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Nicotine et Covid : un conflit d’intérêt non déclaré invalide une étude

Un article de l’European Respiratory Journal, publié en juillet 2020, vient d’être retiré de publication après la révélation des liens de ses auteurs avec l’industrie du tabac.

De façon générale, fumer du tabac altère la fonction respiratoire et rend les fumeurs plus susceptibles de développer des symptômes sévères en cas d’infection respiratoire. Les coronavirus sont précisément des virus qui s’attaquent aux poumons et à la fonction respiratoire. Malgré quelques études contradictoires sur ce thème, une majorité d’études montre que les fumeurs ont tendance à développer des formes plus sévères de la COVID-19 que les non-fumeurs.

Des conflits d’intérêts non déclarés

Une étude publiée en juillet 2020 dans l’European Respiratory Journal indiquait pourtant que les fumeurs seraient moins susceptibles, à hauteur de 23%, de contracter la COVID-19. Cette étude vient d’être retirée de publication le 22 avril 2021, suite à la révélation par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) des liens financiers qui unissent les auteurs de l’étude à l’industrie du tabac. Ces auteurs avaient pourtant signalé n’avoir aucun conflit d’intérêts, sans quoi les éditeurs de la revue scientifique « n’auraient pas donné leur accord pour la publication de cet article » [1].

Deux auteurs de cette étude sont mis en cause : José M. Mier, qui continue de remplir des missions de consultant pour l’industrie du tabac sur la réduction des risques, et Konstantinos Poulas, l’un des principaux chercheurs œuvrant pour l’institut grec NOSMOKE, lequel a reçu des fonds de la Fondation pour un monde sans fumée, financée par Philip Morris International. Dans un article du Monde paru en décembre 2020, la journaliste Stéphane Horel pointait du doigt l’affiliation de Konstantinos Poulas au laboratoire de biologie moléculaire, ayant bénéficié de financements de la société Nobacco, devenue le distributeur unique de Vype et de Glo en 2018 à la suite d’un accord avec British American Tobacco.

Au-delà de ces liens avec l’industrie du tabac, la pertinence des résultats de cette étude a été évaluée. De nombreux biais entourent en effet les échantillons de malades étudiés : le statut des fumeurs et ex-fumeurs n’était pas toujours renseigné, tout comme l’intensité et la durée de leur tabagisme, laissant croire qu’ils étaient moins présents parmi les cas de formes sévères de la maladie [2]. L’hypothèse d’un « paradoxe du fumeur » face à la COVID-19 est ainsi entretenue.

L’industrie du tabac aux aguets

Depuis mars 2020, la crise sanitaire liée à la COVID-19 a donné lieu à une intense activité de l’industrie du tabac. Elle a par exemple été l’occasion pour cette industrie de déployer d’importants efforts dans de nombreux pays pour perpétuer les ventes et l’approvisionnement de tabac, pour promouvoir ses nouveaux produits ainsi que pour contrer les mesures de restriction de vente de tabac (en Afrique du Sud, en particulier). L’industrie du tabac a aussi profité de cette crise pour développer sa stratégie de responsabilité sociale, destinée à redorer son image en Europe comme dans les pays émergents et en développement [3].

La crise sanitaire a par ailleurs donné lieu à une bataille d’études scientifiques, permettant à l’industrie du tabac d’alimenter sa stratégie du doute. Les quelques études prêtant des vertus protectrices à la nicotine ont été largement relayées par les médias mais sont toujours en attente de confirmation et le « paradoxe du fumeur » semble le plus souvent lié à un manque de données médicales sur l’historique tabagique des personnes intubées [4]. Si ce « paradoxe » reste donc à démontrer, de nombreuses observations semblent en revanche indiquer que le tabagisme est bien « un facteur de gravité et d’évolution défavorable de la COVID-19 » [5]. Les conséquences du tabagisme en termes de mortalité et de morbidité sont quant à elles abondamment documentées et conduisent à rappeler l’urgence d’arrêter de fumer le plus vite possible.

Mots-clés : COVID-19, Conflits d’intérêts, Nicotine, RSE, Ingérence

©Génération Sans Tabac


[1] Bogart N, Scientific paper claiming smokers less likely to contract COVID-19 retracted over tobacco industry links, CTVNews. Publié le 22 avril 2021, consulté le 26 avril 2021.

[2] Davey M, Scientific paper claiming smokers less likely to acquire Covid retracted over tobacco industry links, The Guardian. Publié le 22 avril 2021, consulté le 26 avril 2021.

[3] Génération Sans Tabac. Europe, l’industrie du tabac instrumentalise la pandémie de Covid19. Publié le 15 octobre 2020, consulté le 26 avril 2021.

[4] Thomas D, Berlin I, Covid-19 et tabagisme, Archives des Maladies du Cœur et des  Vaisseaux – Pratique. 2021 Jan; 2021(294): 26–29. Publié en ligne le 2 décembre 2020, consulté le 26 avril 2020.

[5] Haut Conseil de Santé Publique, Avis relatif au lien entre le tabagisme et la Covid-19. Consulté le 26 avril 2021.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 28 avril 2021