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Tabac et Covid-19 : promotion des aides à l’arrêt VS. les pratiques de l’industrie

Après 18 mois de pandémie de COVID-19, l’industrie du tabac montre qu’elle sait s’adapter et mettre à profit toutes les situations exceptionnelles. Les états réagissent eux aussi : les Etats-Unis encouragent ainsi l’arrêt du tabac auprès des populations les plus démunies.

La crise mondiale déclenchée par la pandémie n’a pas calmé les ardeurs de l’industrie du tabac, bien au contraire, comme le souligne un article paru sur le site de The Lancet[1].

L’industrie du tabac aux aguets

Habituée à se saisir des dernières tendances et à exploiter les événements historiques, cette industrie a déployé dès le début de la pandémie de conséquents efforts pour tenter de tirer profit de la crise et de minimiser ses pertes. « Ils voulaient aussi se protéger eux-mêmes de toute retombée potentielle d’une pandémie causée par un virus respiratoire », commente Tom Hird, chercheur du Tobacco Control Research Group de l’Université de Bath. Les industriels ont ainsi multiplié, au nom de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), les initiatives d’assistance sanitaire aux états, en leur offrant, à grand renfort de publicité, des masques (Costa Rica) et des équipements de protection (Bengladesh), des tests (Indonésie), des ventilateurs (Grèce) ou encore des apports financiers (Roumanie, Italie, Ukraine, Inde).

Ces initiatives, essentiellement tournées vers les pays les plus fumeurs, ont notamment pour objectif de restreindre par la suite les mesures de protection contre le tabagisme que ces pays pensaient ou auraient pu prendre. Si les pays les plus riches et les plus impliqués dans la lutte antitabac ont su faire jouer l’article 5.3 de la Convention-Cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) afin de tenir l’industrie à l’écart, les pays économiquement les plus fragiles ont eu plus de mal à refuser ces offres. Les industriels ont aussi financé des recherches qui accréditent l’hypothèse d’un effet protecteur de la nicotine[2], jusqu’ici non démontrée, afin de promouvoir en parallèle sur les réseaux sociaux leurs e-cigarettes[3] ou leurs produits de tabac chauffé/grillé. « Cela détourne l’attention des terribles dommages respiratoires causés par le tabagisme », complète Tom Hird.

Une vigilance de certains législateurs

Ces tactiques de l’industrie ne laissent pas indifférents les législateurs. Des élus étatsuniens ont ainsi sommé Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco (BAT) de s’expliquer sur leur manque d’éthique à inonder les réseaux sociaux de publicités pour les cigarettes électroniques[1].

Plus récemment, deux sénateurs, l’un démocrate, l’autre républicaine, ont défendu un projet de loi permettant de garantir durant la pandémie un accès gratuit aux outils de sevrage tabagique pour les populations les plus précaires et qui bénéficient d’une aide médicale[4]. Cette loi, applaudie par les acteurs de santé, entend notamment venir en aide aux populations les plus fragiles face au tabac, qui ont aussi été les plus touchées par l’épidémie. Une étude conduite par Medicaid a par exemple montré que chaque dollar investi dans l’arrêt du tabagisme permet d’en économiser au moins trois, en évitant de nombreuses hospitalisations.

Les inégalités sociales restent des facteurs aggravants

L’évaluation des risques encourus par les fumeurs – et les fumeurs passifs – face au SARS-Cov-2 n’est pas encore formellement établie, mais suggère très fortement des conséquences plus sévères pour les fumeurs que pour les non-fumeurs[5]. Les catégories sociales les moins bien loties sont moins armées pour affronter cette situation : elles fument davantage que d’autres catégories socioprofessionnelles, sont plus touchées par les maladies liées au tabagisme et rencontrent davantage de difficultés à arrêter de fumer ; elles ont par ailleurs davantage souffert des conséquences économiques de la crise sanitaire[6]. Il semble donc non seulement logique, mais indispensable de faciliter l’accès à tous les moyens leur permettant de mettre un terme à leur tabagisme. Le conseil d’arrêt du tabac pour rester en bonne santé et mieux traverser la crise sanitaire peut cependant être adressé à tous les fumeurs, quel que soit leur statut. Les efforts déployés par l’industrie du tabac pour alimenter les doutes et détourner l’attention ne sauraient quant à eux faire oublier qu’à ce jour, l’épidémie de tabagisme, avec ses huit millions de décès annuels, tue davantage que celle liée au coronavirus.

Mots-clés : COVID-19, industrie du tabac, RSE, e-cigarette.

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Khan Burki T, The Lancet – Respiratoy Medecine, Tobacco industry capitalises on the COVID-19 pandemic. Publié le 29 juillet 2021, consulté le 10 août 2021.

[2] Génération Sans Tabac, Nicotine et Covid : un conflit d’intérêt non déclaré invalide une étude. Publié le 28 avril 2021, consulté le 10 août 2021.

[3] Ramamurthi D, Chau C, Jackler R, Exploitation of the COVID-19 pandemic by e-cigarette marketers. Tob Control 2020;0:1–4.

[4] Matthew L. Myers, Campaign for Tobacco-Free Kids, Tobacco-Free Kids Strongly Supports the Quit Because of COVID-19 Act that Will Expand Medicaid and CHIP Coverage for Tobacco Cessation Treatments. Publié le 6 août 2021, consulté le 10 août 2021.

[5] Thomas D, Berlin I, Covid-19 et tabagisme, Archives des Maladies du Cœur et des  Vaisseaux – Pratique. 2021 Jan; 2021(294): 26–29. Publié en ligne le 2 décembre 2020, consulté le 26 avril 2020.

[6] Barhoumi M, Jonchery A, Lombardo P, Le Minez S, Mainaud T, Raynaud E, Pailhé A, Solaz A, Pollak C, INSEE. Les inégalités sociales à l’épreuve de la crise sanitaire : un bilan du premier confinement. Publié le 3 décembre 2020, consulté le 11 août 2021.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 13 août 2021