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Lobbying des industriels en Malaisie contre le projet de loi de sortie du tabac

Le projet de loi interdisant en Malaisie, à partir de 2025, la vente de produits du tabac et du vapotage à toute personne née après le 1er janvier 2007 est contesté par les industriels, qui invoquent les arguments du respect des droits humains et de la réduction des risques.

Comme la Nouvelle-Zélande, la Malaisie souhaite elle aussi aboutir à une génération sans tabac (prévalence tabagique à moins de 5% de fumeurs) et pourrait devenir le deuxième pays au monde à porter cette initiative. Le projet de loi sur le contrôle du tabagisme et des produits du tabac est à nouveau discuté au parlement depuis le 25 juillet dernier.

Une sortie du tabac prévue pour 2025

Ce projet de loi prévoit notamment, en 2025, la fin de la vente des produits du tabac et du vapotage aux personnes nées à partir de 2007[1]. Au-delà de la vente, l’achat, la consommation et la possession de produits du tabac ou de matériel permettant de les consommer pourront faire l’objet d’amendes. Le projet de loi encadre aussi la vente des produits de vapotage, qui ne l’était pas jusqu’ici, en l’alignant sur celle des produits du tabac, ce qui restreint toute possibilité de publicité, de promotion, de marketing et de parrainage. La vente en ligne de produits du tabac et du vapotage deviendrait interdite.

Après concertation des acteurs de santé, l’interdiction de vente de tabac aux personnes nées à partir de 2007, initialement prévue en 2023, ne s’appliquera qu’à partir de 2025[2]. 43 associations de santé ont approuvé ce projet de loi, amplement soutenu par une large majorité de la population. Une majorité de deux tiers des parlementaires est toutefois nécessaire pour valider cette loi.

Les oppositions des industriels

Les industriels du tabac et de la vape se sont opposés à ce projet de loi. Les premiers brandissent la menace d’une explosion du commerce illicite de cigarettes, tout en surestimant le poids de la contrebande dans le marché intérieur. Dans un courrier au ministre de la santé, les responsables locaux de British American tobacco (BAT), Japan Tobacco International (JTI) et Philip Morris International (PMI), décrivent les pénalités qui seraient appliquées aux mineurs fumeurs comme une forme de criminalisation et de stigmatisation des fumeurs. En s’appuyant sur l’Acte de protection des consommateurs de 1999 et la liberté de choix des consommateurs quelle qu’en soient les répercussions, ils dénoncent une atteinte aux droits humains, tout en occultant la question d’un choix engageant sur la vie entière effectué par une personne mineure.

Les professionnels de la vape invoquent quant à eux le principe de la réduction des risques pour défendre le libre accès aux cigarettes électroniques. La régulation de ce marché et l’interdiction de publicité, de marketing, de promotion et de parrainage leur apparaissent comme des menaces pour le tissu industriel et commercial des petits producteurs et des revendeurs, dans un secteur qui emploie déjà 15 000 personnes. Si ce secteur a été concerté pour la rédaction du projet de loi final, BAT Malaisie – très présent sur le marché de la vape – a publiquement regretté que les « autres industriels » n’y soient pas associés.

Un pays particulièrement vapoteur

Avec 4,9% de vapoteurs parmi sa population, la Malaisie est le premier pays d’Asie du Sud-Est en matière de consommation de cigarettes électroniques. On estime que 600 000 jeunes Malais de 11 à 18 ans, pour la plupart non-fumeurs, seraient consommateurs de cigarettes électroniques[3]. A l’argument selon lequel la cigarette électronique aiderait les fumeurs à se sevrer du tabac, le Dr Azrul Mohd Khalib, directeur du think tank Galen Centre for Health and Social Policy, rétorque que le nombre de vapoteurs contactant la ligne d’appel du sevrage tabagique ne cesse d’augmenter. Soutenant énergiquement le projet de loi, il a toutefois appelé à différer de trois mois son adoption afin d’écarter les failles qu’il pourrait contenir, dont celle de la pénalisation des usagers, qui fait débat[4].

Ce dernier thème, qui différencie le projet malaisien de celui de la Nouvelle-Zélande, est à la fois dénoncé par les partisans et par les opposants au projet de loi, mais fait aussi l’objet de désinformations, par exemple sur le montant des amendes ou l’application de peines de prison aux usagers. Comme dans d’autres pays, le sujet de la réduction des risques est quant à lui une source de débat au sein du monde médical[5].

Ce projet de loi devrait constituer une occasion pour les dirigeants malais de se distancier de l’industrie du tabac. Selon le Global Tobacco Industry Interference Index 2021, qui mesure les interférences de l’industrie du tabac dans les politiques publiques de santé, la Malaisie est en effet passée du 23ème rang en 2020 au 66ème rang en 2021, tout particulièrement pour l’aval donné par ses dirigeants aux opérations de responsabilité sociale et environnementales (RSE) déployées par les industriels du tabac dans ce pays[6].

Mots-clés : Malaisie, 2025, sortie du tabac, vapotage, génération sans tabac, endgame

©Génération Sans Tabac

MF


[1] La Malaisie envisage d’interdire le tabac aux futures générations, Génération Sans Tabac, publié le 17 janvier 2022, consulté le 1er août 2022.

[2] Bedi R, Malaysia’s smoking ban proposal aims to reduce cancer risk, but the Bill divides opinion, Channel News Asia, publié le 1er août 2022, consulté le 1er août 2022.

[3] Azrul MK, Let Malaysia be on the right side of history in tobacco ban, Malaysia Now, publié le 16 juillet 2022, consulté le 1er août 2022.

[4] Should The Tobacco And Smoking Bill Pass Now Or Be Deferred To October?, Galen Centre for Health and Social Policy, publié le 1er août 2022, consulté le 1er août 2022.

[5] Doctors’ groups clash over GEG bill, Free Malaysia Today, publié le 1er août 2022, consulté le 1er août 2022.

[6] Mary Assunta. Global Tobacco Industry Interference Index 2021. Global Center for Good Governance in Tobacco Control (GGTC). Bangkok, Thailand, Nov 2021.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 2 août 2022