La Nouvelle-Zélande en pointe de la lutte contre le tabagisme
15 décembre 2022
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 15 décembre 2022
Temps de lecture : 6 minutes
Au moment où la Nouvelle-Zélande se dote de la loi contre le tabagisme la plus poussée au monde, British American Tobacco et d’autres industriels menacent de poursuivre le gouvernement en justice au sujet de la révision du dispositif des produits de vapotage.
Soumis en première lecture au Parlement en juin 2022, le renforcement de la loi contre le tabagisme a été adopté ce mardi 13 décembre[1]. Il place la Nouvelle-Zélande en tant que pays le plus en avance en matière de lutte contre le tabagisme et s’inscrit dans la perspective d’une génération sans tabac à partir de 2025. A cette date, la Nouvelle-Zélande entend situer sa prévalence tabagique à 5 % de la population, alors qu’elle est actuellement de 8 %.
Réduction des lieux de vente, limite d’âge à la vente de tabac
Trois principaux axes se dégagent de cette loi[2] :
- La vente de produits du tabac sera interdite à toute personne née à partir du 1er janvier 2009. Une mesure similaire n’a jusqu’ici été adoptée que dans deux villes, Brookline aux Etats-Unis et Balanga City aux Philippines.
- Le nombre d’établissements qui auront le droit de vendre du tabac sera limité à 600, alors qu’il est actuellement d’environ 6000, soit une réduction de 90 % du nombre de points de vente. Les détaillants de tabac devront d’ici peu être agréés par les pouvoirs publics, selon des conditions et des procédures définies dans le texte de loi[3]. Hors de cette autorisation, la vente de tabac pourra être sanctionnée par une amende allant jusqu’à 150 000 $NZ (95 000 $US). La répartition des points de vente est prévue en fonction de la diffusion géographique des fumeurs.
- Une réduction de la teneur en nicotine des cigarettes, à un niveau empêchant l’installation d’une dépendance.
Plus largement, les produits du tabac fumés devront être approuvés chaque année par un organisme public, sous peine d’amende allant de 400 000 à 600 000 $NZ (256 000 à 384 000 $US). Les conditions d’accréditation de ces produits (normes de sécurité, ingrédients, quantité de certains composants – dont la nicotine) peuvent être modifiées par le Premier Ministre. Les tests des produits sont à la charge des fabricants et des importateurs.
Encadrement des vendeurs de produits de vapotage
La nouvelle loi affecte peu la vente des produits de vapotage, mais encadre de manière plus stricte les conditions d’accès au statut de vendeur, qui sera soumis à l’approbation des autorités. Les vendeurs devront notamment être dotés d’un point de vente physique fixe, où 60 à 70 % des produits vendus sont destinés au vapotage.
Parmi les réactions à ce texte de loi, celle de Action on Smoking and Health (ASH-NZ) est assez surprenante. L’organisation se réjouit de ces mesures, mais appelle plutôt à renforcer l’aide à l’arrêt aux fumeurs, en attribuant aux seules cigarettes électroniques une baisse de prévalence tabagique plus forte que deux décades de politique antitabac[4]. L’argument le plus étonnant de ASH-NZ est d’évoquer le risque d’augmentation de contrebande que pourrait d’entraîner la nouvelle loi, un discours d’ordinaire réservé aux industriels du tabac et repris par le parti libéral ACT New Zealand, opposé à l’extension de la loi antitabac. La Nouvelle-Zélande connaît pourtant une activité de contrebande particulièrement faible, à hauteur de 5,4 % du marché. ASH-NZ avait déjà critiqué quelques semaines plus tôt le projet de cigarettes à très faible teneur en nicotine, estimant que cette théorie n’était pas vérifiée[5].
Par contraste, la branche étatsunienne de ASH (ASH-Washington) s’est félicitée de manière nettement plus vigoureuse de cette avancée de la Nouvelle-Zélande. Cette même organisation a salué l’attention des pouvoirs publics davantage concentrée sur l’offre des produits de tabac que sur la demande.[6]
Pression des industriels autour du dispositif révisé pour les produits de vapotage
Peu avant le retour de cette loi devant le parlement, l’Autorité de régulation du vapotage avait, en octobre 2022, adressé aux industriels du vapotage une demande de fiches détaillées des produits mis en vente, en vue d’une révision portant sur plus de 2000 substances. 8083 produits de vapotage sont ainsi visés par cette révision, qui a déjà conduit à retirer 466 de ces produits. 1683 substances restaient encore en suspens au 9 décembre dernier, date de remise des fiches détaillées, date finalement différée d’une semaine.
L’objectif de cette opération est notamment de s’assurer que les industriels respectent bien les normes établies en matière de nicotine, soit un maximum de 20 mg/ml pour la nicotine freebase et de 50 mg/ml pour les sels de nicotine. Une étude de l’Institute of Environmental Science and Research (ESR) a en effet révélé que de nombreux e-liquides et produits de vapotage contiendraient davantage ou moins de nicotine que ce qui est annoncé[7].
British American Tobacco New Zealand (BATNZ) a écrit à la ministre de la Santé pour lui demander une rencontre en urgence afin de discuter des sels de nicotine et obtenir une extension du délai de révision, tout en menaçant de porter l’affaire en justice[8]. En parallèle, un groupe de dix industriels du vapotage envisage une procédure judiciaire contre cette révision des produits de vapotage et sa définition des sels de nicotine. Des demandes des industriels qui ressemblent davantage à une forme d’intimidation juridique, juste avant le vote des parlementaires.
Pour aller plus loin, consultez notre fiche d’information : Mesures clés du projet de législation néo-zélandaise « Smokefree 2025 ».
Mots-clés : Nouvelle-Zélande, Smokefree 2025, ASH, BAT
MF
[1] McClure T, New Zealand passes world-first tobacco law to ban smoking for next generation, The Guardian, publié le 13 décembre 2022, consulté le 13 décembre 2022.
[2] Associate Minister of Health, Thousands of lives and billions of dollars to be saved with smokefree bill passing, Scoop, publié le 13 décembre 2022, consulté le 15 décembre 2022.
[3] Smokefree Environments and Regulated Products (Smoked Tobacco) Amendment Bill, New Zealand Legislation, consulté le 13 décembre 2022.
[4] ASH Supports New Smoking Legislation But Urges The Government To Now Give More Help To Smokers To Quit, Scoop Regional, publié le 13 décembre 2022, consulté le 13 décembre 2022.
[5] Assumptions behind plans to remove nicotine from cigarettes “significantly flawed”, ASH NZ, publié le 7 novembre 2022, consulté le 13 décembre 2022.
[6] A Global First: New Zealand Passes Tobacco Endgame Bill Package, ASH-Washington, publié le 13 décembre 2022, consulté le 13 décembre 2022.
[7] Up in steam: ESR scientists reveal what's really in vape liquid, ESR, consulté le 13 décembre 2022.
[8] Dahmen A, Exclusive: British American Tobacco threatens legal action over Government vaping review, NZ Herald, publié le 12 décembre 2022, consulté le 13 décembre 2022.
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