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Snus ou sachets de nicotine ? L’industrie brouille les cartes

Plusieurs articles parus ces derniers jours dans la presse française s’alarment de la présence de vidéos vantant le « snus » sur les réseaux sociaux. Il s’agit en fait d’une campagne de promotion du Lyft, un produit similaire mais un peu différent.

La ressemblance entre les sachets de tabac (snus) à sucer et les sachets de nicotine peut induire certaines confusions, d’autant plus qu’ils sont distincts du tabac à chiquer, actuellement tombé en désuétude[1].

Des produits similaires dans leur présentation et leur mode de consommation

Le snus, conçu et commercialisé en Suède, est constitué d’un sachet de tabac humide à sucer, vendu dans une ample gamme d’arômes. Ce type de produit, interdit dans le reste de l’Union européenne depuis 1992[2], est néanmoins commercialisé sur plusieurs autres continents (aux Etats-Unis par RJ Reynolds, sous la marque Camel, et par Altria, sous la marque Marlboro). L’Asie est actuellement le continent le plus consommateur (82%)[3], suivie de l’Afrique.

Les sachets de nicotine à sucer ne contiennent pas de tabac, mais une poudre blanche à base de nicotine. Commercialisés notamment sous les marques Lyft (British American Tobacco/BAT), mais aussi Zyn, On! et Velo, ces produits sont aussi proposés avec un large éventail d’arômes. Les industriels présentent ces produits comme des « snus », ce qui ne facilite pas la distinction. Les sachets de nicotine ont délibérément l’apparence du snus pour entretenir la confusion entre les deux produits et renverser l’interdiction actuelle du snus en UE. L’industrie du tabac, dans ses campagnes marketing, présentent cependant ses sachets de nicotine comme des alternatives sans tabac et sans risques

La ressemblance entre ces deux produits est non seulement physique (de petits sachets, de présentation variable) mais aussi dans le mode de consommation : les sachets sont placés entre la lèvre et la gencive, et actionnés par la salive. Une autre caractéristique commune est de délivrer davantage de nicotine (6 mg de nicotine/sachet de Zyn[4]) qu’une cigarette classique (1 à 3 mg), ce qui peut entraîner plus rapidement une dépendance.

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La toxicité de ces produits est encore discutée. Si, à l’exception des Skoal Bandits, la plupart des snus sont dépourvus de nitrosamines, ils seraient toutefois susceptibles de provoquer des cancers du pancréas, des diabètes de type II, des accidents cardiaques, de l’hypertension et des naissances prématurées[5]. Les conséquences de leur usage s’observent aussi du point de vue dentaire, en favorisant le déchaussement des gencives et la perte des dents. La nicotine est enfin une source de dépendance sévère bien connue et ses effets sur le développement du cerveau des adolescents sont très documentés.

Des produits clairement addictifs

Avec les sachets de nicotine ou de tabac, l’industrie du tabac poursuit son argumentaire sur les risques réduits : les produits de tabac sans fumée sont, selon les industriels, conçus pour les fumeurs qui souhaitent ne plus fumer ou réduire leur consommation. « Nous ciblons les fumeurs », déclarait récemment à ce propos Pascal Marbois, directeur de la communication de BAT France[1].

La focalisation sur les risques réduits par rapport aux cigarettes fumées minimise toutefois l’addictivité des produits à sucer. Plusieurs témoignages ont ainsi indiqué que de jeunes non fumeurs sont devenus dépendants en utilisant des sachets de nicotine à sucer, confirmant l’avertissement sanitaire présent sur les emballages[6]. Bien que moins immédiat qu’avec le tabac fumé, le mode d’action des sachets de nicotine, fortement dosés, s’en rapproche : l’absorption nicotinique est rapide lorsqu’elle s’effectue par voie respiratoire ou par voie buccale, et cette vitesse d’absorption est justement l’un des principaux facteurs de l’installation de la dépendance nicotinique[7]. C’est l’un des points majeurs qui distinguent les produits à sucer des traitements nicotiniques de substitution (TNS) à libération plus lente qui sont, eux, conçus pour être des aides au sevrage.

Comme avec la cigarette électronique, les sachets à sucer constituent un vecteur par lequel des adolescents non fumeurs s’initient à la nicotine et risquent d’en devenir dépendants[8]. L’objectif reste d’élargir le marché de la dépendance à la nicotine, en enrôlant un maximum de clients dès le plus jeune âge.

