and taxes in Russia in 2022 »[1], que l’on pourrait traduire par "L'activité économique des entreprises restées en Russie : un examen plus approfondi des revenus des multinationales et des taxes versées en 2022", ce rapport a été effectué en partenariat avec la Kyiv School of Economics (KSE). Il révèle la situation de plusieurs entreprises - principalement de l’agroalimentaire et du tabac. Celles-ci ont continué à exercer leurs activités en Russie depuis le début de la guerre, et ce malgré les sanctions imposées par les pays Occidentaux.
Les données sur les retraits d'entreprises, les revenus, bénéfices, régularisations et les taxes en particulier les impôts sur les bénéfices, proviennent des recherches du KSE, qui s'appuient sur une série de sources publiques, notamment le registre des entreprises russes, des rapports d’activité et des déclarations fiscales d'entreprises. L’année fiscale en Russie couvrant une année civile complète, les données collectées pour 2022 s’étendent donc quelque peu en amont de la date d’invasion de l’Ukraine intervenue le 24 février 2022.
Au cours de cette période de janvier à décembre 2022, les entreprises présentes sur le territoire russe ont généré 213,9 milliards de dollars US de revenus, pour un profit total de 14,1 milliards de dollars US $. Avec un revenu cumulé de 46,8 milliards de dollars, les 20 plus grandes entreprises étrangères restées en Russie ont vu leur revenu augmenter de 27% par rapport à 2021. Les entreprises restées en Russie ont payé 3,5 milliards de dollars en impôts et autres taxes.
Selon le rapport, ces chiffres ne reflètent toutefois qu’une partie du montant réellement versé au régime du Kremlin en 2022. Les chiffres des revenus et des impôts sont disponibles uniquement pour les entreprises disposant de filiales et ayant donc une entité juridique dans le pays. De plus, les taxes payées sur les salaires des employés, les cotisations sociales et la TVA ne sont pas inclus dans l’évaluation faite.
Philip Morris et Japan Tobacco en tête des 20 premières multinationales en Russie
Selon le rapport, les cigarettiers Philip Morris International (PMI) et Japan Tobacco International sont les deux premières entreprises parmi les 20 principales multinationales étudiées et classées en termes de profit. En 2022, elles ont respectivement engrangé 7,9 milliards US$ et 7,4 milliards US$ en profit et elles ont versé à la Russie 206 millions US$ d’impôt sur les bénéfices pour Philip Morris et 193 millions US$ pour Japan Tobacco. Ce dernier a notamment connu une forte évolution au cours de l’année 2022 avec une progression de plus de 25% de ses profits.
Des entreprises qui financent l’effort de guerre russe
Après le début de l’opération d’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, de nombreuses entreprises internationales ont cessé leurs activités dans le pays – à la fois en raison des sanctions économiques prononcées par l’Union Européenne et ses alliés, mais également pour protéger leur réputation et éviter d’être associées au belligérant russe.
Le rapport souligne le maintien d’un nombre non négligeable de grandes entreprises dans le pays. Il révèle l’ampleur des sommes en jeu pour les diverses entreprises étudiées, notamment des fabricants de tabac et également pour le régime russe qui en est bénéficiaire. La justification invoquée renvoyant à la fourniture de biens essentiels tels les médicaments ou encore des biens alimentaires ne peut être retenue dans le cas des produits du tabac.
La décision de ces cigarettiers de rester en Russie résulte bien d’une décision financière. Avec un taux de prévalence tabagique de 27% en 2019 selon le Tobacco Atlas - prévalence qui ne semble pas diminuer [2] - la Russie constitue un marché important pour l’industrie du tabac. Selon Bloomberg, le marché russe constituait 6% du chiffre d’affaires de Philip Morris en 2021[3]. Les auteurs de l’étude appellent à une mobilisation pour contraindre ces entreprises à se retirer de ce pays.
Mots clés : Russie, industrie tabac, chiffre d’affaires, guerre, Ukraine, cigarettes
©Génération Sans TabacHD
[1] The Business of Staying: a closer look at multinational revenues and taxes in Russia in 2022, B4Ukraine & Kyiv School of Economics, 4 juillet 2023, consulté le 5 juillet 2023
[2] Smoking Prevalence, Tobacco Atlas, 18 mai 2022, consulté le 5 juillet 2023
[3] Philip Morris CEO Says Russia Exit Won’t Happen Until Year End, Bloomberg, 21 juillet 2022, consulté le 5 juillet 2023
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