Jordanie. Le désastre sanitaire du tabagisme.
25 juin 2020
Par: communication@cnct.fr
Dernière mise à jour : 25 juin 2020
Temps de lecture : 3 minutes
Victime de l’industrie du tabac, la Jordanie est devenue le pays avec la plus forte prévalence tabagique mondiale. On estime aujourd’hui que huit hommes adultes sur dix sont consommateurs de produits du tabac et de la nicotine, dépassant désormais la prévalence observée en Indonésie pour la même catégorie (67%), pourtant terrain de jeu de l’industrie du tabac.
La problématique de la normalisation du tabagisme
Selon une étude nationale de 2019, la consommation moyenne pour un fumeur adulte dépasse un paquet de cigarettes par jour (21,3)[1]. Selon un article du Guardian[2], la Jordanie, victime d’une complète normalisation du tabagisme, peine à faire respecter les restrictions en vigueur, à commencer par les interdictions de fumer dans certains lieux publics ou à usage collectif (hôpitaux, bureaux, etc).
Cette omniprésence tabagique ne se répercute pas seulement sur les fumeurs. Ainsi, les enfants sont les premiers touchés par un tabagisme passif difficilement évitable. Cette situation est d’autant plus problématique que les enfants exposés à la fumée de tabac sont davantage susceptibles de développer des maladies pulmonaires et cardio-vasculaires, et ont davantage de risques de développer une dépendance à la nicotine et devenir à leur tour fumeurs.
L’ingérence de l’industrie du tabac
La situation du pays s’explique par une stratégie particulièrement agressive de la part des cigarettiers, retardant ou bloquant toute tentative de légiférer sur le tabagisme.
Selon l’indice général sur l’interférence de l’industrie du tabac, développé par la Stopping Tobacco Organisations and Products[3], la Jordanie est le deuxième pays le plus en proie à l’interférence des cigarettiers dans les politiques publiques, après le Japon. Les lignes directrices de l’article 5.3[4] de la Convention-cadre de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la Lutte AntiTabac affirme le caractère inconciliable des intérêts de l’industrie du tabac et ceux de la santé publique.
Une catastrophe sanitaire à venir
Aujourd’hui, un décès sur huit en Jordanie est attribuable au tabagisme, contre un sur dix dans le monde, tandis qu’en moyenne, son coût est proportionnellement trois fois supérieur à celui des autres pays. Toutefois, la mesure des effets sanitaires du tabagisme ne se fera véritablement sentir que vers 2030, et s’accompagnera très vraisemblablement d’une explosion des maladies non-transmissibles (cancers, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires) à laquelle le pays n’est pas préparé. La lutte contre l’épidémie tabagique et nicotinique est de ce fait un enjeu central pour la santé publique jordanienne aujourd’hui et pour ces prochaines décennies.
[1] World Bank Group, Overview of tobacco use, tobacco control legislation, and taxation », 2019
[2] https://cnct.fr/wp-content/uploads/2019/10/Indice-mondiale-dinterf%C3%A9rence-de-lindustrie-du-tabac-2019-sommaire-ex%C3%A9cutif.pdf
The Guardian, « Big tobacco wants our youth's lungs': rise of smoking in Jordan », 23 juin 2020
[3] STOP, « Comment l’industrie du tabac s’immisce dans la lutte antitabac dans le monde entier », 2019
[4] Convention-cadre de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la Lutte AntiTabac, texte intégral. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42812/9242591017.pdf;jsessionid=E2B8A8A084713181ABEDB8597BCFD4B0?sequence=1