La CCLAT

Lorsqu’on évoque un traité international fédérateur qui rassemble la plus grande partie des pays au monde, on pense bien évidemment à la Charte des Nations Unies qui regroupe 193 pays dans le monde dont les objectifs principaux sont le maintien de la paix et la sécurité internationale. Mais selon vous, quel autre traité regroupe tout autant de pays membres dont l’objectif est la protection de tous les individus … ? Une idée ? Un petit indice, cela concerne la santé publique … l’OMS peut-être ? Presque, mais ce n’est pas un traité … On s’y rapproche ! C’est la Convention Cadre pour la Lutte Anti-Tabac ou plus simplement la CCLAT.

Mais qu’est-ce que la CCLAT ?

Tout simplement une prise de conscience internationale à la fin des années 90 qu’il était indispensable de s’unir pour lutter contre le tabagisme ! Il s’agit d’un traité qui regroupe 181 pays dans le monde et qui est fondé sur des données factuelles, qui réaffirme le droit de tous les peuples au niveau de santé le plus élevé. qui a pour objectif protéger les générations présentes et futures des effets sanitaires, sociaux, environnementaux et économiques dévastateurs de la consommation de tabac et de l’exposition à la fumée du tabac. Cette Convention représente une évolution fondamentale car elle met au point une stratégie visant à réglementer tout ce qui concerne le tabac qui est une drogue dure et qui génère des dégâts majeurs. En effet, un fumeur sur 2 va mourir du tabac. Et c’est sans compter tous les fumeurs (actifs et passifs) qui souffriront au cours de leur vie d’une maladie liée au tabagisme. Sans compter les dégâts causés à l’environnement, tels que pollution par les mégots de cigarettes et déforestation liée à la culture du tabac.

Le tabagisme est un problème planétaire, car il est propagé dans le monde par les multinationales du tabac, qui planifient et coordonnent leurs actions au niveau mondial. A un problème mondial, il fallait donc une réponse mondiale : la CCLAT.

Pour résumer, ce traité fédère les pays autour d’un leitmotiv : la protection de la santé et de l’intérêt général face à une épidémie causée par l’industrie du tabac.

La France est le 1er pays européen à l’avoir signé en 2003 puis à le ratifier en 2004. Aujourd’hui, tous les pays européens l’ont ratifié, à l’exception de la Suisse, pays où siègent les grandes multinationales du tabac. La Commission Européenne l’a aussi ratifié. En 2019, plus de 90% de la population mondiale est couverte par ce texte. La CCLAT est ainsi devenu le traité onusien le plus plébiscité.

Nous sommes tous concernés, à notre niveau, fumeurs ou non-fumeurs. La CCLAT est une boîte à outils pour lutter contre la mondialisation de l’épidémie de tabagisme. Elle réunit les mesures démontrées comme étant efficaces pour réduire la consommation de tabac et crée les conditions d’une mise en œuvre pratique en favorisant la coopération entre pays et en mobilisant toutes les parties prenantes, en donnant une place essentielle à la société civile.

Mais pourquoi la nécessité d’un traité d’une telle ampleur « uniquement » sur le tabac ? Tout simplement parce que le tabac est la première cause de mortalité et de maladie évitables dans le monde, provoquant 7 millions de décès chaque année, dont 75 000 en France. C’est un problème énorme ! D’autre part, parce que le tabagisme est provoqué par une industrie très bien organisée, qui engrange des profits énormes et qui est prête à tout pour protéger son business, quelque en soit le coût pour la société. Elle manipule l’opinion  publique et les consommateurs, soudoie les chercheurs et les politiciens, intimide et harcèle tout ceux qui tentent de s’opposer à elle. Elle ment et corrompt. Tout cela est amplement prouvé et elle a été condamnée par la justice à de multiples reprises mais rien n’y fait, elle continue. Il faut donc une mobilisation générale pour lutter contre une telle industrie, qui agit comme un véritable pouvoir supra-national. C’est le but de la CCLAT.

Mais, direz-vous, il suffit de se promener dans la rue, aller sur une terrasse… nombre d’individus fument, si autant de personnes fument c’est que ça ne doit pas être si grave si ? Et puis, peut-être que lutter contre le tabac, c’est aller à l’encontre de la liberté individuelle de chacun ? C’est l’argument le plus communément entendu : je fume, je décide, c’est mon choix ! C’est même l’argument de marketing principal des compagnies de tabac pour inciter les jeunes à fumer : « Fumer est une décision d’adulte ! ». Oui mais voilà, peut-on toujours parler de liberté lorsqu’on est enchaîné à une dépendance qui rythme notre vie qu’on le reconnaisse ou non ? Le besoin de la première clope au réveil, après une pause déjeuner, entre amis … La définition même de la liberté est de ne pas se retrouver sous la dépendance d’une drogue dure, la nicotine, , qui limite l’autonomie en créant le besoin compulsif et répétitif de consommer un produit dont les seul but est de calmer les effets de manque qu’il induit ! Et puis qu’en est-il de la liberté des victimes du tabagisme passif, dont 900 000 d’entre elles décèdent chaque année dans le monde ? Qu’en est-il de la liberté du bébé dans le ventre de sa mère fumeuse qui ingère autant de nicotine qu’elle, alors que cela interfère avec le développement de son cerveau ?

