Kenya : le gouvernement abandonne les taxes, les fabricants augmentent les prix
28 juillet 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 6 août 2024
Temps de lecture : 4 minutes
Au Kenya, alors que les hausses de taxes sur les produits du tabac ont été abandonnées par les pouvoirs publics, les prix du tabac ont pourtant augmenté de 20 à 33%, en raison des politiques tarifaires des fabricants. Ces brusques augmentations, déposées sans préavis par les cigarettiers, ont pour objectif de restaurer leurs marges bénéficiaires.
Une augmentation des prix plus forte que ce que prévoyait le gouvernement
Selon le journal kenyan The Star, le prix moyen des cigarettes a augmenté d’environ 100 shillings par paquet de vingt unités, soit près de 70 centimes d’euros, correspondant à une augmentation comprise entre 20% et 33%. Ainsi, un paquet de Sportsman, l’un des plus vendus dans le pays, se vend désormais à environ 2,80 euros, contre 2,10 avant l’augmentation. Cette augmentation, entreprise par British American Tobacco (BAT), a été suivie par les autres fabricants, alors que le président du Kenya, William Ruto, avait refusé de signer le projet de loi visant à augmenter la fiscalité sur le tabac, suite à des manifestations dans le pays. En définitive, les politiques tarifaires des fabricants entraînent une augmentation du prix du tabac plus forte que ce que prévoyait le projet de loi[1].
La hausse des coûts de production au Kenya pour justifier la politique tarifaire
Le fabricant British American Tobacco a justifié cette hausse soudaine en évoquant la nécessité de faire face à l’augmentation des coûts de production, due à la morosité de l’économie kenyane, au contexte géopolitique, à la hausse des taux d’intérêt et des fluctuations monétaires. Au cours de l’année 2023, le bénéfice de British American Tobacco aurait diminué de plus de 19%, en raison de l’augmentation des coûts et de la diminution des volumes de vente. Selon le cigarettier, de telles pratiques tarifaires s’imposent pour assurer la pérennité du secteur tabac, représentant plus de 80 000 emplois au Kenya. Il est par ailleurs intéressant de noter que pour s’opposer aux politiques fiscales, l’industrie du tabac avance régulièrement l’argument qu’une telle mesure pénaliserait le pouvoir d’achat des fumeurs. Celui-ci ne semble toutefois pas avoir été retenu par les fabricants lors de la mise en place de leur politique tarifaire dans le pays.
La question du commerce illicite éludée par les fabricants
Face à cette hausse, la Fédération des consommateurs du Kenya (Cofek) et la Campagne contre le commerce illicite et les produits contrefaits (CAITFAP) ont alerté sur le risque que de telles pratiques tarifaires pourraient entraîner sur le commerce illicite. Les fabricants s’étaient opposés à des hausses de taxes sur les produits du tabac, en arguant précisément le risque qu’une telle hausse aurait pour conséquence de pénaliser le secteur tabac et d’encourager le commerce illicite. Un tel revirement semble indiquer que les fabricants accordent peu de crédit à leur propre argumentaire, qui vise uniquement à dissuader les pouvoirs publics à mettre en place des politiques de lutte contre le tabagisme.
L’enjeu sanitaire du tabagisme au Kenya
Le tabagisme représente un enjeu humain et sanitaire majeur au Kenya. Selon une récente étude publiée dans Tobacco Induced Diseases, la prévalence tabagique est estimée à 13,5%, avec de fortes disparités selon le genre. Ainsi, si seulement 4% des femmes déclarent être fumeuses, près d’un homme sur quatre dans le pays consomme du tabac (23%). Dans l’ensemble, le tabagisme représente 16,5% des décès chez les personnes âgées de plus de 35 ans, tandis qu’il est responsable de plus de 40% des décès associés à des maladies respiratoires, de 31,4% des décès par cancer, et de 13% des décès par tuberculose dans le pays[2].
FT
[1] The Star, Cigarette prices up by 33% despite Finance Bill withdrawal, 24/07/2024, (consulté le 25/07/2024)
[2] Odeny, Lazarus, Gladwell Gathecha, Valerian Mwenda, Anne Kendagor, Samuel Cheburet, Beatrice Mugi, Caroline Mithi, Florence Jaguga, Kennedy Okinda, Rachel K. Devotsu, Shukri F. Mohamed, and Jane R. Ong’ang’o. "Tobacco smoking-attributable mortality in Kenya, 2012–2021". Tobacco Induced Diseases 22 no. July (2024): 134. doi:10.18332/tid/186170.
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