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Union européenne : l’enjeu du commerce illicite du tabac

Dans le contexte de la prochaine révision de la Directive européenne sur les produits du tabac, un groupe de travail parlementaire s’est formé autour de Michèle Rivasi et Christian Busoi, tous deux députés européens. L’objectif de la révision de cette directive est de corriger les actuelles insuffisances réglementaires européennes en matière de lutte contre le commerce illicite et de compléter la législation, notamment en raison de l’apparition des nouveaux produits du tabac, à l’instar du tabac chauffé.

A ce titre, une série de webinaires sont organisés sur la question du contrôle du tabac. Le 17 décembre 2020 s’est tenu un webinaire sur la thématique du commerce illicite des produits du tabac. Trois intervenants ont pris la parole pour présenter les principaux enjeux européens dans la lutte contre le commerce illicite : Anca Toma, directrice du Smoke-Free Partnership, Luk Joossens, expert international sur le commerce illicite du tabac depuis près de 30 ans, ainsi que Vinayak Prasad, Programme Manager au sein de l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) et expert en fiscalité et commerce illicite sur les produits du tabac.

Réviser la Directive pour lutter contre le commerce illicite

Le webinaire a rappelé que la lutte contre le commerce illicite devait être considérée comme une priorité. D’abord, parce que ce dernier réduit l’efficacité des mesures de santé publique en augmentant l’accessibilité des produits du tabac. Ensuite, parce qu’elle représente un véritable enjeu fiscal : comme le souligne Anca Toma, la consommation de tabac coûte six à huit fois plus cher à l’Etat que ce qu’elle représente en recettes fiscales. Par ailleurs, ainsi que le souligne Vinayak Prasad, l’industrie du tabac demeure engagée, directement ou indirectement, dans le commerce illicite mondial des produits du tabac qui relève de la criminalité organisée.

L’industrie du tabac n’est pas un partenaire dans la lutte contre le commerce illicite

La Directive européenne sur les produits du tabac (TPD)[1], de 2014, ne tient pas compte du Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite[2], adopté deux ans plus tard. En particulier, Christian Busoi a mentionné l’importance pour l’Union européenne de réviser les articles 15 et 16 de l’actuelle directive, en intégrant les principes du Protocole de l’OMS, qui s’imposent à l’Union Européenne. Selon Luk Joossens, une lutte efficace contre le commerce illicite des produits du tabac passe par l’arrêt définitif des accords de coopération entre l’industrie du tabac d’une part, et l’Union européenne ou les Etats-membres d’autre part. En effet, les cigarettiers ne pouvant pas être appréhendés comme des partenaires potentiels pour l’action publique, le paradigme coopératif n’est pas identifié comme efficace. Ce principe tient par ailleurs lieu d’obligation depuis la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT)[3], qui prévoit de limiter au strict nécessaire les interactions entre les pouvoirs publics et les cigarettiers.

L’enjeu d’un système de suivi et de traçabilité indépendant

L’article 8 du Protocole oblige les Parties à établir un système de suivi et de traçabilité indépendant sur tous les produits du tabac. Ces obligations ne peuvent par ailleurs pas être déléguées ou réalisées par l’industrie du tabac. L’actuelle directive européenne ne respecte pas aujourd’hui ces obligations. En particulier, l’article 15 permet à l’industrie du tabac de choisir elle-même les entreprises mandatées pour stocker les données de suivi et de traçabilité. En outre, les fabricants ont la capacité de choisir les auditeurs censés les contrôler et avec lesquels ils entretiennent par ailleurs des relations étroites. De plus, les critères juridiques et financiers définis au niveau européen ne garantissent pas cette indépendance et sont aisément contournés.  Ainsi la fiabilité des données est loin d’être garantie. Selon Luk Joossens, la Commission européenne devrait avoir le contrôle sur l’ensemble du mécanisme du système de suivi et de traçabilité, et fournir un rapport annuel obligatoire rendu public, afin d’en évaluer l’efficacité.

Mots clés : Révision TPD, Commerce illicite

©Génération Sans Tabac


[1] Eur-Lex, Directive sur les produits du tabac (2014/40/UE)

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32014L0040

[2] Organisation mondiale de la santé, Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac

https://www.who.int/fctc/protocol/Protocol-to-Eliminate-Illicit-Trade-in-Tobacco-Products-FR.pdf?ua=1

[3] Organisation mondiale de la santé, Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac

https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42812/9242591017.pdf;jsessionid=82A44A891829D1274DA4E0BCFF4E1B94?sequence=1

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 18 décembre 2020