Le partenariat avec l’éco-organisme Alcome contesté à Fouesnant
30 janvier 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 30 janvier 2023
Temps de lecture : 5 minutes
Le conseil municipal de Fouesnant a acté un accord avec l’éco-organisme Alcome le 15 décembre 2022. Les élus d’opposition dénoncent ce partenariat et soulignent qu’Alcome est financé par les buralistes et les industriels du tabac.
La commune de Fouesnant (Finistère) se distingue par son engagement pour la propreté de ses plages[1]. C’est dans cet esprit que les élus de cette ville de 10 000 habitants (45 000 en été) ont validé le 15 décembre un accord de partenariat avec la société Alcome, l’éco-organisme en charge de la récupération des mégots de cigarettes. L’objectif de cet accord était principalement d’obtenir des cendriers de poche, volontiers offerts gratuitement par l’éco-organisme[2].
Cette décision a été critiquée par les élus d’opposition de la ville, qui estimaient que le tabagisme est un sujet de santé publique. Les approximations rapportées par la presse locale, notamment au sujet de l’annulation par le Conseil d’Etat de l’agrément d’Alcome, ont entraîné la demande d’un droit de réponse de la part d’Alcome et du maire de Fouesnant[3], précisant que l’éco-organisme est encore habilité à mener ses actions. Plusieurs points méritent d’être cependant d’être démêlés.
Un éco-organisme affilié à l’industrie du tabac
L’existence d’un éco-organisme facilitant la récupération des déchets est l’une des obligations découlant de la réduction des plastiques à usage unique et de la responsabilité élargie des producteurs (REP), qui rend le fabricant responsable des déchets issus de ses produits. Une mesure qui concerne en premier lieu les industriels du tabac, les 4500 milliards de mégots jetés chaque année dans le monde étant la première source de déchets rejetés dans l’environnement. Selon le principe « pollueur-payeur », les producteurs sont ainsi tenus de financer les éco-organismes. Mais en ce qui concerne les produits du tabac, ils devraient être exclus de la gouvernance du dispositif mis en place. Ce qui n’est pas le cas en France avec Alcome dont les dirigeants sont des représentants des fabricants de tabac.
L’annulation des missions d’Alcome par le Conseil d’Etat, le 28 juillet 2022, sur deux recours engagés par la Fédération des Fabricants de cigares pour excès de pouvoir, n’a toutefois pas suspendu le fonctionnement d’Alcome en prévoyant une continuation d’activité autorisée jusqu’au 31 décembre 2022. Dans sa nouvelle version, le Ministère de la Transition écologique a révisé de façon mineure le premier arrêté, et a accordé à Alcome un délai de prolongation jusqu’au 7 mars, lui permettant ainsi de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions.
Antagonisme d’Alcome et de la santé publique
En dépit des nombreux avertissements des associations de santé publique, ’habilitation d’Alcome, émanation de l’industrie du tabac, en tant qu’éco-organisme pose un problème de fond. Frédéric Martin, élu d’opposition à Fouesnant, rappelle ainsi que « C’est une société financée par des professionnels du tabac. Cela va à l’encontre d’une convention de l’Organisation mondiale de la santé, ratifiée par la France en 2004. »[4] Une allusion à la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), dont l’article 5.3 proscrit toute interférence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques.
Les élus d’opposition de Fouesnant ont également mis en avant l’incohérence de ce partenariat avec les objectifs de santé publique, et indiqué qu’ils auraient privilégié la piste d’une ville sans tabac. « Notre but est de traiter les déchets, pas de réduire la consommation de tabac », a rétorqué Laure Caramaro, adjointe au maire en charge du cadre de vie. Les associations de santé publique ont pourtant maintes fois rappelé que la réduction du tabagisme reste l’une des meilleures protections de l’environnement. La distribution des cendriers de poches leur apparaît comme un subterfuge des cigarettiers pour se défausser de leur responsabilité sur les fumeurs et renormaliser la consommation de tabac dans l’espace public. Elles préconisent au contraire l’interdiction des filtres dans les cigarettes, dont la présence suggère une illusoire protection contre la fumée du tabac, ainsi que la prise en compte des cigarettes électroniques, notamment jetables, dans les missions de l’éco-organisme. L’indépendance de ce dernier vis-à-vis des industriels du tabac, à qui les activités de responsabilité sociale et environnementale (RSE) sont en principe prohibées, est quant à elle jugée indispensable[5].
Une politique contradictoire avec celle des plages sans tabac
La plage de Cap-Coz est actuellement la seule déclarée sans tabac à Fouesnant, une action mise en place depuis l’été 2016 et épaulée par la Ligue contre le cancer, que les élus envisagent d’étendre à d’autres plages. Cette politique exemplaire est cependant contradictoire avec la distribution de cendriers de poche, qui encouragent implicitement la consommation de tabac en tous lieux.
Pour mieux comprendre les enjeux, consultez nos dossiers sur les cendriers de poche et sur l’éco-organisme Alcome.
Mots-clés : Alcome, éco-organisme, habilitation, Fouesnant, plages sans tabacMF
[1] De Saint Jean M, Plages du Finistère : Fouesnant à la pointe pour la propreté, Actu.fr, Côté Quimper, publié le 14 juillet 2021, consulté le 27 janvier 2023.[2] À Fouesnant, les cendriers d’Alcome sèment la discorde chez les élus, Le Télégramme, publié le 21 janvier 2023, consulté le 27 janvier 2023.[3] Fouesnant. Polémique sur les mégots : réactions du maire et d’Alcome, Ouest France, publié le 24 janvier 2023, consulté le 27 janvier 2023.[4] Fouesnant. Polémique autour du ramassage des mégots de cigarettes, Ouest France, publié le 16 janvier 2023, consulté le 27 janvier 2023.[5] CNCT, L’éco-organisme ALCOME, outil de greenwashing de l’industrie du tabac en France, communiqué de presse, publié le 17 mars 2022, consulté le 27 janvier 2023.Comité national contre le tabagisme |