Le tabagisme, facteur de risque de suicide et de comportements suicidaires

22 juillet 2021

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 22 juillet 2021

Temps de lecture : 4 minutes

Le tabagisme, facteur de risque de suicide et de comportements suicidaires

Une méta-analyse estime que la mortalité suicidaire serait deux fois plus importante chez les fumeurs ; elle serait même de 2,5 fois supérieure chez les femmes fumeuses. Autant de raisons qui invitent à envisager d’inclure des items sur le tabagisme dans les échelles d’évaluation du risque suicidaire.

Si la corrélation entre tabagisme et passage à l’acte suicidaire a déjà été mise en évidence, celle entre tabagisme et comportements suicidaires (idéation, planification, tentatives de suicides) est moins documentée. Afin de pallier cette carence de données, une équipe espagnole vient de publier une méta-analyse sur les relations entre tabagisme et suicide, en incluant les comportements suicidaires.

Un risque de mortalité doublé chez les fumeurs

La méta-analyse espagnole s’appuie sur l’étude de vingt publications scientifiques, sélectionnées depuis une base de 2436 publications sur ce sujet. Au total, elle repose sur des études de cohorte rassemblant 2 457 864 participants, permettant d’obtenir des données robustes[1].

Les résultats font apparaître un risque de mortalité suicidaire multiplié par deux pour les fumeurs dans leur ensemble, en comparaison avec celui des non-fumeurs. Ce risque est porté à 2,5 pour les femmes fumeuses, qui affichent ainsi un score supérieur aux hommes, alors que, selon un « paradoxe de genre », les hommes (notamment seuls) sont habituellement les personnes qui décèdent le plus par suicide. Les ex-fumeurs affichent quant à eux un taux de mortalité de 31% supérieur à celui des non-fumeurs, mais sensiblement moins important que celui des fumeurs. Les idées suicidaires sont pour leur part supérieures de 84% chez les fumeurs et de 35% chez les ex-fumeurs, par rapport aux non-fumeurs.

Les auteurs concluent que le tabagisme peut être considéré comme un facteur de risque contribuant au suicide et aux conduites suicidaires, même s’il est loin d’être le seul. Ils suggèrent d’introduire le tabagisme parmi les items des échelles d’évaluation du risque suicidaire, tout particulièrement au sein de l’échelle « SAD PERSONS », qui semble la plus adaptée à évaluer ce risque. Cette échelle explore dix autres facteurs de risque suicidaire, dont le sexe (masculin), l’âge, la dépression, des antécédents de tentatives de suicide, les projets suicidaires, la consommation excessive d’alcool, la perte de la pensée rationnelle, le manque de soutien social, l’absence de conjoint/partenaire et la présence d’autres pathologies. Ajouter le tabagisme à cette liste ne compliquerait pas la passation, au contraire : le questionnement sur l’usage du tabac semble plus facile que pour d’autres facteurs de risques.

Tabagisme et santé mentale

Plusieurs théories tentent d’expliquer les relations entre tabagisme et comportements suicidaires. Certaines d’entre elles y voient une action potentielle de la nicotine sur le système nerveux central entraînant une baisse de l’activité enzymatique MAO-A et B, laquelle a déjà été pointée comme une source de plus grande impulsivité et de perte du contrôle de soi, deux facteurs établis de risque suicidaire. L’un des auteurs, Gonzalo Haro, estime que ces effets proviendraient d’une baisse de sérotonine, de noradrénaline et de dopamine qui serait accentuée par le tabagisme et aurait un effet contraire à celui des antidépresseurs[2]. D’autres hypothèses évoquent un possible rôle neurotoxique de la nicotine, qui favoriserait l’anxiété et la dépression, ou un effet de la baisse d’oxygène dans le sang (hypoxie).

Les corrélations entre tabagisme et présence de troubles psychiques ont souvent été soulignées[3]. La relation exacte de causalité reste cependant encore à établir, même s’il a pu être montré que la consommation de tabac peut contribuer à l’apparition ou l’aggravation de la dépression, de l’anxiété et du stress. L’arrêt du tabagisme favorise non seulement un meilleur état de santé global, mais a aussi des effets positifs en matière de santé mentale ; il pourrait être davantage intégré dans la prévention et la prise en charge des comportements suicidaires.

Mots-clés : Suicide, troubles psychiques, nicotine, facteurs de risque, santé mentale

©Génération Sans Tabac

M.F


[1] Echeverria I, Cotaina M, Jovani A, Mora R, Haro G, Benito A, Proposal for the Inclusion of Tobacco Use in Suicide Risk Scales: Results of a Meta-Analysis. Int. J. Environ. Res. Public Health 2021, 18(11). [2] Henderson E, News Medical Life Sciences, Study delves into the link between smoking and suicidal behaviors. Publié le 25 juin 2021, consulté le 1er juillet 2021. [3] Génération Sans Tabac, Tabac et maladies psychiatriques, une relation toxique. Publié le 2 janvier 2020, consulté le 1er juillet 2021. Comité National Contre le Tabagisme |

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