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Suite aux déboires du vaccin Covifenz, PMI est évincé de Medicago

Afin de retrouver les faveurs de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour le vaccin anti-COVID Covifenz, Mitsubishi a dû racheter toutes les parts de Philip Morris International (PMI) dans le laboratoire Medicago. Les organisations de santé se félicitent de cette situation et appellent à rester vigilant sur les investissements de l’industrie du tabac.

Les déconvenues se sont accumulées pour le laboratoire Medicago autour de son vaccin anti-COVID Covifenz. Mis au point à partir d’une plante de la famille du tabac, Nicotiana benthamiana, ce vaccin n’a d’abord été considéré efficace qu’à 71 %, soit nettement moins que ceux des concurrents, et n’était envisagé qu’en recours de seconde intention. Medicago a ensuite, en mars 2022, essuyé un refus de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de figurer sur la liste des vaccins agréés, au motif de la prise de participation de Philip Morris International (PMI) à hauteur de 21 % de son capital.

Bien que soutenu par le gouvernement fédéral, qui avait pré-commandé 76 millions de doses du vaccin, et par le gouvernement québécois, qui pensait accueillir au Québec un des sites de production, Medicago n’a depuis été en mesure de livrer aucune des doses prévues et annoncées pour mai 2022, suite à des problèmes de production sur son site de Caroline du Nord. De multiples retards ont par ailleurs repoussé à une date incertaine la mise en service du site de production québécois.

Un investissement risqué du gouvernement canadien

Pour retrouver la confiance de l’OMS et tenter de sauver son vaccin Covifenz, Medicago a dû se séparer de son actionnaire encombrant, dont il avait pourtant annoncé se distancier en juillet 2020. Les actions de PMI ont donc été rachetées par Mitsubishi Tanabe, la maison-mère de Medicago qui contrôle désormais ce laboratoire à 100 %. Le gouvernement du Québec a indiqué n’envisager de prendre aucune participation dans le laboratoire, comme ce fut un temps envisagé. La survie de Medicago dépend à présent de sa capacité à surmonter ses difficultés de production, aux Etats-Unis comme au Québec.

Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, s’est déclaré déçu des espoirs et des 173 millions de dollars canadiens (120 millions d’euros) placés dans Medicago. Il a réaffirmé que ni l’entreprise, ni le gouvernement fédéral n’imaginaient de possibles complications avec l’OMS, alors que la présence de PMI dans le capital était bien connue.

« Ça a longtemps été un milieu qui se percevait comme étant isolé, comme une forteresse. Ils faisaient leurs affaires… », reconnaît toutefois M. Duclos au sujet de l’industrie pharmaceutique, « comme beaucoup d’autres milieux d’affaires, ils s’aperçoivent qu’ils ont aussi des responsabilités sociales, environnementales et en matière de gouvernance qui dépassent leur pure contribution économique »[1]. L’épidémiologiste Gaston De Serres estime au contraire que les dirigeants de Medicago « ont fait semblant d’être surpris, mais ils étaient conscients qu’il y avait un problème avec l’OMS ».

Une atteinte à la Convention-cadre pour la lutte antitabac

Les acteurs locaux de la lutte contre le tabagisme avaient ainsi alerté le gouvernement fédéral dès l’automne 2020, au moment de l’investissement dans Medicago, en rappelant les engagements du Canada vis-à-vis du traité international de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). L’article 5.3 de la CCLAT précise en effet que les politiques de santé publiques doivent être préservées de toute influence de l’industrie du tabac, ce qui vaut aussi pour les participations à des conférences ou à des entreprises du secteur de la santé.

« Les sociétés de tabac, les vaccins et les gouvernements ne font pas bon ménage et nous applaudissons l’expulsion de Philip Morris de la collaboration avec Medicago », s’est réjoui Les Hagen, directeur exécutif de Action on Smoking and Health (ASH Canada), pour qui « les sociétés de tabac tentent désespérément de blanchir leur épouvantable image publique en investissant dans le secteur de la santé »[2]. Les investissements récents de PMI dans le secteur pharmaceutique (Fertin Pharma, OtiTopic, Vectura) et les nombreuses exploitations de la crise liée à la COVID-19 par les industriels du tabac confirment en effet la tentative de repositionnement des cigarettiers.

Pour Daniel Dorado, directeur de la campagne tabac de Corporate Accountability, « Le Canada est considéré comme un leader mondial de la lutte antitabac. Si le Canada est vulnérable à l’ingérence de l’industrie du tabac, il en va de même pour de nombreux autres pays. » La leçon reçue par le gouvernement canadien devrait inciter d’autres dirigeants politiques à mieux tenir compte des obligations du traité de la CCLAT.

Mots-clés : Medicago, vaccin, PMI, Covifenz, Mistubishi Tanabe, Canada, Québec

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Bourque F, Doublet Y, Medicago s’affranchit du tabac mais l’avenir reste embrumé, Le Soleil, mis à jour le 24 décembre 2022, consulté le 27 décembre 2022.

[2] ASH Canada, Corporate Accountability, Tobacco giant ejected from Canadian COVID-19 vaccine collaboration, PR Newswire, publié le 26 décembre 2022, consulté le 27 décembre 2022.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 31 décembre 2022