Traité sur la pollution plastique : appel à interdire les filtres des cigarettes
7 décembre 2022
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 7 décembre 2022
Temps de lecture : 5 minutes
Plus de 2 000 délégués de 160 pays se sont réunis en Uruguay du 28 novembre au 3 décembre à l'occasion de la première des cinq sessions prévues du Comité intergouvernemental de négociations (CIN) du traité des Nations unies visant à mettre fin à la pollution par les plastiques. Les négociations se sont achevées sur un accord visant à mettre un terme à la pollution plastique dans les deux prochaines années. Le texte sera soumis à l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement pour adoption et sera ensuite ouvert à la signature et à la ratification des différents pays. Plusieurs associations de lutte contre le tabagisme ont participé aux négociations pour faire inclure les filtres de cigarettes dans les plastiques à usage unique et les interdire[1].
Le 2 mars 2022, 175 pays membres du Conseil des Nations unies pour l'environnement (CNUE) ont adopté une résolution visant à négocier un accord international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique d'ici la fin de 2024. La résolution 5/14 de l'UNEA a mandaté un groupe de travail ouvert pour effectuer des travaux préparatoires avant les négociations du Comité intergouvernemental de négociation (CIN). La première session du CIN vise à élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans l'environnement marin. La France accueillera la deuxième session de négociations sur le traité international sur la pollution plastique au printemps 2023.
Les pays partagés sur les solutions à mettre en œuvre
Les membres des Nations unies divergent sur des questions majeures, notamment sur la nécessité de limiter la production de plastique, d'éliminer progressivement certains types de plastique et d'harmoniser les règles mondiales[2].
Les grands producteurs de pétrole et de gaz comme les États-Unis et l'Arabie saoudite, ainsi que la plupart des pays d'Asie, souhaitent que le traité proposé soit « ascendant », comme l'accord de Paris sur le changement climatique. Cela signifie que les pays peuvent élaborer leurs propres plans et fixer leurs propres objectifs. De l’autre côté, une coalition menée par la plupart des pays européens, le Canada, l’Australie, des petites îles et une poignée d'États d'Afrique et d'Amérique latine demandent un traité qui les contraindrait tous à prendre certaines mesures. Cela pourrait inclure l'interdiction de certains types de plastiques.
Le mégot, un plastique à usage unique inutile et toxique
Plusieurs associations de lutte contre le tabagisme à travers le monde, en particulier Action for Smoking and Health (ASH), se sont engagées dans les négociations pour s'assurer que les filtres de cigarettes soient inclus dans toute liste de plastiques à usage unique à interdire. Conformément à l’article 5.3 de la Convention-Cadre de l’OMS, ces associations ont aussi fait pression pour que l'industrie du tabac et d'autres acteurs privés qui ont un conflit d'intérêts inhérent ne soient pas représentés en tant que « parties prenantes » dans les négociations.
Les mégots de cigarettes restent l'objet le plus jeté sur terre. Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la santé, 4 500 milliards de mégots sont jetés chaque année dans la nature, polluant habitats naturels et cours d'eau de la planète. Fabriqués en acétate de cellulose, les mégots mettent jusqu'à 12 ans pour se désintégrer et un seul mégot peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau douce.
Les filtres de cigarettes n’ont aucune justification sanitaire et ont surtout été conçus pour réduire les sensations désagréables provoquées chez les fumeurs par la fumée de tabac. Ils font office d’argument marketing pour les fabricants de tabac pour conquérir de nouveaux consommateurs, notamment les jeunes et les femmes.
Ainsi, l’OMS et les organisations antitabac appellent à interdire complètement les filtres de cigarettes, seule solution pour diminuer drastiquement la pollution plastique liée à ces derniers et, sur la base du principe du pollueur-payeur, rendre l’industrie du tabac financièrement responsable des dommages causés[3].
En France, le Comité national contre le tabagisme (CNCT), s’était déjà positionné en faveur de l’interdiction des filtres et appelle les pouvoirs publics à agir en ce sens.
Maintenir la vigilance sur la suite des négociations
ASH rappelle que cette première session de négociations avait pour but de préparer le terrain, d'adopter des règles de procédure et de donner un aperçu général de ce que comprendra un éventuel traité et qu’il n’y pas encore de projet de texte de traité. Le secrétariat de l’organe de négociations s'efforcera de produire un avant-projet qui servira de base à la prochaine session en mai 2023 en France. Il est plus que probable que l’industrie du tabac et ses alliés mettent tout en œuvre pour faire échouer les négociations concernant l’interdiction des filtres.
Cette potentielle interdiction des filtres ne doit pas non plus être un levier de communication pour l’industrie, notamment en faisant la promotion de filtres « biodégradables » ou de ses « alternatives » aux cigarettes, dont les impacts délétères sur l’environnement n’ont pas encore été évalués.
Mots-clés : Traité sur le plastique, Uruguay, pollution, filtres, mégots, négociations
Crédit photo : ©STOP
AE
[1] SYNOPSIS AND PROSPECTS: UN PLASTICS POLLUTION TREATY NEGOTIATIONS, Action for Smoking and Health, publié le 5 décembre 2022, consulté le 6 décembre 2022
[2] Valérie Volcovici, Countries split on plastics treaty focus as U.N. talks close, Reuters, publié le 3 décembre 2022, consulté le 6 décembre 2022
[3] Paving the way for an international legally binding instrument on plastic pollution and cigarette butts, ENSP, consulté le 6 décembre 2022
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