Prix 5.3 : Philip Morris France récompensé d’un mégot d’or pour la deuxième année consécutive
21 novembre 2022
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 21 novembre 2022
Temps de lecture : 8 minutes
Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) a organisé le 17 novembre dernier sa deuxième édition des « Prix 5.3 - Pour des politiques publiques sans tabac et sans lobby ». Le Mégot d’Or a été décerné cette année à Natasha Pouget, responsable RSE chez Philip Morris France (PFM) pour son discours trompeur autour de la prétendue responsabilité sociale et environnementale du fabricant.
À travers cet événement, le CNCT souhaite mettre en lumière les nombreuses activités de lobbying de l’industrie du tabac et de ses alliés qui contribuent à perpétuer l’épidémie tabagique en France et dans le monde. Selon l’OMS, l’ingérence de l’industrie du tabac est le premier obstacle à la mise en place de politiques de santé publique, et donc à la diminution globale de la prévalence tabagique.
Plusieurs experts se sont réunis autour de deux tables rondes, animées par la journaliste Danielle Messager, pour faire un état des lieux de la consommation tabagique en France qualifiée « d’épidémie tabagique pédiatrique d’origine industrielle », mais aussi pour proposer des solutions efficaces pour protéger les jeunes de l’influence de l’industrie du tabac. À la suite de ces échanges, le Dr. Michel Cymes a présidé la remise de prix visant à récompenser les meilleures pratiques de lutte contre l'influence de l'industrie du tabac mais également à pointer les pires pratiques d'ingérence de la part de celle-ci et ses alliés.
Protéger les jeunes générations de l’influence de l’industrie du tabac
Pour l’édition 2022, le thème retenu pour les tables rondes était celui de la protection de la jeunesse de l’influence de l’industrie du tabac. La première table ronde, intitulée « État des lieux : le tabagisme, une épidémie pédiatrique d’origine industrielle » a rappelé que les adolescents constituent la cible prioritaire de l’industrie du tabac. En effet, plus l’on commence à fumer tôt, plus l’addiction tabagique et nicotinique sera forte, et plus le sevrage sera difficile, permettant ainsi à l’industrie du tabac de renouveler sa clientèle et d’assurer la pérennité de son activité.
L’accessibilité des produits du tabac et de la nicotine auprès des adolescents reste très importante comme en témoignent les résultats de la dernière étude du CNCT à ce sujet puisque deux buralistes sur trois acceptent toujours de vendre à des adolescents de moins de 18 ans en France, en dépit de la réglementation en vigueur depuis plus de 10 ans. L’industrie du tabac continue également de déployer de nombreuses stratégies marketing très agressives atour de ses nouveaux produits du tabac et de la nicotine (comme le tabac chauffé et les produits du vapotage) à l’égard des jeunes. Bien souvent illégales (publicités, utilisation d’influenceurs, promotions, etc.), ces stratégies visent à normaliser et à faciliter la consommation de produits toxiques auprès d’un public vulnérable.
La seconde table ronde « comment protéger les jeunes générations de l’industrie du tabac ? » a balayé les solutions qui existent pour lutter efficacement contre l’épidémie tabagique et protéger les jeunes générations. La France a adopté ces dernières années un arsenal de mesures (hausse des taxes, paquet neutre, interdiction de la publicité, de vente aux mineurs, des arômes pour le tabac, etc.) mais ces dernières font l’objet d’une collision féroce de l’industrie du tabac et de ses alliés dans le but de les infléchir ou les bloquer. Cette opposition permanente de l’industrie est la raison pour laquelle la consommation des jeunes demeure à un niveau élevé en France en dépit d’une baisse importante ces dernières années. Cette opposition frontale de l’industrie du tabac et de ses alliés éloigne cependant le pays de son objectif de parvenir à une génération sans tabac d’ici 2032.
Le CNCT rappelle que des dispositions existent pour se prémunir de ces activités de lobby. En particulier la Convention-Cadre de l’OMS (CCLAT) et son article 5.3 qui exige des Parties qu’elles protègent leurs politiques de lutte antitabac contre les intérêts commerciaux de l’industrie du tabac. Des directives d’application ont été adoptées, notamment par la France, pour appliquer concrètement cette obligation générale. Cependant, ces dispositions demeurent largement méconnues de la part des décideurs publics et politiques.
