Instagram permet de contourner l’interdiction des cigarettes électroniques au Brésil

11 octobre 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 11 octobre 2024

Temps de lecture : 5 minutes

Instagram permet de contourner l’interdiction des cigarettes électroniques au Brésil

Les politiques du groupe Meta (Facebook et Instagram) autorisent les magasins à acheter, vendre, échanger, offrir ou demander des e-cigarettes sur ses plateformes, s’opposant ainsi directement à l'interdiction de commercialisation des e-cigarettes au Brésil depuis 2009.

Les politiques de contenu de Meta permettent d'acheter, de vendre, d'échanger, d'offrir et de demander des produits à base de nicotine, dont des cigarettes électroniques, par le biais de profils gérés par des magasins « légitimes ». L'utilisation des e-cigarettes a fortement augmenté dans le pays au cours des dernières années, les ventes étant en partie stimulées par les plateformes de médias sociaux comme Instagram et WhatsApp, selon un rapport du gouvernement. Pendant ce temps, l’industrie du tabac fait pression en faveur de leur légalisation, menaçant de faire reculer des décennies de baisse de la consommation de tabac.

Hausse de la consommation de dispositifs de vapotage illégaux

Le gouvernement brésilien a interdit la vente, l'importation et la publicité des e-cigarettes en 2009. Pendant un certain temps, il a semblé que l'interdiction avait réussi à maintenir les taux de vapotage à un niveau bas. Selon Covitel, une enquête nationale visant à surveiller les facteurs de risque des maladies chroniques au Brésil, 0,6 % des personnes âgées de 18 à 24 ans étaient des utilisateurs réguliers d'e-cigarettes en 2022. À titre de comparaison, aux États-Unis et au Canada, 6,4 % et 7,2 % des personnes âgées de 16 à 19 ans vapotaient régulièrement en 2022.

Mais l'utilisation et le commerce illicite de dispositifs de vapotage ont fortement augmenté au Brésil. Entre 2018 et 2023, le nombre de Brésiliens ayant admis avoir vapoté au cours des 30 jours précédant l'enquête est passé d'un peu plus de 499 000 personnes à plus de 2,87 millions, selon une étude réalisée par Ipec, une société d'études de marché et de sondages d'opinion. Le nombre de vapes illicites saisies chez les vendeurs est passé d’un peu plus de 21 000 à environ 1,37 million par an au cours de cette période, selon les autorités fiscales.

L’utilisation d’Instagram pour contourner la loi brésilienne

Bien que l’entreprise Meta permette à des boutiques comme les magasins de briques et de mortier de vendre des produits du tabac et de la nicotine par l'intermédiaire de ses plateformes, elle interdit aux boutiques d'utiliser ses outils publicitaires pour stimuler ce contenu auprès d'un public plus large (sponsorisation de contenus). Pour contourner cette restriction, les vendeurs se sont tournés vers la publicité via des influenceurs et la création de comptes en masse.

Une récente enquête du Núcleo Jornalismo a révélé qu'une marque de vapotage, Nikbar, a créé un réseau d'au moins 44 comptes axés sur plusieurs villes brésiliennes pour vendre des e-cigarettes sur Instagram. La marque a fait la promotion de ces comptes en partenariat avec plus de 25 influenceurs numériques, dont le chanteur de funk MC Kevinho et le chanteur de country Zé Felipe, dont le nombre total de followers sur la plateforme dépasse les 50 millions.

Le média « Rest of World » a trouvé plus de 100 publicités payantes d'une seule marque d'e-cigarettes ciblant les Brésiliens sur Facebook. Interrogés, certains vendeurs au Brésil affirment qu'ils ne violent pas les règles d'Instagram. « Les posts ne sont mis en ligne que si Meta nous autorise ; ce sont eux qui dictent ce que vous pouvez et ne pouvez pas [poster] ».

Anvisa, l'agence de régulation sanitaire du pays, surveille en permanence le contenu des médias sociaux. Entre janvier 2023 et juin 2024, l'agence a supprimé plus de 16 000 URL liées au commerce de l'e-cigarette en utilisant Epinet, un outil de surveillance basé sur l'intelligence artificielle qui recherche en permanence sur Internet la vente de biens interdits au Brésil.

Les pressions de l’industrie pour légaliser la vente des cigarettes électroniques

En octobre 2023, la sénatrice de droite Soraya Thronicke a présenté une proposition de loi, soutenue par l'industrie du tabac, visant à légaliser les e-cigarettes et à autoriser leur vente en ligne. Elle fait valoir que l'interdiction de ces produits a été inefficace et qu'elle profite au commerce illicite. La proposition de loi a suscité une lettre ouverte signée par 80 sociétés médicales et scientifiques qui s'opposent à cette légalisation.

En 2022, l'Anvisa a approuvé un rapport technique indiquant la nécessité de maintenir l'interdiction de ces produits et celle d'adopter des mesures supplémentaires pour freiner les ventes irrégulières d'e-cigarettes. Etaient notamment préconisées la multiplication des contrôles et la diffusion de campagnes d'information sur les effets du vapotage sur la santé. Le sujet de l’interdiction a été réexaminé par l'agence en avril 2024, à l'issue d'une consultation publique qui a permis d'entendre les contributions d'experts, de fabricants de produits de vapotage et de consommateurs. L'Anvisa a, à nouveau, préconisé de maintenir l’interdiction de la vente de cigarettes électroniques et accessoires associés[1].

Le Brésil a pris des dispositions législatives fortes pour protéger la santé de ses citoyens. En juillet 2019, le Brésil est devenu le deuxième pays à mettre pleinement en œuvre toutes les mesures du traité de l’OMS, la Convention cadre pour la Lutte antitabac, dans le but de réduire la consommation de tabac et de nicotine et de protéger la population contre les maladies chroniques non transmissibles.

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Génération sans tabac, Le Brésil maintient l’interdiction de vente du tabac chauffé et des produits du vapotage, publié le 29 avril 2024, consulté le 8 octobre 2024

Comité national contre le tabagisme |

Ces actualités peuvent aussi vous intéresser