Au Bangladesh, la loi antitabac est peu respectée par les cigarettiers

15 novembre 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 15 novembre 2023

Temps de lecture : 5 minutes

Au Bangladesh, la loi antitabac est peu respectée par les cigarettiers

Alors que le gouvernement du Bangladesh prévoit de lancer une vaste campagne de sensibilisation contre le tabac, la loi de lutte contre le tabagisme est enfreinte par les industriels du tabac. Les acteurs de santé publique appellent les autorités et à un meilleur respect de la législation.

Bien qu’ayant ratifié dès 2004 la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Bangladesh est un pays où la prévalence tabagique continue d’augmenter. Il en paye un lourd tribut, avec 161 200 morts attribuables chaque année au tabac, soit 20 % des décès annuels, dont environ la moitié sont, selon l’OMS, dus à des pathologies cardiovasculaires ou cérébro-vasculaires.

Pour tenter d’endiguer la progression du tabagisme, les autorités bangladaises ont programmé une importante série de campagnes de sensibilisation aux risques liés au tabac[1]. Se concentrant sur les formes de tabac fumé, elle porte à la fois sur les cigarettes et sur les bidis (feuille de tabac roulée), très couramment consommés. Conçue en partenariat avec l’organisation Vital Strategies, cette série de campagnes comporte quatre volets. Elle sera diffusée durant quatre périodes de deux mois entre le 1er novembre 2023 et le 30 juin 2024, à la télévision et sur les principaux réseaux sociaux. Ces efforts de communication vers le grand public sont cependant contrés par les actions promotionnelles développées par l’industrie du tabac.

Une multitude d’infractions constatées

La loi de 2013 sur le tabagisme et l’usage des produits du tabac prévoit une interdiction complète de la publicité, de la promotion et du parrainage pour les produits du tabac. Elle comporte également des interdictions de fumer dans les lieux publics et la mise en place d’avertissements sanitaires graphiques sur les produits du tabac. Par ailleurs, les instructions pour la mise en œuvre du programme de lutte antitabac du gouvernement local de Dhaka interdisent la vente de tabac aux mineurs et l’installation des revendeurs de tabac à moins de 100 mètres d’un établissement de santé ou d’enseignement. Elles portent aussi à 300 takas (2,54 euros) – au lieu de 50 takas (0,42 euros) – l’amende pour qui fumerait dans un lieu public.

Les acteurs de santé bangladais ont cependant relevé un grand nombre de manquements à ces dispositions antitabac en particulier de la part des cigarettiers, dans une vingtaine de localités de la ville de Khulna[2]. Des opérations de distribution gratuite de cigarettes ont été repérées, tout comme des distributions de cadeaux aux clients et aux revendeurs. Les revendeurs sont incités à augmenter les ventes, y compris auprès des enfants et des adolescents. Des autocollants publicitaires sont apposés à l’extérieur des commerces. Les salariés des cigarettiers arborent des vêtements publicitaires et leurs véhicules aux couleurs de ces entreprises parcourent la ville.

L’interdiction de fumer n’est pas respectée dans les hôpitaux, les transports et autres lieux publics. Les films et les séries semblent, depuis quelques temps, montrer davantage de personnages qui fument. Des collégiens en uniforme se filment également en train de fumer dans des lieux publics et le publient sur les réseaux sociaux, alors qu’il était autrefois mal vu de fumer en public. Au titre de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), les cigarettiers parrainent des compétitions sportives de jeunes, qu’ils utilisent ensuite dans des campagnes promotionnelles.

Passivité des pouvoirs publics

Kudrat-e-Khuda, secrétaire général des Citoyens pour une bonne gouvernance (SHUJAN), estime que les pratiques commerciales des fabricants de tabac dans ce pays sont devenues particulièrement agressives. Il attribue cette tendance au manque de réactivité de l’administration. British American Tobacco Bangladesh (BATB) et Japan Tobacco International (JTI) sont les deux principaux cigarettiers qu’il met en cause. Les contacts étroits et les conflits d’intérêts que ceux-ci entretiennent avec des membres du gouvernement et du Parlement expliqueraient notamment l’inertie des autorités face aux violations constatées. L’article 5.3 de la CCLAT proscrit pourtant formellement ce type de relations avec des industriels du tabac.

Les acteurs de santé (Bangladesh Anti-Tobacco Alliance, Aid foundation, SHUJAN…) demandent aux pouvoirs publics de mieux faire respecter la législation antitabac. Ils réclament de mettre en place des tribunaux mobiles qui puissent sanctionner les infractions commises par les fabricants de tabac. Dans cet esprit, ils collectent les preuves des différentes infractions, en vue de poursuites pénales. Ils appellent également à un meilleur respect des dispositions en vigueur sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Ils devraient par ailleurs émettre des recommandations demandant l’interdiction des produits de vapotage, notamment en raison de la progression de leur usage parmi les adolescents et les jeunes adultes bangladais.

Mots-clés : Bangladesh, British American Tobacco, Japan Tobacco International, infractions, loi antitabac

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Govt launches hard-hitting media campaign on tobacco control, BSS, publié le 4 novembre 2023, consulté le 8 novembre 2023.[2] Molla HH, Tobacco promoters hardly follow any rules, Dhaka Tribune, publié le 4 novembre 2023, consulté le 8 novembre 2023.Comité national contre le tabagisme |

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