Nigéria : L’industrie du tabac exploite les médias sociaux pour promouvoir ses produits
27 juin 2022
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 27 juin 2022
Temps de lecture : 5 minutes
L'industrie du tabac au Nigeria exploite les plateformes de réseaux sociaux pour promouvoir ses activités dites « socialement responsables » et ses produits du tabac en violation des dispositions de la loi nationale de 2015 sur le contrôle du tabac et de ses règlements, a révélé un nouveau rapport établi par Corporate Accountability and Public Participation Africa (CAPPA).
Le rapport a dénoncé la façon dont l'industrie du tabac a capturé l'espace virtuel au Nigéria pour promouvoir de manière agressive à la fois ses produits du tabac et une culture du tabagisme mais aussi ses activités de responsabilité sociale des entreprises (RSE). L'étude a été réalisée grâce à un financement de l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies pulmonaires (L'Union) partie prenant du consortium STOP, organisme mondial de surveillance de l'industrie du tabac. Les auteurs de l’étude ont analysé les plateformes de réseaux sociaux populaires entre 2016 et 2021 et ont relevé 226 activités impliquant des compagnies de tabac et leurs alliés au Nigéria.
Les résultats du rapport indiquent que lors de la période considérée, les réseaux les plus exploités par l'industrie du tabac étaient : Facebook : 40% des activités relevées ; Twitter : 36 % et Youtube : 14 % ; puis venaient Instagram avec 5 % ; Blog/site web : 3 % et Linkedin : 2 %.
Les activités de RSE de l’industrie promues sur les réseaux sociaux gouvernementaux
Le rapport montre comment des entreprises telles que British American Tobacco Nigeria (BATN), par l'intermédiaire de sa branche caritative - British American Tobacco Nigeria Foundation (BATNF), Philip Morris International Nigeria Limited (PMINL) et d'autres entités du secteur du tabac opérant au Nigeria utilisent les réseaux sociaux pour communiquer autour de leurs activités de RSE et améliorer leur image auprès du grand public et des décideurs politiques.
Des activités de RSE de l'industrie du tabac ont été promues sur les réseaux sociaux de certains États du Nigéria, en particulier ceux de Lagos et d'Oyo. De même, certaines entités publiques ont-elles mêmes fait état de partenariats avec l'industrie du tabac, par exemple dans la mise en œuvre de projet d’assistance aux populations locales. Cette situation est « inquiétante » selon CAPPA car elle conforte la position des fabricants dans leur postulat d'être des entreprises socialement responsables.
L’utilisation de musiciens et acteurs pour promouvoir une « culture tabagique »
CAPPA a également constaté que certains vendeurs et distributeurs de tabac tels que Smokehubng et Dasmokehub utilisent leurs plateformes de médias sociaux pour promouvoir de manière agressive les ventes de produits du tabac. Ils diffusent également par ce biais une culture du tabagisme à partir de la promotion de contenus montrant des icônes de la musique nigériane et du cinéma fumant abondamment[1].
En juin 2021, Les organisations de la société civile nigériane pointaient le processus de « normalisation » du tabac dans la société et avaient lancé la campagne #SmokeFreeNollywood pour alerter sur la présence considérable du tabac dans les films et séries. CAPPA a également souligné le poids des influenceurs dans l’industrie cinématographique et demandé à ce que les films nigérians ne fassent plus la promotion du tabac[2].
Un appel à mieux appliquer les dispositions de la Convention-Cadre
Le directeur exécutif de Corporate Accountability and Public Participation Africa (CAPPA), Akinbode Oluwafemi, a souligné la nécessité pour le gouvernement nigérian de réglementer les activités de l'industrie du tabac, en particulier dans l'espace virtuel[3].
CAPPA exhorte le gouvernement à protéger les politiques de santé publique en matière de lutte antitabac contre les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac conformément à l'article 5.3 de la Convention-Cadre de l’OMS. L’organisation demande une application de ces mesures de protection au sein de tous les ministères du gouvernement. Selon les auteurs de l’étude, ceci passe également par la fin de toute collaboration entre ministères, agences publiques et des fabricants de tabac ou organismes tiers affiliés.
Le groupe enjoint enfin le gouvernement à appliquer des sanctions en cas de promotion et de publicité en faveur du tabac ou pour toute opération de parrainages qui violent la législation en vigueur.
Début janvier 2022, le Nigéria comptait 110 millions d’utilisateurs d’Internet. L’ampleur de cette consommation est encore renforcée par la structure démographique du pays où la proportion des jeunes de moins de 24 ans parmi les 200 millions d’habitants représente 70%. À cet égard, le Nigéria représente un marché hautement profitable et prometteur pour l’industrie du tabac.
Mots-clés : Nigéria, réseaux sociaux, publicité, tabac, CCLAT, RSE
AE
[1] CAPPA Urges Government to Regulate Tobacco Industry Activities in Nigeria’s Virtual Space, site de CAPPA, 21 juin, consulté le 23 juin 2022 [2] Génération sans tabac, Nigéria : des associations demandent l’interdiction du tabac à Nollywood, publié le 25 juin 2021, consulté le 23 juin 2022 [3] FG urged to regulate tobacco industry in Nigeria, site de CAPPA, 21 juin, consulté le 23 juin 2022 Comité national contre le tabagisme |