Kenya : un rapport demande des hausses de taxes pour lutter contre l’épidémie de nicotine
30 juillet 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 août 2024
Temps de lecture : 5 minutes
Au Kenya, une étude publiée par la National Taxpayers Association alerte sur les hauts niveaux de consommation des produits du tabac et de la nicotine, et en particulier des cigarettes électroniques, des sachets de nicotine et du narguilé. Face à l’enjeu sanitaire que soulèvent ces produits, le rapport enjoint les pouvoirs publics à mettre en place une politique fiscale dissuasive.
Le rapport, publié le 22 juillet 2024, s’appuie sur une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de plus de 2800 Kenyans de plus de 18 ans, visant à évaluer les habitudes de consommation de la population pour les cigarettes électroniques, les sachets de nicotine et le narguilé[1].
Des niveaux de consommation différents selon les catégories de population
Les résultats de l’enquête montrent de fortes disparités dans les niveaux de consommation de ces produits, en fonction du niveau d’études, du genre, de l’âge, de l’ethnie ou du statut économique des individus. Ainsi, si la prévalence nationale pour ces produits s’établit à 5,9%, celle des régions kenyanes défavorisées est estimée à 3,4%, tandis qu’elle atteint 7,9% auprès des populations vivant dans les régions à hauts niveaux de revenus.
Les répondants déclarant appartenir à la communauté asiatique montrent une plus forte consommation de cigarettes électroniques, de sachets de nicotine et de narguilé, allant de 5,4% à 9,7% en fonction des régions. En comparaison, les répondants appartenant à la communauté africaine enregistrent une prévalence plus faible, estimée entre 2,1% et 6,1%.
L’enquête montre également que la consommation de ces produits s’observe davantage chez les hommes, avec une prévalence pouvant atteindre jusqu’à 11,2% dans les régions à hauts niveaux de revenus. En comparaison, moins de 5% des femmes déclarent consommer au moins l’un de ces trois produits.
Par ailleurs, le rapport pointe une corrélation entre les niveaux d’études et de consommation. En effet, dans les régions favorisées, 11,5% des personnes ayant un niveau de diplôme supérieur au bac sont consommateurs de cigarettes électroniques, de sachets de nicotine ou de narguilé, contre 8,3% pour les personnes ayant un niveau équivalent au bac, et 3,9% des personnes les moins diplômées.
Enfin, les chiffres soulignent une plus forte consommation auprès de la population âgée de 26 à 35 ans. Au sein de cette tranche d’âge, la prévalence pour ces trois produits est estimée à 10,5% dans les régions le plus riches, et à 5,3% dans les régions les moins favorisées. A l’inverse, les 18-25 ans enregistrent les plus faibles niveaux de consommation, allant de 2,2% à 5,9%.
Des consommations différentes selon les régions du Kenya
L’étude met en lumière de fortes disparités dans les modalités de consommation au sein de la population. En effet, les personnes issues des régions à hauts niveaux de revenus déclarant consommer l’un de ces trois produits se tournent davantage vers les cigarettes électroniques que les personnes issues de régions défavorisées. Ces dernières se tournent à l’inverse majoritairement vers le narguilé (55,1%), beaucoup moins consommée dans les régions les plus riches (31%). Les tentatives d’arrêt sont également plus fréquentes auprès des populations les plus aisées, qui sont près de 30% à avoir cherché à stopper leur consommation au cours des six derniers mois, contre moins de 20% chez les personnes les plus précaires.
Bien que cette enquête donne un aperçu utile de la consommation de cigarettes électroniques, de sachets de nicotine, et de narguilé, l’étude présente plusieurs limites. En effet, le rapport ne permet pas de connaître l’évolution de la consommation de ces produits. Par ailleurs, au-delà des différences de nature de ces trois produits, le rapport ne fournit que très peu de données sur la consommation de tabac, ainsi que sur les polyconsommations, qui présentent pourtant un risque majoré.
Hausse des taxes, interdiction : les propositions de la société civile
Dans cette perspective, le responsable du département de la lutte contre les drogues et les substances addictives a indiqué que le gouvernement kenyan travaillait actuellement à l’élaboration d’amendements visant à actualiser et élargir le champ d’application de la réglementation relative aux produits du tabac et de la nicotine. Si le détail des mesures n’a pas été fourni, plusieurs options ont été soulevées par la société civile. Ainsi, dans son rapport, la National Taxpayers Association insiste sur la nécessité de mettre en place une politique fiscale dissuasive sur l’ensemble de ces produits, tout en renforçant la lutte contre le commerce illicite. Toutefois, dans son rapport, l’association estime que l’idée selon laquelle la mise en place d’une trajectoire fiscale encouragerait le commerce illicite correspond à un argument diffusé par l’industrie du tabac, infirmé par la littérature scientifique. De son côté, l’Alliance kenyane pour la lutte antitabac et la promotion de la santé a enjoint le ministère à envisager l’interdiction de commercialisation de ces produits, notamment dans l’objectif de protéger les plus jeunes[2].
FT
[1] National Taxpayers Association, The landscape of new-generation tobacco and nicotine products consumption in Kenya, 22/07/2024, (consulté le 25/07/2024)
[2] The Star, MoH's new tack to stop nicotine peddlers reaching Gen Z, 24/07/2024, (consulté le 25/07/2024)
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