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Un laboratoire commercialise une nouvelle nicotine de synthèse

Le laboratoire britannique Zanoprima annonce la commercialisation d’une nouvelle nicotine de synthèse non dérivée du tabac et ses nombreuses possibles déclinaisons[1]. Ce type de produits présage un avenir très concurrentiel pour les nouveaux produits de la nicotine, notamment oraux.

Alors que Philip Morris International (PMI) promeut un « monde sans fumée » (du nom de sa Foundation for a Smokefree World), le laboratoire Zanoprima proclame, de son côté, vouloir un « monde sans tabac » en lançant une nouvelle nicotine de synthèse. Reprenant différents codes de l’industrie du tabac, ce laboratoire semble surtout vouloir se positionner comme nouvel opérateur sur le marché des produits de la nicotine.

Une orientation vers les nouveaux produits de la nicotine

Comme certaines nicotines de synthèse produites par d’autres fabricants, celle mise au point par Zanoprima n’est pas extraite du tabac, se veut sans odeur, sans toxines ni carcinogènes et moins irritante au goût. Se prétendant responsable et « plus verte » en se démarquant de la culture très polluante du tabac, elle est baptisée SyNic – pour « synthetic nicotine ». A l’exemple de ses concurrents, Zanoprima reprend un discours se référant à la réduction des risques et inclut même des arguments de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour rappeler que le tabac est la première cause de mortalité évitable dans le monde[2].

Décliné sous forme de bitartre, de résine ou « complexe », cette nicotine de synthèse est destinée à de multiples applications : e-liquide, snus (sachets de nicotine), losanges et gommes de « nouvelle génération ». Sont aussi annoncés une nicotine à chauffer (par des dispositifs similaires à ceux du tabac chauffé/grillé), ainsi que des patchs censés aider à traiter la démence et la maladie d’Alzheimer.

Un environnement très concurrentiel et un positionnement risqué

Le positionnement de ce laboratoire, en particulier sur les produits oraux, rappelle celui du laboratoire Fertin Pharma, acquis par PMI en juillet 2021 et qui avait aussi conçu des snus, des gommes et des losanges[3]. Faisant valoir ses brevets déposés dans de nombreux pays et bien qu’apparemment décidé à lancer une gamme de produits sous sa propre marque, on peut toutefois se demander si Zanoprima ne cherche pas plutôt à se placer auprès des concurrents de PMI en vue d’un profitable rachat. Son projet de nicotine à chauffer se pose par exemple en rival direct des dispositifs de tabac chauffé/grillé, secteur où PMI dispose d’une plus grande avance sur ses concurrents.

La promesse thérapeutique de certains de ces produits peut néanmoins être questionnée, en particulier pour le projet de patchs voués à traiter la démence et la maladie d’Alzheimer. Une synthèse de l’OMS sur les liens très discutés entre tabac et démence avait établi que 40% des études sur ce sujet concluaient à une influence positive du tabac et de la nicotine lorsqu’elles étaient financées par l’industrie du tabac, alors que 45% de ces études indiquaient un impact négatif du tabagisme sur la maladie d’Alzheimer et la démence quand elles étaient issues de chercheurs indépendants des industriels[4]. Parmi ces études, une seule portait les liens entre consommation de tabac sans fumée et démence ou maladie d’Alzheimer, sans pouvoir se prononcer sur une influence significative. Ce sujet reste donc propice aux polémiques et il paraît risqué d’avancer des allégations thérapeutiques à destination de maladies pour lesquelles il n’existe actuellement pas de traitements.

Malgré les efforts déployés par l’industrie du tabac, l’intérêt thérapeutique de la nicotine paraît se limiter à l’accompagnement du sevrage tabagique. Les produits oraux dits « récréatifs » se distinguent cependant des traitements nicotiniques par leurs fortes concentrations de nicotine et par la délivrance plus rapide de celle-ci, qui semblent plutôt favoriser l’accoutumance que le sevrage.

Des questions sur la place des produits de la nicotine

Face à la multiplication des réglementations restreignant l’usage de tabac fumé, le segment du tabac non fumé, impulsé par les cigarettes électroniques, connaît aujourd’hui un plein essor et une diversification toujours plus importante. De nombreux opérateurs, liés ou non aux industriels du tabac, ont en effet investi ce secteur en profitant du flou juridique qui l’entoure. La question de l’alignement de ces produits sur la réglementation des produits de tabac fumé reste posée[5], en attendant de statuer sur leur nocivité et d’estimer s’il faut ou non accepter l’introduction sur le marché de certains produits. L’Union Européenne s’était ainsi opposée dès 1992 à la commercialisation généralisée des snus, pourtant produits et autorisés par un de ses états membres.

Une réflexion globale sur les produits de nicotine semble ici nécessaire, appuyée par des évaluations scientifiques indépendantes de l’industrie. La nicotine, souvent présentée à tort comme un produit sans danger par des soignants spécialisés dans la réduction des risques, est en effet un produit à forte toxicité et dont la consommation n’est pas anodine sur le plan cardiovasculaire, au-delà du risque d’addiction quelle entraîne. Comme le soulignait dans une tribune une représentante de la Fondation contre le cancer (Belgique)[6], la méthadone, produit emblématique de la réduction des risques, n’est pas pour autant disponible en tant que produit de consommation courante. Certains produits à base de nicotine pourraient par exemple connaître un sort similaire et voir leur accès restreint aux seules situations de sevrage tabagique, comme c’est le cas depuis le 1er octobre 2021 en Australie pour les cigarettes électroniques.

Mots-clés : nicotine de synthèse, Zanoprima, PMI, Fertin Pharma, snus, lozanges

MF


[1] Zanoprima Launches Commercial Production of Its High Purity Tobacco-Free Synthetic (S) Nicotine Using Revolutionary Patented New Process, BusinessWire, publié le 11 octobre 2021, consulté le 13 octobre 2021.

[2] Towards a tobacco-free world, site de Zanoprima, consulté le 13 octobre 2021.

[3] Génération Sans Tabac, Philip Morris rachète Fertin Pharma, un spécialiste des substituts nicotiniques, publié le 5 juillet 2021, consulté le 14 octobre 2021.

[4] McKenzie J, Bha  L, Tursan d’Espaignet E. WHO Tobacco Knowledge Summaries: Tobacco and dementia. WHO, Geneva, 2014.

[5] Génération Sans Tabac, États-Unis : appel à une réglementation plus stricte des produits non fumés du tabac et de la nicotine, publié le 27 septembre 2021, consulté le 14 octobre 2021.

[6] Suzanne Gabriels, À qui la cigarette électronique profite-t-elle ?, La Libre Belgique, publié le 12 octobre 2021, consulté le 13 octobre 2021.

Publié le 15 octobre 2021