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Sierra Leone : les hausses de taxes sur le tabac réduisent le tabagisme et la contrebande

Selon une étude publiée dans la revue Tobacco Control, les hausses de taxes sur les produits du tabac ont entraîné en Sierra Leone une baisse de la prévalence tabagique, une augmentation des recettes fiscales, ainsi qu’une baisse probable de la consommation du commerce illicite de tabac. Ces résultats s’ajoutent à l’ensemble des travaux pointant l’absence de corrélation entre les hausses de taxes et les niveaux de commerce illicite, y compris dans une région à faibles et moyens niveaux de revenus, et dans un contexte de puissance publique limitée.

L’argument selon lequel les hausses de taxes sur le tabac favoriseraient le commerce illicite, ce dernier se traduisant par une diminution des recettes fiscales, par des effets pervers sur la santé publique et par une augmentation de la criminalité, est régulièrement mobilisé par l’industrie du tabac et ses alliés. Si la recherche scientifique tend aujourd’hui à infirmer cette affirmation, des recherches sont nécessaires pour évaluer la relation entre les niveaux de fiscalité et ceux du commerce illicite des produits du tabac[1].

La Sierra-Leone, un cas d’école pour étudier la question de la relation entre hausses de taxes et contrebande

La Sierra-Leone accuse un retard en matière de lutte contre le tabagisme. En 2009, le pays a ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), mais n’a depuis introduit que très peu de mesures pour endiguer le tabagisme. Ainsi, la publicité en faveur du tabac est toujours autorisée, tandis que le paquet neutre ou même les avertissements sur les paquets de tabac ne sont pas à l’ordre du jour. En matière de lutte contre la contrebande, le pays n’a pas adopté de timbre fiscal ou de système de suivi et de traçabilité des produits du tabac, alors que des preuves tendent à montrer que le commerce illicite est répandu dans la région, notamment depuis la Guinée-Conakry, qui jouxte la Sierra Leone. Par ailleurs, les chercheurs soulignent que le pays, observant de forts niveaux de corruption, et souffrant d’un manque de financements de ses institutions, se trouve de fait limité dans sa capacité à lutter contre le commerce illicite.

Entre 2017 et 2018, la Sierra Leone a fortement augmenté les taxes sur le tabac, en introduisant une accise ad valorem de 30% sur les cigarettes, et en triplant les droits d’importation sur l’ensemble des produits du tabac. Malgré ces hausses, ces taux demeurent en deçà de ceux imposés par la directive de 2017 de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour l’ensemble de ces raisons, le contexte de la Sierra Leone est un terrain d’étude particulièrement intéressant pour vérifier dans quelle mesure les hausses de taxes sont associées ou pas à une augmentation du commerce illicite.

Les hausses de taxes ont rempli leurs objectifs principaux, malgré un contexte défavorable

Malgré une augmentation de la population, le nombre de fumeurs a considérablement diminué à la suite de l’augmentation des taxes sur les produits du tabac. Par ailleurs, l’étude montre que ces hausses se sont également traduites par le doublement des recettes fiscales sur les ventes de cigarettes, bien que celles-ci aient significativement diminué. Enfin, les chercheurs tendent à démontrer que les hausses de prix des produits du tabac ont probablement diminué l’importance de la contrebande. Ainsi, en 2013, 42,67% des produits du tabac consommés dans le pays étaient des produits de contrebande, contre 25,92% en 2019, soit une réduction de plus de 16 points.

Le débat sur la relation entre hausses des taxes et contrebande est désormais tranché

Les études indépendantes consacrées à la relation entre fiscalité et niveaux de commerce illicite mentionnent que si le facteur prix ne doit pas être éludé, d’autres paraissent plus décisifs, comme le niveau de corruption d’un pays, les capacités d’action de l’État, et l’existence ou non d’un contrôle de l’offre  des produits du tabac. Or, l’exemple de la Sierra Leone semble démontrer que les hausses de taxes peuvent être efficaces et contribuer à réduire la contrebande, y compris dans un pays n’ayant pas introduit de timbre fiscal ou de système de suivi et de traçabilité. Pour les chercheurs, ces résultats ne doivent pas pour autant dissuader les pouvoirs publics de mettre en place de timbre fiscal ou de système de suivi et de traçabilité. En revanche, pour les auteurs de l’étude, la question de savoir si les hausses de taxes conduisent à une augmentation du commerce illicite doit être considérée comme tranchée.

Mots-clés : Sierra Leone, Commerce illicite, Contrebande

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Gallien M, Occhiali G, No smoking gun: tobacco taxation and smuggling in Sierra Leone, Tobacco Control Published Online First: 02 June, 2022. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2021-057163

Publié le 9 juin 2022