L’industrie du tabac appelle de ses vœux un monde sans cigarettes, tout en en freinant sa venue

10 novembre 2022

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 10 novembre 2022

Temps de lecture : 4 minutes

L’industrie du tabac appelle de ses vœux un monde sans cigarettes, tout en en freinant sa venue

Alors que l’industrie du tabac communique depuis plusieurs années sur son rôle dans l’avènement prochain d’un « monde sans fumée », et de son souci de développer des alternatives à la cigarette traditionnelle, dans les faits, leurs efforts en lobbying tendent à montrer que les fabricants s’opposent encore à toute forme de réglementation sur les cigarettes, qui constituent toujours le cœur de leur activité.

Sous l’impulsion de Joe Biden, la Food and Drug Administration (FDA) américaine, a indiqué envisager de mettre en place deux mesures de lutte contre le tabagisme dans les prochaines années : l’interdiction du menthol et la réduction des niveaux de nicotine dans les produits du tabac. Malgré leurs déclarations publiques de favoriser un monde sans cigarettes, les fabricants se sont unanimement opposés à de telles mesures.

Une opposition très forte aux mesures visant à réduire la consommation de cigarettes

L’industrie du tabac à déployé un lobbying extrêmement fort pour s’opposer à ces mesures. Au niveau local, les fabricants ont ainsi dépensé 22 millions de dollars pour chercher à empêcher l’entrée en vigueur de l’interdiction de vente de produits du tabac aromatisés. Pour justifier leur opposition à ces mesures de santé publique, les cigarettiers se sont appuyés sur des arguments récurrents, en niant par exemple les preuves scientifiques des bienfaits sanitaires, en affirmant que ces propositions entraîneraient une augmentation du commerce illicite, ou encore qu’elles pénaliseraient les emplois ou le financement de la santé ou de l’éducation. Toutefois, l’ensemble de ces objections ne sont pas validées sur un plan scientifique. Si l’influence de l’industrie dans la décision publique est incontestable, le New-York Times rappelle dans un article que les fabricants doivent toutefois composer avec un basculement progressif de l’opinion publique en faveur des politiques contre le tabagisme[1].

La profitabilité de ces multinationales fondamentalement liée à la vente de cigarettes

Cette opposition à ces mesures tient au fait que les cigarettes, tout comme les produits du tabac mentholés, constituent encore le cœur de l’activité de ces fabricants. Ainsi, les ventes de produits au menthol représentaient 65 milliards de dollars pour la seule année 2021 aux Etats-Unis, loin devant les ventes de cigarettes électroniques. De cette façon, une mesure comme l’interdiction de vente de tabac mentholé représente une menace sérieuse et immédiate pour les cigarettiers, déjà confrontés à une diminution constante du marché de la cigarette classique. En effet, entre 2015 et 2021, le nombre de paquets de cigarettes vendus est passé de 12,5 milliards à 9,1 milliards, soit une diminution de 27%. Cette évolution observée ces dernières années s’inscrit dans la continuité de la tendance des dernières décennies : en 1954, 45% de la population américaine était fumeuse, contre 13% aujourd’hui. Si dans le même temps, les fabricants ont augmenté les prix des cigarettes de 29,5% pour compenser le déclin des ventes, une telle opération ne semble pas rassurer les actionnaires, comme en témoigne la fragilité des cigarettiers sur les marchés financiers.

Des alternatives à la cigarette encore trop timides pour assurer un avenir pérenne aux fabricants

Ainsi, cette rhétorique sur les alternatives à la cigarette traditionnelle ne semble pas si facilement conciliable avec les objectifs de rendement imposés par les actionnaires. Et ce d’autant plus que les nouveaux produits du tabac et de la nicotine peinent à s’imposer auprès des consommateurs, quand ils arrivent à obtenir un cadre réglementaire aussi favorable que les fabricants le souhaiteraient. Ainsi, Juul, le géant de la cigarette électronique, pour lequel le cigarettier Altria a dépensé en 2018 12,8 milliards de dollars pour 35% de participation, s’est avéré pour le moins peu fructueux. En juillet 2022, cet investissement avait perdu 95% de sa valeur[2], à la suite de nombreux scandales et de poursuites judiciaires contre le fabricant, notamment en raison de ses pratiques de ciblages des adolescents. En ce qui concerne le tabac chauffé, le déploiement national d’IQOS a été suspendu l'an passé par une interdiction de vente des autorités américaines. Bien qu’elle aurait pu le faire, l’Administration Biden n’est pas intervenue pour faire lever cette interdiction.

Mots-clés : Alternatives, IQOS, Cigarette, Menthol, Nicotine, Lobbying ©Génération Sans Tabac

FT


[1] The New-York Times, Big Tobacco Heralds a Healthier World While Fighting Its Arrival, 06/11/2022, (consulté le 08/11/2022)

[2] Le Figaro, Philip Morris paie 2,7 milliards de dollars à Altria pour commercialiser son dispositif de tabac chauffé aux États-Unis, 20/10/2022, (consulté le 09/11/2022)

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