Australie : consommation importante de sachets de nicotine malgré l’interdiction
17 octobre 2024
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour: 15 octobre 2024
Temps de lecture: 7 minutes

Une étude menée auprès de près de 1 600 Australiens âgés de 16 à 39 ans a révélé que 20% des répondants utilisent régulièrement des sachets de nicotine qui sont illégaux en Australie. L'étude a montré que les consommateurs consommaient ces sachets parce qu'ils aimaient la saveur du produit ou parce qu'ils voulaient arrêter ou réduire leur consommation de tabac.
Une enquête en ligne a été menée auprès de 1 598 Australiens âgés de 16 à 39 ans afin d'évaluer la connaissance et l'utilisation (au cours de la vie et des 30 derniers jours) des sachets de nicotine, les caractéristiques de cette consommation (par exemple, des produits avec arômes, le taux de nicotine du produit), où l’achat a été effectué et les raisons de l'utilisation. L'étude[1], publiée dans Drug and Alcohol Dependence, a été menée en ligne de manière anonyme entre avril et juin 2024 et a révélé que 19 % des participants avaient utilisé un sachet au cours des 30 derniers jours.
Les auteurs alertent cependant sur le fait que l’échantillon interrogé n’est pas représentatif. En effet bien qu'il s'agisse d'une stratégie d'échantillonnage intentionnelle (recrutement via courriel par le fournisseur de panel web PureProfile), celui-ci comportait des proportions plus élevées de fumeurs et d'utilisateurs d'e-cigarettes qu’escomptées. En effet, 30% des personnes interrogées ont déclaré consommer actuellement des produits du tabac et 22% étaient des consommateurs de cigarettes électroniques au moment de l’étude, une prévalence plus élevée que la moyenne nationale pour ces deux catégories de produits qui est de 10,6% pour le tabagisme et de 7% pour le vapotage.
Les sachets de nicotine sont interdits en Australie
Les sachets de nicotine sont de petits sacs perméables pré-remplis qui contiennent de la nicotine et d'autres ingrédients, tels que des édulcorants et des arômes. Ils sont placés entre la lèvre et la gencive, où leur contenu se dissout dans la bouche et est absorbé dans la circulation sanguine.
En Australie, les sachets de nicotine sont placés sous la surveillance de la Therapeutic Goods Administration (TGA), une agence publique de réglementation qui supervise la commercialisation et la publicité des produits thérapeutiques. Celle-ci contrôle donc les produits à la nicotine, autres que les produits du tabac. Récemment, la TGA a réitéré sa position sur les sachets de nicotine dans une note[2] en ligne, indiquant qu'aucun sachet n'avait été évalué en termes de « qualité, de sécurité ou d'efficacité » et qu'aucun n'était donc inclus dans le registre australien des produits thérapeutiques (Australian Register of Therapeutic Goods - ARTG). Cette déclaration de l’Agence signifie que les sachets de nicotine ne peuvent pas faire l’objet de publicités et ne peuvent être vendus légalement aux consommateurs par les détaillants australiens.
Un produit consommé régulièrement par les répondants de l’enquête
Un peu plus des trois quarts (77 %) de l'échantillon interrogé ont déclaré connaître les sachets de nicotine. 26 % des répondants en avaient déjà consommé au cours de leur vie et 19 % en avaient consommé au cours des 30 jours précédant l’enquête. Parmi ceux qui ont déclaré avoir utilisé le produit au cours des 30 derniers jours, les produits aromatisés aux saveurs de fruits (35 %) et de menthol/menthe (34 %) ont été les plus couramment utilisés. En ce qui concerne la provenance des sachets, un tiers (33 %) des consommateurs a déclaré s'être procuré le produit auprès d'un détaillant de tabac, 21% auprès d’un ami, 14% sur Internet et 12% dans une pharmacie.
Les raisons les plus fréquemment citées associées à l'utilisation des sachets de nicotine sont « ils ont des saveurs que j'aime » et « pour m'aider à arrêter de fumer ». Environ un tiers des personnes interrogées ont ainsi mentionné ces raisons. Un peu plus d'un quart des personnes interrogées ont déclaré utiliser les sachets de nicotine parce qu'ils « ont bon goût » et « pour m'aider à réduire ma consommation de tabac ». Un peu moins d'un quart des répondants ont déclaré utiliser les sachets de nicotine « pour m'aider à réduire ma consommation de vapotage », ou « parce qu'ils ont l'air amusant/cool ».
Mieux faire appliquer l’interdiction de commercialisation
Le fait que les détaillants soient la source la plus courante de vente de ces sachets est également cohérent avec les recherches précédentes sur les e-cigarettes selon les auteurs. Étant donné que la vente de ces produits au détail est interdite en Australie, les résultats suggèrent que ces détaillants se livrent à des activités illégales. Des efforts sont nécessaires pour faire respecter la réglementation relative à la vente de ces produits.
Les auteurs rappellent également qu'il n'existe aucune preuve de l'efficacité des sachets de nicotine en tant qu'aide au sevrage tabagique ou au vapotage et que la TGA n'a pas approuvé le produit à des fins de sevrage. Selon eux, il est nécessaire d'investir davantage dans les efforts visant à aider les fumeurs et les utilisateurs d'e-cigarettes à arrêter de fumer en ayant recours à des traitements validés scientifiquement. Ils pointent le recours à des méthodes non approuvées dont les effets néfastes sont inconnus.
Une enquête du Guardian Australia avait dévoilé en février dernier que plusieurs influenceurs australiens présentent les sachets de nicotine comme des outils de sevrage des cigarettes électroniques. Alors que ces produits sont interdits à la vente dans ce pays, influenceurs et industriels du tabac nient toute collaboration. Ces influenceurs relaient pourtant le discours des fabricants, avec des arguments insistant sur la discrétion d’utilisation de ces produits et suggérant leur consommation dans les lieux où il n’est possible ni de fumer, ni de vapoter. Ces produits peuvent aussi être présentés comme des « alternatives » au tabac fumé, voire – selon les fabricants – comme une méthode d’arrêt du tabac[3].
Des effets sur la santé encore méconnus
Selon les auteurs de l’étude australienne, la recherche indépendante sur les effets des sachets de nicotine sur la santé n'en est qu'à ses débuts, la plupart des études ayant été menées par des fabricants de tabac ou des chercheurs financés par des fabricants de tabac ou leurs filiales. Les données disponibles issues de tests indépendants sur les composants des produits suggèrent que ces produits contiennent des substances dangereuses, notamment celles classées comme « probablement cancérigènes » par le Centre international de recherche sur le cancer.
Une étude allemande indépendante de 46 références de sachets de nicotine menée en 2022, avait relevé des taux importants de nicotine, des valeurs de pH favorisant son passage sanguin et des traces de nitrosamines spécifiques du tabac[4].
AE
[1] Michelle I. Jongenelis, Mary-Ellen E. Brierley, Runze Li, Patterns of nicotine pouch use among young Australians, Drug and Alcohol Dependence, Volume 264, 2024, 112428, ISSN 0376-8716, https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2024.112428.
[2] Therapeutic Goods Administration, Nicotine pouches, site du gouvernement australien, consulté le 15 octobre 2024
[3] Génération sans tabac, Des influenceurs australiens font la promotion des sachets de nicotine pour arrêter le vapotage, publié le 16 février 2024, consulté le 15 octobre 2024
[4] Génération sans tabac, Traces de nitrosamines et taux importants de nicotine dans les pouches, publié le 16 août 2022, consulté le 15 octobre 2024
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