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Uruguay : la justice annule un décret initié par l’industrie du tabac à l’encontre du paquet neutre

Un tribunal uruguayen a émis une injonction empêchant l’application d’un décret qui aurait affaibli la législation historique du pays sur l’emballage neutre. Le décret avait été pris par le président Lacalle Pou à la suite d’une demande de la plus grande compagnie de tabac du pays, la Sociedad Uruguaya de Tabacología (SUT). L’injonction, prononcée par un tribunal chargé de protéger les droits des enfants, représente une nouvelle victoire importante pour la santé publique en Uruguay[1]

En septembre dernier[2], le gouvernement uruguayen avait publié un décret (décret n° 282/022) qui aurait permis aux fabricants de tabac d’insérer des informations sur les cigarettes et d’inclure des encarts à l’intérieur des paquets de tabac, constituant une violation du principe même du paquet neutre mais aussi de l’interdiction de la publicité pour le tabac dans ce pays. Cette décision du gouvernement avait été qualifiée de « capitulation » face à l’industrie du tabac par les associations de santé, en particulier puisque l’Uruguay est un pays pionner en Amérique latine en matière de lutte contre le tabagisme.

Un décret en violation de la Convention-Cadre et du protocole contre le commerce illicite

Le juge a estimé que le décret mettait en péril les droits des enfants et enfreignait les obligations internationales de l’Uruguay en matière de santé et de droits de l’homme.

Dans sa décision, la juge a statué que le décret n° 282/022 viole les articles 7 et 8 de la loi nationale n°18256, qui interdisent toutes les formes de publicité en faveur tabac et l’interdiction d’utiliser les emballages de produits du tabac comme des supports promotionnels. Le décret va aussi à l’encontre des articles 11 (Conditionnement et étiquetage des produits du tabac) et 13 (Publicité en faveur du tabac, promotion et parrainage) de la convention-Cadre de l’OMS. En outre, le décret établissait la possibilité d’introduire des éléments qui peuvent être des éléments distinctifs de la marque. Dans sa décision, la juge ajoute qu’il existe des preuves que les compagnies de tabac utilisent l’emballage comme support publicitaire et comme vecteur de différenciation pour promouvoir le produit. Elle précise que l’exposition à la publicité pour le tabac augmente le risque pour les jeunes de s’initier à ces produits et diminue les chances d’arrêt pour les fumeurs.

Le décret 282/022 est également en violation du Protocole pour l’élimination du commerce illicite du tabac, en particulier de son article 8. Ce dernier prévoit notamment l’instauration d’un système de suivi et de traçabilité des produits du tabac indépendant de l’industrie. Or, le décret laissait à l’industrie du tabac le soin de définir la méthode de traçabilité.

La juge ajoute que la motivation du décret est manifestement illégitime et répond uniquement à des raisons commerciales et que la communauté scientifique et les autres organisations spécialisées dans la lutte contre le tabagisme n’ont pas été consultées au préalable. Une telle motivation contrevient aux dispositions de l’art. 5.3 de la Convention-cadre, qui indique que les Parties doivent protéger leurs politiques de lutte antitabac des intérêts de l’industrie du tabac.

Une action rapide de la part des défenseurs de la santé publique

À la suite de l’adoption de ce décret, les défenseurs de la santé publique en Uruguay avaient rapidement intenté un recours à son encontre afin de le faire annuler.

La vigilance de la société civile s’était déjà manifestée dans le passé. Ainsi en 2010, Philip Morris International avait intenté une procédure judiciaire contre l’Uruguay suite à l’adoption de larges avertissements sanitaires couvrant 80 % de la surface des paquets de cigarettes et de la restriction des déclinaisons de marques de cigarettes. L’administration du président de l’époque José Mujica (2010-2015), avait été un temps sur le point de céder à PMI mais s’était ravisée après la forte mobilisation de la société civile antitabac locale et internationale, appuyée par le Dr Vàsquez, ancien président uruguayen et fervent défenseur de la santé publique[3].

L’organisme Campaign for Tobacco-Free Kids se réjouit de cette présente décision et salue le rôle décisif de la société civile dans le pays. Elle appelle à la vigilance des gouvernements et experts de la lutte antitabac dans les autres pays concernant les nombreuses démarches de l’industrie du tabac visant à saper les progrès réalisés.

Mots-clés : Uruguay, paquet neutre, lobby, industrie du tabac, publicité, convention-cadre, justice,

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Communiqué de presse, Uruguayan Court Halts Big Tobacco’s Changes to Plain Packaging Measures, CTFK, publié le 26 octobre 2022, consulté le 28 octobre 2022

[2] Génération sans tabac, Sous pression de l’industrie, l’Uruguay renonce au paquet neutre, publié le 19 septembre 202, consulté le 28 octobre 2022

[3] Génération sans tabac, Décès du Dr. Tabaré Vázquez, ancien président uruguayen et fervent défenseur de la santé publique, publié le 7 décembre 2020, consulté le 28 octobre 2022

Comité national contre le tabagisme | 

Publié le 31 octobre 2022