Travail des enfants : le Pacte mondial de l’ONU interpellé sur les pratiques de l’industrie du tabac
4 mai 2021
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 4 mai 2021
Temps de lecture : 4 minutes
Dans une lettre ouverte, l'organisation STOP, ainsi que 176 organisations et personnalités issues de la santé publique du monde entier demandent la révocation de la Fondation pour l’éradication du travail des enfants dans la culture du tabac (ECLT) en tant que participant du Pacte mondial de l'Organisation des nations unies (ONU). Les signataires dénoncent en particulier les liens entre cette fondation et l’industrie du tabac[1].
Le Pacte mondial de l’Organisation, ou Global Compact (UNGC) est une initiative lancée par l’ONU visant à inscrire le monde de l’entreprise dans une logique de développement durable. Le Pacte mondial, juridiquement non contraignant, interpelle les entreprises à respecter dix principes universels liés aux droits de l’homme, à l’environnement et à la lutte contre la corruption, où à l’application des mesures pour parvenir à la réalisation des Objectifs de développement durable de l’ONU (ODD).
Des liens évidents avec l’industrie du tabac
Comme le rappelle la lettre ouverte, la fondation est directement reliée à l’industrie du tabac. L’ECLT est en effet une alliance de fabricants et de producteurs de tabac. A ce titre, les principales multinationales du tabac sont membres de la fondation : British American Tobacco (BAT), Philip Morris International (PMI) et Japan Tobacco International (JTI), ainsi que l'International Tobacco Growers' Association (ITGA), une association de planteurs de tabac financée par les cigarettiers. Selon des éléments de preuves fournies par l’association Oxysuisse, la fondation poursuit en réalité un objectif de promotion des intérêts de l’industrie du tabac.
Faire du travail des enfants un levier de relations publiques
L’ECLT est instrumentalisée comme un outil de relations publique par l’industrie du tabac, qui fait de la fondation une garantie de sa responsabilité sociale, dans l’objectif « d’obtenir un soutien politique et d’affaiblir l’opposition ». Cette stratégie de responsabilité sociale des entreprises (RSE) est problématique à plusieurs niveaux. D’abord, en tant que vecteur publicitaire indirect pour le tabac, la RSE est interdite par la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (CCLAT). Ensuite, la fondation permet de faire croire à l’engagement de l’industrie du tabac contre le travail des enfants, alors qu’elle crée les conditions qui acculent les cultivateurs à recourir à ce type de main-d'oeuvre. British American Tobacco (BAT), fondateur de l’ECLT, est actuellement poursuivi pour avoir profité du recours généralisé au travail illégal des enfants. Au Malawi, le travail non rémunéré de 80 000 enfants a également donné un avantage économique considérable à l’industrie du tabac. Enfin, l’ECLT fait la promotion de programmes inefficaces de lutte contre le travail des enfants. Pour les signataires de la lettre ouverte, cette situation pourrait être évitée par la mise en place d’une rémunération équitable des producteurs de feuilles de tabac.
Les intérêts de l’industrie incompatibles avec ceux du Pacte mondial de l'ONU
Cette demande d’exclusion est par ailleurs justifiée par les textes officiels du Pacte mondial lui-même. En 2017, l’UNGC avait mis à jour sa politique, déclarant exclure les compagnies de production et de fabrication de tabac. Pour les signataires de la lettre, la participation de l’ECLT au Pacte mondial a pour unique objectif de cautionner les pratiques de l’industrie du tabac et l’absoudre de sa responsabilité, alors que ses intérêts sont « inconciliables avec ceux des droits de l’homme et du développement durable ». A ce titre, d'autres agences des Nations unies ont déjà refusé ou mis fin à leurs partenariats avec l'ECLT. Ainsi, à la suite d'une lettre ouverte de plus de 100 organisations de la société civile, l'Organisation internationale du travail (OIT) a mis fin à son partenariat de financement avec la fondation.
Pour l’ensemble de ces raisons, les 177 organisations interpellent le Pacte mondial des Nations unies à « agir conformément à son mandat, à pratiquer une bonne gouvernance et à aligner ses politiques sur celles des agences des Nations unies, des organismes internationaux et des États membres qui sont conformes à l'article 5.3 de la CCLAT, et œuvrer en faveur de la protection des objectifs politiques, sanitaires et de développement durable, en refusant les partenariats et les interactions avec l’industrie du tabac et ses alliés, et en mettant fin à la participation de l'ECLT au Pacte mondial de l’ONU ».
Mots-clés : Pacte mondial, ONU, ECLT, Travail, Enfants, RSE ©Génération Sans Tabac[1] STOP, Letter to the United Nations Global Compact: Remove ECLT as a Participant, 30/04/2021, (consulté le 03/05/2021)
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