L’efficacité des cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique toujours en question

5 novembre 2021

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 5 novembre 2021

Temps de lecture : 6 minutes

L’efficacité des cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique toujours en question

Une méta-analyse a comparé les résultats de 28 publications basées sur études de cohorte et de 8 autres basées sur des études randomisées, et conclut que l’intérêt thérapeutique des cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique reste faible.

Les cigarettes électroniques sont souvent présentées comme de possibles outils du sevrage tabagique, mais leur véritable efficacité en la matière fait encore débat et les nombreuses études publiées sur ce sujet sont contradictoires. Les partisans des cigarettes électroniques estiment qu’elles permettent d’obtenir des taux d’abstinence supérieurs à ceux obtenus avec les traitements nicotiniques de substitution, tandis que leurs détracteurs considèrent qu’elles n’aident pas véritablement au sevrage tabagique et qu’elles ont même tendance à accentuer la dépendance nicotinique. Une équipe de chercheurs suédois a donc tenté de départager ces points de vue à l’aide d’une méta-analyse de la littérature scientifique[1].

Un niveau de preuve scientifique « faible » à « très faible »

L’équipe suédoise a d’abord procédé à une revue de la littérature scientifique ayant trait à l’utilisation de cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique. Elle a retenu 28 publications basées sur 26 études de cohorte et 8 publications basées sur 7 études contrôlées randomisées, les critères d’inclusion étant la présence d’un groupe contrôle, un suivi sur au moins trois mois et une présentation des résultats permettant le calcul des risk ratios. Les études de cohorte et les études randomisées ont été traitées séparément. Au total, la méta-analyse s’appuie sur une base de 39 147 participants.

L’analyse de ces publications indique que les études de cohorte offrent des résultats moins favorables au rôle des cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique que les études randomisées ; les études de cohorte englobent en effet des échantillons beaucoup plus larges de la population globale tandis que, dans 7 des 8 publications sur les études randomisées, le groupe des fumeurs était uniquement composé de personnes ayant l’intention d’arrêter de fumer. Malgré une sélection attentive, des biais méthodologiques ont été repérés dans les deux types d’études, mais paraissent plus importants parmi les études de cohorte. En évaluant le degré de preuve scientifique des publications, les auteurs constatent que ce niveau de preuve peut être considéré comme très bas pour les études de cohorte et comme bas pour les études randomisées. Ils en concluent que si les cigarettes électroniques peuvent être utiles sous certaines conditions pour les fumeurs motivés par l’arrêt du tabac, elles sont au final des outils peu efficaces pour le sevrage tabagique.

L’efficacité des cigarettes électroniques en débat

Ces conclusions rejoignent celles du Comité scientifique pour la santé, l’environnement et les risques émergents (SCHEER, européen), qui avait estimé en avril 2021 que le niveau de preuve de l’efficacité des cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique est faible, et qu’il est « faible à modéré » pour la réduction de la consommation de tabac[2]. Un constat qui ne fait pourtant pas encore consensus, les dissensions entre professionnels de santé étant nombreuses sur la question du vapotage.

Au Royaume-Uni, sur la base d’une étude de la revue Cochrane, il a été admis que les cigarettes électroniques pourraient éventuellement être officiellement reconnues comme aides au traitement de l’addiction au tabac, sous réserve du dépôt d’un dossier démontrant leur éventuelle efficacité. Malgré un engouement des autorités sanitaires et de certains acteurs de santé pour les cigarettes électroniques, des voix divergentes se font entendre et regrettent que cette décision soit prise en l’absence de données sur les conséquences à long terme du vapotage[3]. L’épidémiologiste Simon Capewell, qui fut d’abord favorable au vapotage, se déclare opposé à la prescription de cigarettes électroniques et se dit « inquiet de l’enthousiasme sans réserve de la part d’organismes publics dont le premier devoir est de protéger notre santé »[4]. Convaincu des bienfaits du vapotage, Robert West, professeur de santé publique de l’University College London (UCL), juge pour sa part impensable qu’un professionnel de santé puisse « prescrire une cigarette électronique produite par une entreprise du tabac »[5]. Les auteurs de l’étude de la revue Cochrane fréquemment citée sont quant à eux plus réservés qu’il n’y paraît sur la fiabilité de leurs résultats ; ils se disent « modérément convaincus » que les cigarettes électroniques soient « probablement » plus efficaces que les substituts nicotiniques classiques, et considèrent que leurs données probantes, s’appuyant sur un petit nombre d’études, sont « d’un niveau de confiance modéré, limitées par l'imprécision »[6]. Le débat sur l’intérêt des cigarettes électroniques comme outil de sevrage semble donc loin d’être tranché.

Mots-clés : e-cigarette, sevrage tabagique, études de cohorte, études randomisées ©Génération Sans Tabac

MF


[1] Hedman L, Galanti M, Ryk L, Gilljam H, Adermark L, Electronic cigarette use and smoking cessation in cohort studies and randomized trials: A systematic review and meta- analysis, Tob. Prev. Cessation 2021;7(October):62. [2] Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER), Opinion on electronic cigarettes. Publié le 16 avril 2021, consulté le 3 novembre 2021. [3] Spencer B, Calver T, Vape nation: how did Britain end up so hooked on e cigarettes?, The Sunday Times (aussi disponible sur le site de la SEATCA), publié le 31 octobre 2021, consulté le 3 novembre 2021. [4] Simon Capewell, The vaping lobby are ignoring the health risks of prescribing e-cigarettes, warns SIMON CAPEWELL, The Daily Mail, publié le 30 octobre 2021, consulté le 3 novembre 2021. [5] Expert reaction to Department of Health press release ‘e-cigarettes could be prescribed on the NHS in world first’, Science Media Centere, publié le 29 octobre 2021, consulté le 3 novembre 2021. [6] Hartmann-Boyce J, McRobbie H, Butler A, Lindson N, Bullen C, Begh R, Theodoulou A, Notley C, Rigotti N, Turner T, Fanshawe T, Hajek P, La cigarette électronique dans le sevrage tabagique (résumé scientifique et résumé simplifié), Cochrane Library, publié le 14 septembre 2021, consulté le 4 novembre 2021. Comité National Contre le Tabagisme |

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