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Traces de nitrosamines et taux importants de nicotine dans les pouches

Une étude allemande indépendante de 46 références de « pouches » (pochettes de nicotine) a relevé des taux importants de nicotine, des valeurs de pH favorisant son passage sanguin et des traces de nitrosamines spécifiques du tabac. Ces résultats divergent de ceux des fabricants et invitent à une meilleure régulation de ces produits.

Malgré leur forte ressemblance, par leur forme et mode d’usage, avec les snus (pochettes de tabac à insérer entre la gencive et la lèvre), les pouches ne contiennent pas de tabac, mais que de la nicotine, sous forme de free-base (nicotine extraite du tabac et purifiée), qui imprègne des fibres végétales. La nicotine contenue dans ces pochettes est absorbée par les muqueuses buccales.

Alors que les snus sont interdits dans l’Union européenne en dehors de la Suède, les pouches bénéficient d’un flou juridique du fait de l’absence de tabac[1], leur permettant d’être vendus comme des produits alimentaires. La teneur en nicotine de ces pouches n’est qu’imparfaitement indiquée sur de nombreuses références commercialisées. Aussi, le ministère fédéral allemand de l’alimentation et de l’agriculture a-t-il commandité une analyse de leurs risques potentiels pour la santé.

De fortes teneurs en nicotine

L’Institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques a analysé 46 pouches commercialisées par vingt producteurs différents et achetées en ligne sur des sites européens ou extra-européens[2]. Les teneurs en nicotine ont été estimées en mg/pouche et en mg/g de pouche. La recherche des nitrosamines spécifiques du tabac et la mesure du pH ont été assurées dans la mesure où les nitrosamines sont cancérigènes et où un pH élevé favorise l’absorption de la nicotine par les muqueuses buccales.

Les deux références se disant sans nicotine n’en contenaient effectivement pas. Parmi les 44 autres références, 38 utilisaient une simple description voire une échelle de notation arbitraire (de 1 à 4, sans mention de taux) pour indiquer la teneur en nicotine des produits. Dans 28 cas, soit plus de la moitié de l’échantillon, seule une mention descriptive indiquait cette teneur, sous des termes allant de « facile » et « medium », à « fort », « extra fort », « power », « ultra » ou « brutal ».

Les taux de nicotine variaient de 1,79 mg à 47,5 mg/pouche, avec un taux médian de 9,48 mg/pouche. Le taux maximal annoncé par un fabricant était de 11,9 mg/pouche. Ces taux sont nettement supérieurs à ceux observés aux Etats-Unis lors d’une précédente étude, avec un maximum de 6,73 mg/pouche. Les valeurs mesurées sont inquiétantes, l’ingestion de nicotine pouvant se révéler toxique et son absorption ayant des effets négatifs sur le système cardiovasculaire. Si la mention d’une interdiction de vente aux mineurs de 18 ans était présente sur la totalité des produits, seules dix comportaient un avertissement concernant les femmes enceintes, pour qui ces types de produits sont fortement déconseillés.

Un pH élevé et une présence de nitrosamines

Les pH mesurés variaient de 5,5 à 10,5, avec une valeur médiane de 8,8. Comme le pKa de la nicotine est de 8,01, son absorption par la muqueuse buccale est grandement facilitée par ces pH, d’autant que la proportion médiane de nicotine free-base de 86% (valeurs allant de 60 % à 100 %) facilite encore cette absorption. Au total, ces pouches sont conçues pour exercer un fort potentiel addictif.

La présence de nitrosamines spécifiques du tabac, dont certaines sont cancérigènes (NNN, NNK), a été observée sous forme de traces dans 26 des produits testés et quantifiables dans 17 d’entre eux, ce qui suggère un processus de purification de la nicotine free-base incomplet. De leur côté, les études financées par les fabricants n’ont encore jamais mentionné la présence de nitrosamines, leurs méthodes d’analyse étant moins fines.

Une nécessaire réponse réglementaire

La réglementation européenne peine actuellement à réguler les pouches. L’Agence européenne de sécurité alimentaire établit le seuil maximal de nicotine ingérable journellement à 0,0008 mg/kg de masse corporelle, soit 0,048 mg pour une personne de 60 kg. Les taux les plus bas de nicotine pour les pouches analysés sont de 1,79 mg, soit 22 fois plus élevés que le seuil maximal retenu pour une personne de 60 kg, ce qui signifie que les pouches ne sauraient être commercialisés en tant que produits alimentaires.

Les auteurs de l’étude prônent : (1) la limitation de la teneur en nicotine, (2) l’obligation d’indiquer clairement la quantité de nicotine présente dans chaque pouche, (3) le recours à une purification de la nicotine permettant d’éviter la présence, même très faible, de nitrosamines, (4) l’obligation d’apposer un avertissement sanitaire pour les femmes enceintes, et (5) l’assurance d’un contrôle efficace de l’âge légal d’achat. Parallèlement, l’ajout d’une grande variété d’arômes, l’utilisation d’emballages séduisants et la promotion de ces produits sur les réseaux sociaux devraient être encadrés afin de réduire leur attractivité auprès des jeunes.  Enfin, des études cliniques devraient permettre de déterminer le potentiel addictif de ces produits et de valider s’ils peuvent être considérés comme des alternatives valables au tabagisme.

Mots-clés : nicotine pouches, nicotine free-base, nitrosamines, pH

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Nicotine sans tabac, un nouveau défi pour la santé publique, Génération Sans Tabac, publié le 8 juillet 2021, consulté le 10 août 2022.

[2] Mallock N, Schulz T, Malke S, Dreiack N, Laux P, Luch A, Levels of nicotine and tobacco-specific nitrosamines in oral nicotine pouches, Tob Control 2022;0:1–7, Epub ahead of print: 10/07/2022.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 16 août 2022