En fait, cette épidémie tabagique n’existerait pas s’il n’y avait pas une industrie derrière qui fait tout pour poursuivre son business délétère. C’est la raison pour laquelle le traité de la CCLAT prévoit d’encadrer de façon de plus en plus stricte le cycle de production et le commerce du tabac.

La CCLAT regroupe de nombreux articles que nous n’allons évidemment pas tous énumérer … On va simplement se concentrer sur l’article 8 qui touche à la protection contre l’exposition à la fumée du tabac et l’article 18 sur la protection de l’environnement et de la santé des personnes

  • Lieux sans tabac

L’interdiction de fumer dans les lieux publics et les lieux de travail constitue une mesure phare pour protéger la santé des personnes quelles qu’elles soient.

Elle constitue un rempart physique contre le tabac : il s’agit de soustraire le plus possible à la fumée de tabac les non-fumeurs et aussi tous ceux qui entreprennent d’arrêter de fumer, sans oublier les fumeurs eux-mêmes soumis à une double peine : leur tabagisme actif et le tabagisme passif.

Interdire, permet aussi de faire passer le message qu’il est possible de prendre du bon temps dans des lieux de convivialité sans fumer. La dénormalisation du tabac est donc la « nouvelle frontière » pour promouvoir l’interdiction de fumer.

Malheureusement la loi n’est pas toujours appliquée : en France, les terrasses sont souvent monopolisées par les fumeurs et l’air qu’on y respire est aussi nocif que celui des bars enfumés des années 90, quand elles ne sont pas transformées en vérandas-fumoirs, avec un risque réel pour les personnes qui y travaillent et pour les clients.

Pourtant cette demande d’espaces sans tabac est très forte et conduit à une mobilisation locale croissante.  Des communes décident de poursuivre les efforts pour instaurer de plus en plus de lieux sans tabac. A Yvetot, la cigarette est tout simplement interdite devant les écoles ; plus récemment en région parisienne à Mormant dont la municipalité a adopté ces mêmes mesures.  Et ces mesures ne cessent de gagner du terrain : les parcs sans tabac sont populaires. La ville de Paris a lancé le dispositif Jardins sans tabac en 2019 dans 52 espaces verts de la ville, mais également sur de nombreuses plages en France et dans 18 rues de Paris qui sont devenus « sans mégots »

  • La pollution

Mais protéger l’individu des dangers de la fumée du tabac, c’est également protéger l’environnement et ce à plusieurs niveaux. Restreindre les lieux sans tabac, ce sont des mégots en moins à ramasser pour les collectivités locales, rappelons le qu’un seul mégot pollue jusqu’à 500L d’eau, met jusqu’à 12 ans à se décomposer et est l’ennemi mortel des océans et animaux marins qui les confondent souvent avec de la nourriture. Un seul mégot peut suffire à décimer la moitié d’une population de poissons nageant dans un litre d’eau. Outre les mégots, moins de demande signifie moins de consommation et induit inévitablement une meilleure qualité de l’air et avec une production réduite une contribution réelle à la lutte contre le réchauffement climatique.

Quelques chiffres : La production du tabac est responsable de 5% de la déforestation à travers le monde,

La production annuelle de 6 000 milliards de cigarette (1 arbre pour 300 cigarettes) consomme l’équivalent en eau de 7.5 millions de piscines olympiques et l’utilisation d’une surface cultivable comme la Croatie.

Le tabac pollue nos villes : on ramasse 350 tonnes de mégots à Paris chaque année, 500 millions à Marseille, 200 à Bordeaux et 30 milliards sur l’ensemble de la France.

Cela a un coût :

Quelques exemples

  • Coût annuel pour la propreté du Grand Lyon : 55M€
  • Coût annuel pour la propreté de Creil : 1,5M€
  • Coût annuel pour la propreté de Valence : 3,2M€
  • Coût annuel de nettoyage des plages de Saint-Jean-de-Luz : 259000€ (2,3 hectares de plage)
  • Coût annuel de nettoyage des plages de Fleury d’Aube : 102000 € (6km de plage)
  • Coût annuel de nettoyage des plages de Narbonne Plage : 115000€ (4,8km de plage)

Mais le cycle de pollution d’une cigarette ne s’arrête pas là et a un coût astronomique. Le tabac coûte chaque année à la collectivité 120 milliards d’euros, et si l’on regarde les finances publiques, les dernières évaluations indiquaient que nous sommes obligés d’emprunter chaque jour 40 millions d’euros à cause du tabac.

Pour résumer, le tabac c’est 8 millions de morts prématurées et évitables par an, des réseaux criminels organisés impliqués dans le trafic d’armes et d’êtres humains, des milieux marins dévastés…

Ce n’est donc pas que l’affaire des fumeurs et la CCLAT aide les gouvernements mondiaux, les acteurs de la société civile à adopter et appliquer des mesures protectrices et trouver des solutions pour lutter contre cette épidémie.

La CCLAT, à l’échelle des pays et par la coopération entre les pays, représente un moyen pour parvenir aux objectifs du développement durable. Elle nous protège contre l’ingérence perpétuelle des industriels du tabac qui se renouvellent sans cesse pour vendre leurs produits toxiques et mortels.

Leur opposition ouverte et cachée, à toutes les étapes de sa construction, de sa signature/ratification, et de sa mise en œuvre est d’ailleurs une démonstration du bien-fondé de son existence et de son efficacité.

 

Publié le 8 janvier 2020