Les activités de Philip Morris France distinguées pour la deuxième année consécutive
Les prix 5.3 sont divisés en deux catégories (positifs et négatifs). Les prix positifs récompensent les initiatives qui ont contribué à lutter efficacement contre le lobby du tabac, et les prix négatifs pointent du doigt les pires initiatives en matière d’ingérence.
En 2021, Philip Morris France (PMF) avait été doublement récompensé avec le Mégot de la langue de bois, décerné pour les nombreuses prises de parole de sa Présidente, Jeanne Pollès dans les médias français visant à faire du cigarettier un acteur responsable et un partenaire légitime de santé publique, en dépit de son bilan humain, social et environnemental désastreux. En 2021, Philip Morris avait également reçu le Mégot d’Or pour son activité d’ingérence incessante et son rôle dans la perpétuation de l’épidémie tabagique notamment en France.
Pour cette année, PMF a été nominé dans chacune des catégories des prix négatifs (ingérence, langue de bois et hors-la-loi), de manière directe ou indirecte à travers des organismes travaillant pour son compte. Ainsi, le mégot de l’ingérence a été remporté par le Groupe AEF, éditeur de presse et organisateur du salon Produrable, pour avoir maintenu et glorifié la présence et les activités « responsables » de Philip Morris France au salon.
Pour la catégorie mégot du hors-la-loi, Philip Morris est sorti vainqueur pour sa désinformation autour de la teneur réelle de nicotine dans ses recharges de tabac à chauffer Heets. Une étude menée par The Bureau of investigative journalism avait en effet révélé que la quantité de nicotine contenue dans les Heets était jusqu’à huit fois supérieure à celle indiquée par le fabricant. L’éco-organisme Alcome est quant à lui lauréat de la catégorie « mégot de la langue de bois » distingué comme étant l’outil de greenwashing de l’industrie du tabac et de levier de renormalisation et d’influence de cette industrie auprès des décideurs publics.
PMF a également été récompensé, à travers sa responsable RSE Natasha Pouget, du Mégot d’Or pour ses multiples interventions dans les médias français et lors du Salon Produrable mettant en avant la responsabilité sociale et environnementale de Philip Morris France et son changement de vision l’amenant à abandonner la cigarette combustible dans les prochaines années au profit des « alternatives sans combustion ». Un discours en totale opposition avec la réalité du désastre humain, sanitaire, économique, environnemental et financier dont le cigarettier est à l’origine.
Pour rappel, Philip Morris France est à l’origine de 30 000 décès annuels dans le pays et est le groupe le plus polluant en termes de plastique.
Le déontologue de l’Assemblée nationale doublement récompensé dans les prix positifs
Christophe Pallez, déontologue de l’Assemblée nationale, a été récompensé par le prix 5.3 de l’initiative politique et juridique pour avoir inclus, dans le nouveau Guide de Déontologie de l’Assemblée nationale, un paragraphe spécifique dédié à la prise en compte de l’article 5.3 de la Convention-Cadre dans les travaux de l’Assemblée nationale, ainsi que dans les relations entre les élus et les représentants de l’industrie du tabac. Le Grand Prix 5.3 a également été décerné à M. Pallez pour son souci de l’indépendance des pouvoirs publics à l’égard de l’influence des cigarettiers.
Ont également été récompensés madame Anaïs Widiez – Conseillère Régionale Auvergne Rhône-Alpes du groupe écologiste pour le 5.3 de l’indépendance pour avoir dénoncé l’audition de Philip Morris par la Commission Sécurité du Conseil régional Auvergne Rhône-Alpes sur la question du commerce illicite rappelant qu’il existe « un conflit fondamental et irréconciliable entre les intérêts de l’industrie du tabac et ceux de la santé publique ».
Le 5.3 de l’information a quant à lui été décerné à Matthew Chapman ainsi que le média The Bureau of Investigative journalism pour leur travail de déconstruction du discours de l’industrie du tabac, et leur participation à la dénormalisation de ce secteur.
Pour voir la liste complète des nominés et lauréats sur le site du CNCT
Mots-clés : Prix 5.3, CNCT, Philip Morris France, ingérence, lobby, protection de la jeunesse
AE
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