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Tabac et jeunes : la situation alarmante de la Tunisie

La Tunisie observe un fort retard dans sa lutte contre le tabagisme. Une étude publiée en janvier dans la revue Tobacco Induced Disease pointe la prévalence « alarmante » du tabagisme, la facilité d’accès aux produits du tabac par les jeunes générations, et le non-respect des réglementations de santé publique en vigueur.

L’étude repose sur les chiffres de Global Youth Tobacco Survey de 2017, une enquête mondiale sur le tabagisme des jeunes. Au total, celle-ci a été menée auprès de 67 établissements scolaires et a concerné 2 448 adolescents, dont 1863 étaient âgés de 13 à 15 ans[1].

Le tabagisme très répandu chez les adolescents en Tunisie

L’initiation au tabac est déjà largement entamée dans cette tranche d’âge : plus d’un tiers des garçons ont déjà essayé d’en consommer, contre 10% des filles. Par ailleurs, 12,7% des adolescents tunisiens ont déjà essayé le narguilé, dont plus d’un garçon sur cinq. Au cours du mois précédent l’enquête, 13% des jeunes hommes ont déclaré en avoir consommé.  Au moment de l’enquête, 11,9% des adolescents interrogés ont déclaré avoir consommé du tabac dans les trente derniers jours, qu’il s’agisse d’un produit combustible ou sans fumée. Ces résultats diffèrent selon le sexe des répondants : 4,8% des jeunes filles interrogées ont affirmé avoir fumé dans le mois, contre 19,4% des garçons. Enfin, le tabagisme régulier concerne une proportion moindre d’adolescents : 2,2% d’entre eux avaient consommé du tabac pendant au moins 20 jours lors du mois dernier. Ici encore, on observe une nette différence, puisque ce tabagisme ne concerne que 0,1% des filles, mais 4,2% des garçons.

Les interdits protecteurs de la jeunesse très peu respectés

L’étude démontre que les jeunes adolescents tunisiens ont un accès facilité aux produits du tabac. En particulier, si la moitié des répondants ont affirmé se procurer du tabac par l’achat de paquets, près de 40% d’entre eux déclarent se fournir pour tout ou partie par l’achat de cigarettes à l’unité, alors que cette pratique est aujourd’hui interdite en Tunisie. Sur l’origine des cigarettes et du tabac à chicha, 56% des répondants ont affirmé s’approvisionner auprès des détaillants ou des stations-service. Près de trois répondants sur dix ont affirmé se procurer ces produits par une personne-tierce, tandis que l’origine illicite du tabac semble très minoritaire (6,9% des répondants). L’interdiction de vente de tabac aux mineurs n’étant pas en vigueur en Tunisie, 23,2% des adolescents ont déclaré avoir été empêchés d’acheter des cigarettes en raison de leur âge, contre 41,6% pour le narguilé.

Une forte proportion de jeunes fumeurs souhaitent sortir du tabac

Les auteurs de l’étude soulignent que la majorité des fumeurs souhaite sortir du tabagisme, et ce dès l’adolescence. Ainsi, parmi les jeunes interrogés déclarant avoir fumé des cigarettes dans le mois précédent l’enquête, 60% affirment vouloir arrêter leur consommation, et 56,6% d’entre eux mentionnent avoir déjà essayé. De la même manière, parmi les fumeurs de cigarettes et de narguilés, plus de sept sur dix affirment avoir demandé de l’aide pour se sevrer (76% des garçons et 53,8% des filles). Ces chiffres sont la démonstration de la très grande rapidité d’entrée dans la dépendance tabagique. Ils montrent également le degré de la dépendance au tabac sur les jeunes consommateurs : plus l’initiation commence tôt, plus la dépendance tabagique est forte.

Le tabagisme passif des adolescents, un problème endémique en Tunisie

Les résultats de l’enquête témoignent également de la faiblesse de la protection de la jeunesse tunisienne à l’égard du tabagisme passif. Plus des trois quarts des répondants affirment être exposés à la fumée à l’intérieur même des établissements scolaires. Dans les lieux publics intérieurs comme extérieurs, cette proportion se situe aux alentours de 60%. Enfin, près de la moitié des adolescents mentionnent une exposition au tabagisme passif au sein de l’habitation familiale.

La nécessité pour les pouvoirs publics de se saisir de la question du tabac

En matière tabagique, la Tunisie fait état de la situation sanitaire la plus dégradée au Maghreb, et demeure de loin l’un des pays d’Afrique ou l’on fume le plus. Selon une récente étude, la prévalence tabagique des hommes de plus de quinze ans est estimée à 49,3%, laissant présager un coût humain, financier et environnemental majeur pour le pays dans les années à venir. Les auteurs de l’étude recommandent ainsi aux pouvoirs publics d’interdire la vente de produits du tabac aux mineurs, de garantir l’effectivité des interdictions de fumer dans les lieux publics, et d’interdire la publicité pour le tabac dans les lieux de vente. Enfin, les chercheurs soulignent la nécessité pour la Tunisie de mettre en place une politique fiscale pour réduire la consommation tabagique, conformément à l’article 6 de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la Santé (CCLAT), ratifiée par la Tunisie.

Mots clés : Tunisie, Jeunes

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Ayedi Y, Harizi C, Skhiri A, Fakhfakh R. Linking Global Youth Tobacco Survey (GYTS) data to the WHO Framework Convention on Tobacco Control (FCTC): The case for Tunisia. Tobacco Induced Diseases. 2022;20(January):7. doi:10.18332/tid/143994.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 1 février 2022