Le Québec renonce à augmenter les taxes sur le tabac pour la huitième année consécutive
23 mars 2022
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 23 mars 2022
Temps de lecture : 4 minutes
Pour la huitième année consécutive, le Québec renonce à augmenter les taxes sur les produits du tabac, dans un contexte de déficit budgétaire et de fragilisation de son système de santé. Les organisations de santé publique partagent leur inquiétude, alors que le Québec aggrave son retard en matière de lutte contre le tabagisme.
Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, a dénoncé le caractère « ahurissant » de la décision des pouvoirs publics de ne pas augmenter les taxes sur les produits du tabac. Comme elle le souligne, la politique fiscale reste la mesure la plus efficace pour endiguer l’épidémie tabagique, responsable de 13 000 morts par an au Québec. Au-delà de son efficacité, les hausses de taxes sont également une mesure particulièrement rentable, et permet de réduire la pression sur les hôpitaux, alors que la pandémie de Covid-19 continue de peser sur le système de santé[1].
Le commerce illicite stabilisé depuis plus de dix ans
L’argument de la menace d’une hausse du commerce illicite, largement mobilisé par l’industrie du tabac, n’est, selon la Coalition, pas une objection recevable pour justifier l’absence de politique fiscale. Depuis 2011, le niveau de contrebande s’est en effet stabilisé à un niveau relativement limité, aux alentours de 11 à 12% du marché québécois, selon les estimations officielles. En 2014, les dernières hausses de taxes sur les produits du tabac ne s’étaient d’ailleurs pas traduites par une augmentation du commerce illicite.
Le Québec, mauvais élève canadien sur la fiscalité des produits du tabac
Le vote de ce huitième budget accentue le retard du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes en matière de lutte contre le tabagisme. En mars 2022, la cartouche de 200 cigarettes est taxée à hauteur de 29,80 dollars canadiens (21,50 euros), soit 35 dollars de moins que la moyenne des douze autres provinces. L’Ontario, la deuxième province canadienne avec la fiscalité la plus permissive sur les produits du tabac, taxe elle-même la cartouche de 15 dollars de plus que le Québec. En parallèle, quatre provinces canadiennes enregistrent des niveaux de taxation supérieurs à 70 dollars par cartouche, dont les Territoires du Nord-Ouest, appliquant une taxe de 77,91 dollars pour 200 cigarettes (56,18 euros), soit un niveau supérieur de plus de 160% par rapport à la fiscalité appliquée au Québec.
Une opportunité manquée de générer 165 millions de dollars canadiens de taxes supplémentaires
Selon la Coalition, une hausse de sept dollars par cartouche, soit de 70 centimes additionnels par paquet, aurait permis de réduire de 18 000 le nombre de fumeurs au Québec, tout en générant 165 millions de dollars de taxes supplémentaires dès la première année. Par ailleurs, une augmentation des taxes sur le tabac de 2% par an se traduirait par une recette d’un milliard de dollars canadiens en cinq ans. La Coalition rappelle également que ces nouveaux revenus pourraient être réinvestis dans les programmes d’aide au sevrage tabagique, ainsi que pour rétablir le budget consacré à la lutte contre le tabagisme, qui, « comme celui de la santé publique, ne cesse de s’effriter ».
L’influence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques au Québec
Pour finir, la Coalition déplore la forte influence du lobbying de l’industrie du tabac dans les politiques publiques québécoises, pouvant en partie expliquer l’absence d’augmentation des taxes sur le tabac. La prédominance de l’influence des fabricants sur celle de la santé publique est d’autant plus critiquable que l’augmentation des taxes sur le tabac, en plus d’être vertueuse sur tous les plans, est une mesure particulièrement populaire, puisqu’elle est soutenue par 78% de la population québécoise. Si aucune hausse de taxe n’a été décidée depuis huit ans, les prix des produits du tabac ont toutefois augmenté, en raison de discrètes hausses tarifaires décidées par les fabricants. Cette stratégie a été largement profitable à l’industrie du tabac, qui a vu ses revenus augmenter de plus de 16% entre 2014 et 2019.
Mots-clés : Québec, Taxes, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac ©Génération Sans TabacFT
[1] Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Huitième budget sans hausse de la taxe sur le tabac !, 22 mars 2022, (consulté le 23/03/2022)
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