Le Baromètre de Santé Publique France indique une pause dans la baisse du tabagisme, mais une augmentation de celui-ci parmi les populations défavorisées, antérieure à la crise de la COVID-19.
Dévoilés à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai, les derniers chiffres de la consommation de tabac publiés par Santé Publique France sonnent comme une alerte. Après plusieurs années de baisse de la prévalence de tabagisme entre 2014 et 2019, ils montrent une relative stagnation des consommations et confirment le poids des disparités sociales.
Augmentation du tabagisme quotidien des populations défavorisées
L’édition 2020 du Baromètre de Santé Publique France a été, crise sanitaire oblige, exceptionnellement réalisée en deux temps, d’abord du 8 janvier au 16 mars 2020, puis du 4 juin au 28 juillet [1]. Au total, 14 873 personnes ont été interrogées, ce qui en fait l’une des principales enquêtes de grande ampleur en France, bien qu’elle s’appuie sur des déclaratifs. Cette année, les 76-85 ans ont été intégrés à l’enquête ; par souci de comparaison avec les années antérieures, les résultats sont surtout analysés pour la tranche des 18-75 ans.
En 2020, 31,8% des 18-75 ans se déclaraient fumeurs (36,2% des hommes et 27,7% des femmes) ; 25,5% étaient des fumeurs quotidiens (29,1% des hommes et 22% des femmes), alors qu’ils n’étaient que 24% en 2019. Une augmentation jugée non significative par les auteurs, qui pointent en revanche une augmentation sensible (de 29,8% à 33,3%) du tabagisme quotidien parmi le tiers de la population aux revenus les moins élevés. Cette variation se vérifie tant sur le plan du revenu mensuel du foyer que sur ceux du niveau de diplôme ou de l’activité professionnelle des personnes interrogées. La prévalence de tabagisme quotidien diminue à mesure que le revenu mensuel du foyer s’élève.
Concernant la cigarette électronique, la proportion de personnes l’ayant déjà expérimentée passe de 34,4% en 2019 à 37,4% en 2020 ; 5,4% des personnes déclarent en avoir un usage actuel et 4,3% un usage quotidien, de façon similaire à 2019.
Une tendance antérieure à la crise sanitaire
L’interprétation de ces résultats minimise l’impact du confinement de 2020 sur ces augmentations de consommation. La majeure partie de l’enquête a en effet eu lieu avant le premier confinement, ce qui conduit les auteurs à estimer que la hausse des consommations a plutôt eu lieu entre 2019 et mars 2020. Ils attribuent cette hausse au contexte de crise sociale, sensible depuis fin 2018 avec le mouvement des Gilets Jaunes et touchant davantage les milieux défavorisés. Ils concluent à la nécessité de réinstaller les conditions favorables à une baisse du tabagisme, en renforçant les actions auprès des populations les plus vulnérables.
D’autres études ont par ailleurs montré que les conséquences du premier confinement sur les consommations de tabac étaient très variables : certaines personnes ont augmenté leur consommation, mais elles sont nombreuses à avoir réduit ou cessé leur usage de tabac au cours de cette période. Au printemps 2020, la baisse de la consommation se poursuivait. Un an plus tard, l’impact des reconfinements et la longueur de la crise sanitaire semblent en revanche avoir accentué les consommations de tabac (et de médicaments psychotropes) des personnes psychologiquement les plus fragiles [2]. Une tendance qui ne sera véritablement vérifiée qu’à travers les études que publiera Santé Publique France en 2022.
Mots-clés : Baromètre Santé, France, Covid-19, Crise sanitaire, consommation tabac, prévalence,
[1] Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Soullier N, Gautier A, Richard JB, Nguyen-Thanh V, Consommation de tabac parmi les adultes en 2020 : résultats du Baromètre de Santé Publique France. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(8):132-9.
[2] Association Addictions France, Addictions et crise sanitaire – Enquête nationale BVA/Addictions France. Publié le 8 avril 2021, consulté le 26 mai 2021.
