France : Le nouveau plan antitabac ne séduit pas pleinement les associations
29 novembre 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 29 novembre 2023
Temps de lecture : 6 minutes
Présenté ce mardi matin par le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, à l’occasion d’une conférence de presse, le nouveau Programme national de lutte contre le tabagisme 2023 – 2027 annonce une série de mesures destinées à réduire la consommation de tabac encore élevée en France. Les associations antitabac accusent le gouvernement d’avoir cédé au lobby des buralistes en n’incluant pas un volet fiscal ambitieux, levier considéré pourtant comme coût-efficace essentiel pour réduire la prévalence.
Si certaines des mesures prévues avaient été recommandées par la société civile comme la généralisation du paquet neutre à l’ensemble des produits du tabac et du vapotage ou l’extension des espaces sans tabac, les associations de lutte contre le tabagisme comme le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et l’ACT-Alliance contre le tabac s’étonnent de l’absence d’une réelle trajectoire fiscale pour les produits du tabac.
Une politique fiscale trop fébrile
Malgré la déclaration du ministre de la santé, « le levier du prix, c’est ce qui fonctionne le mieux », le gouvernement annonce porter le prix d’un paquet de cigarettes à 12€ en 2025 et à 13€ en 2026. Une augmentation bien trop faible pour être efficace selon les associations qui précisent que pour être efficaces, les hausses de taxes doivent être fortes et répétées dans le temps. Cette augmentation correspond essentiellement à une prise en compte de l’inflation. Le CNCT rappelle dans son livre blanc qu’une hausse continue des taxes à hauteur de 10% par an doit constituer une partie intégrante à toute politique de lutte contre le tabagisme efficace. Cette dernière l’est particulièrement auprès des jeunes et des catégories populaires davantage sensibles à la dimension du coût financier. Pour l’association, cette faible augmentation des taxes est le résultat d’un lobby important de la part des buralistes, principaux représentants des intérêts de l’industrie du tabac.
La Belgique, a également dévoilé son nouveau plan national de lutte antitabac et prévu une hausse significative des taxes sur les produits du tabac, conduisant à une augmentation de 25% du prix à la vente au détail, soit une hausse moyenne de 2€ par paquet, et ce dès le 1er janvier 2024.
Se protéger de l’ingérence des acteurs du tabac
Le Programme entend poursuivre la mise en œuvre de l’engagement de la France de lutter dans tous les secteurs de l’Etat contre l’influence des industriels du tabac dans la politique de lutte contre le tabac, conformément à l’article 5.3 de la Convention-Cadre pour la lutte antitabac, ratifiée par la France en 2004. Dans un communiqué[1], le CNCT précise œuvrer depuis de longue date pour faire connaître les dispositions de l’article 5.3 auprès des décideurs publics afin de protéger les politiques publiques de l’interférence de l’industrie et de ses alliés, en particulier la Confédération des buralistes. En France cette dernière continue d’effectuer un lobbying intense visant à affaiblir, retarder, ou bloquer l’ensemble des dispositions protectrices de santé publique.
Un renforcement net des mesures autour des nouveaux produits de la nicotine et du marketing des industriels
Plusieurs actions visant à réduire l’attractivité des nouveaux produits de la nicotine, notamment auprès des jeunes, ont été annoncées, en particulier la généralisation du paquet neutre à l’ensemble des produits du tabac et du vapotage. Une mesure forte encore peu appliquée à l’échelle mondiale puisque seul Israël dispose d’emballages neutres pour les produits du vapotage et l’ensemble des produits du tabac (dont le tabac chauffé). Le ministère de la santé souhaite également « limiter » les arômes attractifs présents dans les dispositifs de vapotage ainsi que pour les produits du tabac actuellement non concernés. L’enjeu de l’interdiction des arômes avait été soulevé dans un rapport remis aux pouvoirs publics par le CNCT restituant le marketing déployé, lequel cible tout particulièrement les plus jeunes.
Qualifiée d’« aberration environnementale et de santé publique », l’interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique et jetables (puff) a été incluse dans le nouveau plan et sera discutée en procédure accélérée par les parlementaires dès cette semaine. Le gouvernement veut également élaborer une feuille de route cohérente sur la règlementation applicable à l’ensemble des produits nicotinés, comme les sachets de nicotine.
Enfin, en ce qui concerne les produits du tabac stricto sensu, il est prévu d’interdire les étals dans les lieux de vente, c’est-à-dire de présenter les produits sur les linéaires à la vue de tous les clients entrant dans un débit de tabac.
L’élargissement des espaces sans tabac
Le gouvernement entend généraliser l’interdiction de fumer aux plages, parcs publics, forêts, et aux abords de certains lieux publics, notamment les établissements scolaires dans un objectif de dénormalisation du tabagisme dans la société. Il s’agit essentiellement de la généralisation d’expériences menées avec succès dans différentes communes en France. La mise en place des espaces sans tabac est aussi démontrée comme efficace pour réduire les maladies et les décès causés par le tabagisme et l’exposition à la fumée de tabac.
Accompagner les fumeurs vers l’arrêt du tabac
Une des autres mesures phares concerne l’accès aux traitements validés de substitution nicotinique (TNS) pour les fumeurs. Le gouvernement veut renforcer leur accessibilité, en expérimentant le remboursement de ces médicaments auprès de pharmacien, sans ordonnance ou encore en ouvrant la prescription à distance par les professionnels de santé du dispositif « Tabac Info Service » de Santé publique France.
Un accent sera aussi mis sur la prévention auprès de populations vulnérables tout particulièrement touchées par le tabagisme.
Mots-clés : Programme national de lutte contre le tabagisme, PNLT, associations antitabac, France, fiscalité, taxes, tabac, lobby, paquet neutre, espaces sans tabac
AE
[1] Communiqué de presse, PNLT : La France s’éloigne de son objectif d’une génération sans tabac, CNCT, publié le 28 novembre 2023, consulté le jour-même
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