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Truth Initiative analyse les stratégies actuelles de l’industrie du tabac

Un collège d’experts réuni en distanciel le 10 juin a distingué quatre types de tactiques déployées récemment par l’industrie du tabac.

Depuis quelques années, l’industrie du tabac a investi le secteur de la nicotine sans fumée et communique intensément sur ce thème. L’organisation à but non lucratif Truth Initiative propose, autour de son action « Ne pas s’y tromper : la nouvelle image de marque de l’industrie du tabac », une grille de lecture pour décoder cette stratégie des industriels [1].

Le masque de la santé publique et de la citoyenneté

Quatre types de tactiques ont été mis en évidence par les experts convoqués :

Se placer au côté des acteurs de santé publique. Les industriels adoptent un discours semblable à celui de la santé publique afin d’altérer les perceptions de l’opinion publique et de diviser les acteurs de santé. Ils s’inspirent du vocabulaire sanitaire et reprennent notamment l’argument médical de la réduction des risques. En portant l’accent sur la question du sevrage tabagique et sur la prévention du tabagisme auprès des jeunes, ils cherchent avant tout à présenter leurs nouveaux produits comme étant rassurants, afin d’acquérir de nouveaux clients parmi les jeunes générations. Une démarche qui semble davantage commerciale que motivée par le sevrage tabagique.

Infiltrer la recherche et les publications scientifiques. L’industrie du tabac achète les services de scientifiques de santé publique afin de publier dans des revues établies des articles qui lui soient favorables. Ces chercheurs, financés par la Fondation pour un monde sans fumée (émanation de Philip Morris International), ne déclarent pas toujours les liens d’intérêt qui les relient à l’industrie ou font état de déclarations insincères.

Se présenter comme des entreprises citoyennes. Au nom de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), l’industrie du tabac investit dans de vastes opérations de relations publiques en prétendant soutenir des projets de santé publique, communautaires ou environnementaux. Des campagnes se réclamant de la prévention sont ainsi couplées à des actions de promotion de dispositifs de tabac chauffé/grillé et à des campagnes de valorisation de l’image sociale de l’entreprise, bien plus largement financées.

Influencer des personnalités publiques et des associations. En cultivant une politique de dons et de partenariats auprès de personnalités et d’organisations à but non-lucratif, l’industrie du tabac cherche à restaurer une image affaiblie et à s’attirer une nouvelle visibilité, plus flatteuse, en particulier auprès des jeunes.

Un discours commercial qui cherche à faire oublier la responsabilité des cigarettiers

L’industrie du tabac exploite fréquemment l’argument de la réduction du tabagisme et de l’aide à l’arrêt pour justifier ses actions de promotion des cigarettes électroniques et des dispositifs de tabac chauffé/grillé. La part d’utilisateurs d’e-cigarettes ayant véritablement cessé de fumer reste toutefois incertaine[2] ; l’intérêt du tabac chauffé/grillé dans une démarche de sevrage n’est quant à lui pas démontré.

L’assurance avec laquelle les industriels du tabac mettent en avant ces nouveaux produits ne saurait faire oublier qu’ils tirent actuellement l’essentiel de leurs revenus des produits de tabac fumés, et qu’ils continuent de promouvoir ces derniers dans les pays ne disposant pas de législation antitabac suffisamment consistante ou encore en dépit de ces législations qu’ils n’hésitent pas à enfreindre. Si les produits de tabac sans fumée sont une forte source de plus-value et représentent déjà 28% du chiffre d’affaire de Philip Morris International, les cigarettes « combustibles » classiques continuent de constituer 72% de ses revenus [3] (90% pour British American Tobacco [4]).

Bien que communiquant sur la réduction des risques et la possibilité d’une réduction ou d’un sevrage du tabagisme, l’industrie semble surtout chercher à renouveler sa clientèle, à faire oublier l’addictivité de la nicotine et à occulter sa propre responsabilité dans l’addiction dont sont victimes les fumeurs. Prétendre remédier à l’épidémie de tabagisme qu’elle a elle-même provoquée et qu’elle entretient, tout en affaiblissant les efforts sanitaires et réglementaires pour y remédier, tel est le défi de communication de l’industrie du tabac. Une attitude qui, selon les auteurs, relève plutôt du cynisme commercial que du civisme sanitaire.

Mots-clés : Truth Initiative, Nouveaux produits, Marketing, Industrie du tabac, ingérence, Nicotine

 

©Génération Sans Tabac

[1] Truth Initiative, 4 ways the tobacco industry is attempting to rebrand itself. Publié le 10 juin 2021, consulté le 11 juin 2021.

[2] Truth Initiative, New study: Only 3% of adult smokers used JUUL to quit in past year. Publié le 25 septembre 2020, consulté le 11 juin 2021.

[3] Inquirer, New Philip Morris International CEO pleased over partnership with Lucio Tan. Publié le 9 mai 2021, consulté le 11 juin 2021.

[4] Davies R, Vype maker BAT attracts 1.4m new vape users in three months, The Guardian. Publié le 8 juin 2021, consulté le 11 juin 2021.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 16 juin 2021