Alcome : pourquoi l’éco-organisme de lutte contre les mégots pose problème

17 mars 2022

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 17 mars 2022

Temps de lecture : 5 minutes

Alcome : pourquoi l’éco-organisme de lutte contre les mégots pose problème

L’éco-organisme Alcome va démarrer un programme pilote dans six villes de France, dans un objectif d’ « œuvrer en faveur d’une réduction significative des mégots mal jetés dans l’espace public ». Cependant, cette structure, émanant directement de l’industrie du tabac, est une entorse à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT), et propose des solutions contestables pour réduire la pollution par les mégots.

Alcome a été agréé par le ministère de la Transition écologique en août 2021 pour mettre en place une filière de récupération des 23,3 milliards de mégots jetés sur la voie publique en France chaque année. L’éco-organisme est directement associé à l’industrie du tabac, qui compose l’intégralité de ses membres fondateurs : l’Association des fournisseurs de tabac à rouler (AFTF), British American Tobacco (BAT), Seita Imperial Brands, Japan Tobacco International (JTI), Philip Morris International, ainsi que la Confédération des buralistes[1]. La présidence d’Alcome est assurée par Jérôme Duffieux, également président de Traditab, une PME de production de tabac à rouler et de tabac à pipe et de l’AFTF. Pour rappel, Jérôme Duffieux avait indiqué engager des poursuites contre l’État en 2017 pour protester contre la mise en place de mesures de lutte contre le tabagisme, accusées de défavoriser les petits acteurs face aux multinationales de tabac[2].

Alcome en contradiction avec la Convention-cadre de l’OMS

L’association de l’industrie du tabac dans un programme de lutte contre la pollution des mégots est contraire aux engagements internationaux de la France. En effet, dans ses directives d’application, la Convention-cadre recommande aux pouvoirs publics de limiter strictement les interactions entre les pouvoirs publics et les cigarettiers à « ce qui est nécessaire pour réglementer efficacement l’industrie du tabac et les produits du tabac »[3]. De la même manière, la Convention-cadre appelle les Parties à rejeter les partenariats, ainsi que tout accord non contraignant avec l’industrie du tabac. L’éco-organisme Alcome se situe en dehors des interactions strictement nécessaires, dans la mesure où un organisme indépendant aurait pu mettre en place cette filière, en contraignant l’industrie du tabac à une participation uniquement financière. Enfin, les activités dites de responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont interdites en France pour l’industrie du tabac.

Une inversion de la responsabilité

À l’heure actuelle, six communes participent à ce programme pilote, parmi lesquelles la ville de la Ferté-sous-Jouarre, celle de Rouen, ou encore celle de Grenoble[4], dont la mairie est tenue par Éric Piolle, issu d’Europe-Ecologie les Verts. Si Alcome avance vouloir atteindre l’objectif de réduire de 40% le nombre de mégots jetés sur la voie publique, les solutions proposées pour y parvenir ne semblent pas appropriées. En effet, le discours d’Alcome fait reposer la responsabilité de la pollution par les mégots sur les seuls consommateurs, en éludant que ces déchets sont d’abord produits par les fabricants de tabac. La responsabilité de l’industrie du tabac dans la pollution par les mégots est d’autant plus évidente que ces derniers sont essentiellement composés de filtres, quand l’absence de justification sanitaire de ceux-ci a été démontrée.

Un enjeu environnemental majeur détourné en levier de communication

En évacuant la responsabilité de l’industrie du tabac dans la pollution par les mégots, c’est la question du pollueur-payeur qui est réfutée dans son principe. Ainsi, pour résoudre le problème des mégots, associé à une question de civisme, Alcome propose de mettre en place une mission de sensibilisation, afin d’améliorer « durablement le comportement des fumeurs ». Le déploiement de cette campagne sera principalement assuré par le réseau des buralistes. En d’autres termes, l’éco-organisme Alcome, émanant d’un accord non-contraignant entre les fabricants et les pouvoirs publics, s’apparente à un outil de communication valorisant la responsabilité de l’industrie du tabac, et son engagement dans la lutte contre un problème dont elle est à l’origine.

Cendriers de rue et cendriers de poche : la fausse bonne idée pour lutter contre les mégots

Par ailleurs, sur son site internet, Alcome affirme vouloir lutter contre la pollution des mégots en mettant à disposition des cendriers de rue et des cendriers de poche. Si l’idée peut spontanément apparaître pertinente, il est aujourd’hui démontré depuis plusieurs années que la multiplication des cendriers, en normalisant le tabac, a tendance à se traduire par une augmentation de la consommation tabagique, allant ainsi à l’encontre des objectifs de santé publique. Par ailleurs, la prolifération de cendriers de poche, généralement composés de plastique, sont susceptibles de devenir des déchets supplémentaires à leur tour. Pour lutter contre la pollution des mégots, d’autres pistes plus efficaces sont envisagées, comme la suppression du filtre, la mise en place d’espaces sans tabac, où la réduction du nombre de fumeurs.

Mots clés : Alcome, Mégots, Filtre, Environnement, Pollueur-Payeur ©Génération Sans Tabac

FT


[1] Alcome, (consulté le 14/03/2022)

[2] BFM, La dernière manufacture de tabac « Made in France » veut attaquer l’Etat, 26/03/2017, (consulté le 14/03/2022)

[3] CCLAT, Directives pour l’application de l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac sur la protection des politiques de santé publique en matière de lutte antitabac face aux intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, (consulté le 14/03/2022)

[4] Les Echos, La filière de récupération des mégots lance son programme de « communes pilotes », 08/03/2022, (consulté le 14/03/2022)

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