Paquet de tabac à 25 euros : le CNCT réagit à la proposition

31 mai 2024

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 31 mai 2024

Temps de lecture : 6 minutes

Paquet de tabac à 25 euros : le CNCT réagit à la proposition

Face à la proposition d'une mission parlementaire d'augmenter le paquet de cigarettes à 25 euros, le Comité national a publié un communiqué de presse réagissant sur le rapport associé, que nous restituons dans son intégralité :

La Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de la Commission des affaires sociales a publié son rapport relatif à la fiscalité comportementale en santé. Celui-ci rappelle l’efficacité des politiques fiscales dans la lutte contre le tabagisme et appelle à une augmentation régulière du prix du paquet, pour atteindre les 25 euros en 2040. La MECSS déplore par ailleurs “l’échec de la lutte contre le tabagisme” en France, que le rapport explique par son “caractère erratique”. Le CNCT partage le constat de la nécessité d’une politique fiscale cohérente et menée sur le long terme et salue différentes recommandations faites pour renforcer l’effectivité des mesures adoptées, mais il déplore la faiblesse des hausses recommandées (3,25% par an).

En bref :

  • Le CNCT salue le rappel de l’efficacité des hausses de taxes, mais déplore la faiblesse de la trajectoire proposée (3,25% par an), en deçà des recommandations scientifiques (10%) et insuffisantes pour faire reculer la consommation.
  • Le CNCT se félicite de l’inopérance de la désinformation de l’industrie du tabac (explosion des marchés parallèles, moindre nocivité du tabac à chauffer).
  • Le CNCT approuve la recommandation relative à l’effectivité de l’interdiction de vente de tabac aux mineurs.
  • Le CNCT estime la hausse de la rémunération des buralistes sur la vente de tabac contraire aux objectifs de santé publique.

Les hausses de taxes efficaces pour réduire la consommation de tabac

La MECSS rappelle l’importance de mettre en place une trajectoire fiscale sur les produits du tabac, en augmentant le prix de ces derniers d’au moins 3,25 % par an hors inflation jusqu’en 2040, pour atteindre un paquet de cigarettes à 25 euros. Cette proposition se base toutefois sur l’hypothèse d’une inflation de 1,75% par an, engendrant une hausse totale du prix du tabac de 5%. Ce seuil de 5% par an garantirait ainsi d’atteindre un paquet à 25 euros en 2040, objectif fixé par la MECSS.

Cette proposition s’inscrit toutefois en deçà des objectifs fixés par le précédent rapport de la MECSS de 2014, qui recommandait une hausse des prix du tabac de 10% par an, conformément aux préconisations de la littérature scientifique et de la Banque mondiale. Cependant, le nouveau rapport de la MECSS n’exclut pas de prévoir une hausse de 10% des prix pour certaines années, au regard de l’efficacité des politiques fiscales menées entre 2018 et 2020.

Des hausses de taxes ne favorisent pas les marchés parallèles

Le CNCT salue la mise au point du rapport quant à l’évaluation des marchés parallèles. La MECSS souligne la nécessité de “relativiser” l’argument selon lequel les hausses de taxes favoriseraient les marchés parallèles, rappelant au passage le manque de fiabilité du rapport KPMG, financé par Philip Morris International et consacré à l’estimation des achats réalisés hors-réseau. La MECSS indique que les propres chiffres de l’industrie du tabac rapportent que l’”augmentation continue depuis 2010 de la part du marché parallèle proviendrait essentiellement de la diminution du nombre de cigarettes vendues par les buralistes”.

Des recommandations pertinentes pour lutter contre les achats hors-réseau

La MECSS recommande de “chiffrer selon une méthodologie fiable et transparente le nombre de cigarettes vendues dans le cadre du marché parallèle”. Cette nécessité de produire des données rigoureuses sur les marchés parallèles est partagée par le CNCT, qui demande depuis plusieurs années la publication des données existantes concernant le suivi et la traçabilité des produits du tabac, depuis l’usine jusqu’au commerce de détail. Le CNCT souscrit également aux recommandations formulées par le rapport pour lutter contre les marchés parallèles, à travers une harmonisation fiscale à la hausse dans l’Union européenne, et la mise en place de quotas d’approvisionnement des marchés nationaux correspondant aux niveaux réels de consommation, mesure déjà portée par l’actuel ministre de la santé M. VALLETOUX, lorsqu’il était député.

Vente aux mineurs et hausse de la rémunération : des mesures contradictoires

Si le CNCT approuve la recommandation du rapport de mieux assurer le respect de l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs à travers un renforcement des contrôles, des sanctions, et la mise en place d’outils de vérification de l’âge, l’association regrette toutefois la proposition d’augmenter la rémunération des buralistes sur la vente de tabac. Comme la MECSS l’indique, les hausses de taxes n’ont pas pénalisé les buralistes. D’une part, parce qu’“il n’y a pas de corrélation évidente entre les hausses de prix des cigarettes et l’évolution du nombre de buralistes”, et d’autre part, parce que la rémunération des buralistes étant proportionnelle, plus le prix augmente, plus la rémunération d’un buraliste sur la vente d’un paquet augmente, compensant largement les baisses de volumes vendus. Autrement dit, “la hausse du prix des cigarettes entraîne habituellement un moindre taux de baisse des quantités vendues”. La hausse de la rémunération des buralistes sur la vente de tabac est par ailleurs une incitation structurelle à la maximisation des ventes, incompatibles avec les objectifs de santé publique. A ce titre, il est bon de rappeler qu’environ deux buralistes sur trois continuent de vendre du tabac aux mineurs, et que cette profession bénéficie d’un soutien financier conséquent de la part des pouvoirs publics.

Un manque de cohérence sur la fiscalité des nouveaux produits du tabac et de la nicotine

Le CNCT se félicite enfin de la recommandation des rapporteurs qui rappellent la nécessité d’aligner la fiscalité du tabac à chauffer sur celle des cigarettes manufacturées, ne tenant ainsi aucun compte de la désinformation des fabricants relative à la moindre nocivité de ces produits. Toutefois, à la différence de la MECSS, le CNCT recommande de mettre en place une catégorie fiscale pour les nouveaux produits de la nicotine, à l’instar des cigarettes électroniques, dont le développement rapide soulève un enjeu de santé publique.

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