Les Etats-Unis bloquent la nouvelle déclaration politique des Nations Unies

5 octobre 2025

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 3 octobre 2025

Temps de lecture : 7 minutes

Les Etats-Unis bloquent la nouvelle déclaration politique des Nations Unies

Réunis le 25 septembre 2025 lors de la quatrième réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée aux maladies non transmissibles (MNT) et à la santé mentale, les États membres ont cherché à adopter une déclaration politique ambitieuse visant à accélérer les efforts de prévention et de prise en charge. Le texte réaffirme l’objectif de réduire d’un tiers la mortalité prématurée due aux MNT d’ici 2030 et fixe des cibles mesurables pour les cinq prochaines années, notamment en matière de tabac, d’hypertension et de santé mentale. Mais malgré un large consensus, son adoption a été bloquée par les États-Unis, obligeant à un passage par un vote en Assemblée générale[1].

Une réponse globale face à un fardeau croissant

La déclaration politique adoptée par les États membres souligne que les maladies non transmissibles constituent aujourd’hui la première cause de mortalité dans le monde, avec plus de 43 millions de décès par an, dont 18 millions considérés comme prématurés, c’est-à-dire survenant avant l’âge de 70 ans. Les maladies cardiovasculaires représentent la part la plus importante de cette mortalité, suivies par les cancers, le diabète et les maladies respiratoires chroniques. La charge mondiale inclut également d’autres affections comme les maladies rénales chroniques, les troubles bucco-dentaires ou encore les maladies rares, qui accentuent la pression sur les systèmes de santé.

La déclaration insiste sur le fait que ces maladies sont largement liées à des facteurs de risque modifiables, tels que la consommation de tabac, l’usage nocif de l’alcool, une alimentation déséquilibrée, la sédentarité et la pollution atmosphérique. Les chefs d’État et de gouvernement ont réaffirmé la nécessité de réponses coordonnées à l’échelle mondiale, mobilisant l’ensemble des secteurs au-delà du seul champ de la santé. Cela inclut des politiques de prévention ciblées, le renforcement des systèmes de soins primaires, la mise en place de financements durables et l’intégration de la lutte contre les MNT dans les stratégies de développement.

Les États ont également reconnu que les MNT touchent de manière disproportionnée les populations les plus vulnérables – personnes en situation de pauvreté, populations rurales, communautés exposées aux effets du changement climatique ou encore habitants des petits États insulaires en développement. Ces inégalités appellent à un effort collectif pour garantir l’accès universel à la prévention, au dépistage et aux soins, afin de réduire le fardeau sanitaire, social et économique que représentent les MNT dans toutes les régions du monde.

Un volet central consacré à la lutte antitabac

La nouvelle déclaration politique accorde une place importante à la lutte contre le tabagisme, identifié comme le premier facteur de risque évitable des maladies non transmissibles. Avec 1,3 milliard de consommateurs et plus de sept millions de décès chaque année, dont 1,6 million liés au tabagisme passif, le tabac reste un enjeu majeur de santé publique mondiale

Pour la première fois, les États membres se fixent une cible chiffrée : réduire de 150 millions le nombre de consommateurs de tabac d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, le texte encourage la mise en œuvre de mesures éprouvées, en cohérence avec la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). Il s’agit notamment d’augmenter la fiscalité sur les produits du tabac, de renforcer les avertissements sanitaires, d’interdire la publicité, la promotion et le parrainage, et d’assurer une protection complète contre l’exposition à la fumée dans les lieux à usage collectif : lieux publics et professionnels. La déclaration élargit également son champ d’action aux nouveaux produits à la nicotine mis sur le marché par les fabricants de tabac, en invitant les États à réglementer les cigarettes électroniques, le tabac chauffé et autres dispositifs de délivrance de nicotine, voire à les interdire.

La déclaration appelle également les Parties à accélérer la mise en œuvre de la CCLAT et de son Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac, en soulignant la nécessité de garantir l’absence de toute interférence de l’industrie. Elle insiste enfin sur l’importance de promouvoir des programmes de sevrage sûrs et fondés sur les preuves, afin de soutenir les fumeurs souhaitant arrêter. Cette approche globale traduit la volonté de renforcer la prévention, de réduire la dépendance et de prévenir l’initiation de nouvelles générations à la consommation de tabac et de nicotine.

Mais malgré un soutien large, la déclaration n’a pas pu être adoptée par consensus. Les États-Unis ont mis un veto de dernière minute, déclarant que certaines dispositions — notamment la taxation de produits « malsains » — excédaient le rôle des Nations Unies et portaient atteinte à la souveraineté nationale. Du fait de cette objection américaine, le texte devra désormais passer par un vote en Assemblée générale pour être officiellement adopté[2].

Cette obstruction reflète les tensions géopolitiques autour des attentes de régulation internationale en matière de santé, et constitue un avertissement : la volonté politique à l’échelle mondiale reste fragile, même face à un consensus apparent.

Santé mentale et équité au cœur des priorités

La santé mentale occupe une place renforcée dans la déclaration politique, qui reconnaît l’ampleur du défi : près d’un milliard de personnes dans le monde vivent aujourd’hui avec un trouble psychique, et le suicide constitue la troisième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans. Les États se sont engagés à améliorer la prévention, à réduire la stigmatisation des personnes concernées et à élargir l’accès aux soins. Un objectif chiffré a été fixé : offrir des services de santé mentale à 150 millions de personnes supplémentaires d’ici 2030, en privilégiant l’intégration de ces services dans les systèmes de soins primaires. La question même des addictions (tabac, alcool, autres produits à la nicotine, jeux d’argent, écran etc.) est en outre au cœur de la santé mentale de centaines de millions de personnes dans le monde.

La déclaration met également en lumière les liens étroits entre santé mentale, maladies non transmissibles et déterminants sociaux de la santé. Les personnes souffrant de troubles psychiques sont exposées à un risque accru de maladies chroniques, avec des taux plus élevés de morbidité et de mortalité. Les États reconnaissent la nécessité de politiques multisectorielles qui tiennent compte de ces interactions et qui intègrent la santé mentale dans les stratégies nationales de lutte contre les MNT.

Enfin, l’accent est mis sur la réduction des inégalités. Les populations défavorisées, les personnes âgées, les femmes et les personnes en situation de handicap subissent de manière disproportionnée le poids des MNT et des troubles psychiques. Les États se sont engagés à garantir un accès équitable aux services de prévention et de soins, en tenant compte des situations de vulnérabilité accrue, notamment dans les pays à revenu faible et intermédiaire et dans les petits États insulaires en développement. La déclaration souligne ainsi l’importance d’une approche fondée sur l’équité et sur le respect des droits humains, afin de ne laisser personne de côté dans la réponse mondiale aux MNT et à la santé mentale.

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Communiqué, Fourth High-level Meeting of the UN General Assembly on the prevention and control of NCDs and the promotion of mental health and wellbeing (HLM4), OMS, publié le 25 septembre 2025, consulté le jour-même

[2] UN Declaration on Noncommunicable Diseases Fails to Win Approval After US Foils Consensus, Health Policy watch, publié le 25 septembre 2025, consulté le jour-même

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