En Australie, la moitié des lobbyistes du tabac ont occupé une fonction au sein d’organes exécutifs publics

20 mai 2023

Par: Comité national contre le tabagisme

Dernière mise à jour : 20 mai 2023

Temps de lecture : 5 minutes

En Australie, la moitié des lobbyistes du tabac ont occupé une fonction au sein d’organes exécutifs publics

Une étude indique que les lobbyistes australiens de l’industrie du tabac ont souvent occupé une fonction exécutive publique avant ou après leur activité de lobbying. La tactique dite des « portes tournantes » semble donc encore très active dans ce pays.

Occuper une fonction exécutive publique avant ou après avoir exercé une activité de lobbyiste ou avoir occupé un poste dans une entreprise a souvent été désigné comme la pratique des « portes tournantes ». Celle-ci favorise l’influence sur les décisions politiques et est activement pratiquée par l’industrie du tabac, mais aussi par celles des jeux d’argent, de l’alcool et de l’agro-alimentaire. Une récente étude montre que ce phénomène s’est particulièrement développé en Australie en matière de tabac et de cigarettes électroniques.

Va-et-vient entre fonctions gouvernementales et activités de lobbying

L’équipe de chercheuses australiennes a analysé les registres officiels que doivent remplir les lobbyistes, l’activité du réseau social LinkedIn et les actualités contenues sur les plateformes Google News et Factiva, entre septembre 2021 et juin 2022[1]. Des 73 individus qui ont pu être identifiés comme des salariés anciens ou actuels de l’industrie du tabac ayant eu des relations avec des représentants officiels, 35 (soit 48 %) avaient occupé auparavant ou après une fonction au sein d’organes exécutifs publics , que ce soit au niveau fédéral, territorial ou local. Parmi les 56 personnes repérées comme lobbyistes dans les registres officiels, 31 (soit 55 %) avaient occupé une telle fonction exécutive avant ou après avoir été lobbyistes. Les fonctions le plus souvent occupées était celles de membres de cabinet ou de conseillers techniques d’un ministère, mais on trouvait aussi 11 % de parlementaires (sénateurs, membres du Parlement) et 14 % de conseillers et d’attachés parlementaires.

La durée moyenne relevée entre ces deux activités était de moins d’un an. La législation australienne en matière de conflits d’intérêts réclame pourtant en principe d’observer douze à vingt-quatre mois de carence entre une fonction exécutive publique et un poste dans le secteur privé dans le même domaine ; au Canada, cette période doit normalement être de cinq ans.

Les groupes tiers, charnière du lobbying

Cette pratique est renforcée par le recours à des tierces parties, le plus souvent financés de façon occulte par les industriels du tabac. Ces groupes permettent de rémunérer des lobbyistes sans qu’ils soient en lien direct avec l’industrie du tabac, ni affiliés à un cabinet de lobbying – et donc répertoriés dans les registres de lobbysites.

L’étude détaille ainsi comment Philip Morris International (PMI) a fondé l’Australian Retail Vaping Industry Association (ARVIA), laquelle a orchestré une enquête sénatoriale sur la réduction des risques afin de contrer le projet gouvernemental d’instaurer une prescription médicale pour acquérir une cigarette électronique. L’ARVIA agissait de concert avec l’Australian Retail Association (ARA), qui réunit les commerçants de détail. L’ARVIA était dirigée par Brett Chant, un ancien conseiller ministériel recruté par l’ARA, qui redevint ensuite conseiller parlementaire sans jamais s’être déclaré dans aucun registre de lobbyistes. Un autre ancien conseiller ministériel devenu lobbyiste, Jeremy Greenwood, eut de son côté pour client l’ARVIA et l’ARA, avant de se déclarer plus tard en tant que lobbyiste de British American Tobacco (BAT).

Une atteinte à la démocratie et aux principes de la CCLAT

Bien que l’Australie n’ait pas l’exclusivité de ces pratiques, l’ampleur du phénomène mis en évidence est à la fois inquiétant sur le plan de la santé démocratique du pays et sur celui des obligations liées à la ratification de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT). En termes de démocratie, le parasitage de l’action publique par des intérêts privés représente une menace pour l’intérêt public et se réalise au détriment de la santé de la population et de la transparence des décisions. Vis-à-vis des engagements pris avec la ratification de la CCLAT, les ententes entre un organe public quel qu’il soit et des industriels du tabac sont proscrits par les directives d’application de l’article 5.3

Pour restreindre ces allers et retours entre postes exécutifs publics et activités de lobbying, les auteures préconisent d’imposer une plus grande transparence en matière de dépenses de lobbying des industriels du tabac que ce soit directement ou indirectement via des tierces parties. Allonger la période de carence entre les fonctions occupées et veiller à la réelle application de ces dispositions font également partie des mesures suggérées[2]. Intégrer cette pratique des « portes tournantes » dans l’application des directives d’application de la CCLAT, qui prévoit tout un volet sur la gestion des conflits d’intérêts, paraît indispensable aux auteures.

Mots-clés : Australie, lobbying, gouvernement, groupes tiers, PMI, BAT.

©Génération Sans Tabac

MF

[1] Watts C, Jones M, Lindorff K, Freeman B. How tobacco companies use the revolving door between government and industry to influence policymaking: an Australian case study. Public Health Res Pract. 2023; Online early publication. https:// doi.org/10.17061/phrp33122305

[2] Freeman B, Watts C, We worked out how many tobacco lobbyists end up in government, and vice versa. It’s a lot, publié le 11 mai 2023, consulté le 12 mai 2023.

Comité national contre le tabagisme |

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