Des arômes pour attirer les adolescents

Les industriels prétendent ne s’adresser qu’aux adultes, mais inondent pourtant de publicités pour ces produits des réseaux sociaux appréciés par les adolescents (ici TikTok et Snapchat), en reprenant des codes de communication spécifiques aux jeunes. Les adolescents sont ainsi expressément ciblés par les industriels, qui les attirent vers ces produits à l’aide d’arômes dont les saveurs rappellent celles des friandises sucrées.

Les sachets de tabac ou de nicotine ne sont, dans la plupart des pays, pas encore soumis aux mêmes restrictions que le tabac ou les cigarettes électroniques. Ces produits ont ainsi échappé aux restrictions sur les arômes qui ont été promulguées pour les cigarettes électroniques (janvier 2020 aux Etats-Unis) et le tabac fumé (interdiction du menthol en avril 2021 aux Etats-Unis[9], 12 ans après les autres arômes). Cette persistance de l’offre de produits aromatisés a encouragé le passage de nombreux jeunes vers les sachets à sucer, la recherche d’arômes étant l’un des principaux motifs d’expérimentation avancés par les adolescents interrogés sur ce sujet[10]. La gamme des produits de nicotine sans tabac permet par ailleurs de passer au travers de l’interdiction de publicité qui touche d’autres produits de tabac.

Une industrie transgressive

L’industrie du tabac invite sans cesse à la transgression : comme pour les cigarettes électroniques à leur apparition, le principal argument de vente des sachets à sucer est de pouvoir être consommés « là où on ne peut pas fumer ». Il s’agit donc implicitement, sous couvert de pallier le manque de nicotine, de déjouer les interdictions de fumer et de vapoter en vigueur[11],[12]. La vente illégale de ces produits en France via Internet est aussi une manière de contourner l’interdiction du snus en Europe, combattue depuis 2006 par l’industrie du tabac.

L’industrie du tabac entretient, dans l’esprit des consommateurs comme des journalistes, une certaine confusion entre les produits, comme elle le fait entre cigarette électronique et dispositif de tabac chauffé/grillé. Elle s’efforce actuellement d’apparaître comme une industrie de la nicotine en promouvant des produits à base de nicotine sans fumée, mais refuse d’envisager un monde « sans tabac ».

Mots-clés :  Snus, Sachets de nicotine, Lyft, Industrie du tabac, marketing, tabac à sucer

©Génération Sans Tabac

M.F


[1] Ducrocq M, Le Parisien, Tabac à sucer : interdit en France, le snus séduit les plus jeunes. Publié le 12 juin 2021, consulté le 22 juin 2021.

[2] Communauté Economique Européenne, Directive 92/41/CEE du Conseil du 15 mai 1992 modifiant la directive 89/622/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière d’étiquetage des produits du tabac.

[3] Mehrotra R, Yadav A, Sinha DN, et al. Smokeless tobacco control in 180 countries across the globe: call to action for full implementation of WHO FCTC measures. Lancet Oncol. 2019;20(4):e208–e217.

[4] Truth Initiative, What is Zyn and what are oral nicotine pouches? Publié le 9 février 2021, consulté le 22 juin 2021.

[5] Tobacco Tactics, Snus. Publié le 15 juin 2021, consulté le 22 juin 2021.

[6] Simon M, Midi Libre, Tabac : qu’est-ce que le snus, interdit en France mais que les jeunes s’arrachent ? Publié le 13 juin 2021, consulté le 22 juin 2021.

[7] Foulds, J. et al. (2003). Effect of smokeless tobacco (snus) on smoking and public health in Sweden. Tobacco Control 12 (4): 349-359.

[8] Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER), Opinion on electronic cigarettes. Publié le 16 avril 2021, consulté le 22 juin 2021.

[9] U.S. Food & Drug Administration, FDA Commits to Evidence-Based Actions Aimed at Saving Lives and Preventing Future Generations of Smokers. Publié le 29 avril 2021, consulté le 22 juin 2021.

[10] Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN), Les additifs du tabac. Publié en 2010, consulté le 22 juin 2021.

[11] Génération Sans Tabac, Les arguments de vente de l’industrie du tabac pour ses sachets de nicotine. Publié le 10 mai 2021, consulté le 22 juin 2021.

[12] Génération Sans Tabac, Les stratégies marketing de R. J. Reynolds pour promouvoir le snus aux États-Unis, 17 février 2021, consulté le 22 juin 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 22 juin 2021