La Médiatrice européenne rappelle la Commission à l’ordre sur ses relations avec le lobby tabac
19 avril 2023
Par: Comité national contre le tabagisme
Dernière mise à jour : 19 avril 2023
Temps de lecture : 5 minutes
La Médiatrice européenne a demandé à la Commission européenne de revoir les modalités de ses interactions avec les représentants d’intérêts de l’industrie du tabac. Selon elle, seule la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (DG Santé) publie de façon proactive les détails de ces interactions avec le lobby du tabac, là où de nombreux services de la Commission en contact avec l’industrie ne se soumettent pas à ces obligations. La Médiatrice souligne par ailleurs que ces interactions ne se limitent pas au strict nécessaire, comme le prévoit la réglementation.
Le rôle de la Médiatrice européenne, Emily O’Reilly, est de mener des enquêtes sur des cas signalés de mauvaise administration. En particulier, il s’agit souvent de vérifier le bon respect des procédures administratives des institutions. Cette question de la transparence des interactions entre l’industrie du tabac et les institutions européennes apparaît cruciale dans un contexte de révision de la directive sur la fiscalité et de la directive sur les produits du tabac.
Un niveau insuffisant de transparence dans les services de la Commission
En 2016, la Médiatrice européenne a recommandé à la Commission européenne d’appliquer à tous ses services la même politique de transparence de la DG Santé à l’égard des représentants de tabac. Celle-ci exige « la publication en ligne de toutes les réunions de son personnel avec des représentants de l'industrie du tabac et des procès-verbaux de ces réunions, quelle que soit l'ancienneté du fonctionnaire concerné ». Selon la Médiatrice, les détails des réunions ayant eu lieu avec les commissaires, les membres de leur cabinet ou des directeurs généraux ont été rendus publics. Toutefois, les informations relatives aux réunions organisées à un niveau moins élevé n’ont « pas été mises à la disposition du public de manière proactive ». Par ailleurs, entre 2020 et 2021, la Commission a reçu 19 demandes d’accès du public à des documents concernant des réunions avec le lobby tabac, mais n’a accordé un accès total ou partiel qu’à 12 d’entre elles. La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, pourtant ratifiée par l’Union européenne, exige de « garantir la transparence » en cas d’interaction avec les représentants des intérêts de l’industrie du tabac. Pour cette raison, la Médiatrice juge que cette absence de conformité avec les obligations de la CCLAT constitue une « mauvaise administration » et un manquement aux obligations de l’Union européenne en tant que Partie au traité.
Par ailleurs, Emily O’Reilly souligne que la Commission n'a pas identifié de compte-rendus concernant de nombreuses réunions, posant un problème dans la garantie de la protection des pouvoirs publics européens de l’influence de l’industrie du tabac, également exigée par la CCLAT. De la même manière, ce « manque de transparence et donc de responsabilité » constitue une « mauvaise administration » de la part de la Commission.
Des interactions au-delà du cadre légal du « strictement nécessaire »
Toujours selon la Médiatrice, la Commission européenne a refusé une seule demande de réunion d'un représentant des intérêts de l’industrie du tabac, au motif que la réunion était « jugée inutile d'un point de vue réglementaire ». En effet, les directives d’application de l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS recommandent aux Parties de n’avoir « d’interaction avec l’industrie du tabac que lorsque cela est nécessaire et en se limitant strictement à ce qui est nécessaire pour leur permettre de réglementer efficacement l’industrie du tabac et les produits du tabac ». Cependant, comme le note la Médiatrice, ce refus semble davantage constituer une exception que la règle dans le fonctionnement des services de la Commission. Pour cette raison, la Médiatrice exhorte la Commission européenne à expliciter dans les trois prochains mois :
- Les situations dans lesquelles la Commission considère qu’il s’agit d’une interaction nécessaire ;
- Comment est effectuée cette évaluation ;
- Comment cette évaluation est documentée.
Les instances de l’Union européenne sont une cible privilégiée de l’interférence de l’industrie du tabac, et la capacité de l’UE de répondre à cette influence est encore trop faible. La protection de l’élaboration des politiques publiques européennes de l’influence de l’industrie du tabac est pourtant un enjeu essentiel, à la fois pour la protection de la santé des populations, et en raison du fait que les décisions prises au niveau de l’Union européennes influent à l’échelle internationale.
Mots-clés : Commission, LobbyFT
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