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La réalité derrière le discours d’un monde « sans fumée » de Philip Morris

Dans une interview donnée au média belge « Trends »[1] le 25 juillet dernier, le PDG de Philip Morris Europe, Fréderic De Wilde, avait longuement fait la promotion de la transformation « sans fumée » de son entreprise, notamment à travers les « alternatives sans combustion » comme le tabac à chauffer. La Fondation belge contre le Cancer pointe les incohérences du discours de Philip Morris, et démontre que  la réalité est bien différente[2].

Dans son interview, M. De Wilde déclare « Nous avons franchi le Rubicon. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Philip Morris s’engage en faveur d’un avenir sans tabac ». Les observations montrent qu’en réalité, Philip Morris International (PMI) continue à prendre des mesures qui vont à contre-courant de ses objectifs annoncés d’un « avenir sans fumée ». En effet, le fabricant poursuit la fabrication et la vente de cigarettes traditionnelles, en ciblant la promotion auprès des jeunes, tout en luttant contre les politiques de lutte antitabac éprouvées visant à réduire efficacement les taux de tabagisme.

Des revenus très majoritairement générés par les cigarettes classiques

À ce jour, 70 % du chiffre d’affaire annuel (80 milliards US $) de PMI sont dus à la vente de cigarettes classiques, et 29 % à celle des produits « sans fumée ».  PMI espère tirer d’ici 2025 1 milliard de US $ de revenus par la vente des produits sans nicotine. Pour Suzanne Gabriels, experte en prévention tabac à la Fondation belge contre le Cancer, ces chiffres donnent une image biaisée de la réalité des ventes, du fait de la faible taxation des produits sans fumée qui favorise les gains de la société sur la vente de ces produits par rapport à ceux sur celle des cigarettes classiques.

D’ailleurs, PMI confirme dans les déclarations à ses actionnaires une « croissance robuste » au deuxième trimestre 2022, de 2,4% en volume et de 4,2 % en revenus sur la vente des produits combustibles

Des avantages fiscaux injustifiés pour les produits du tabac à chauffer

Les profits importants issus des ventes de tabac à chauffer s’expliquent par la faible fiscalité auxquels ces produits sont soumis, ce qui permet à PMI d’augmenter grandement ses marges, tout en restant compétitif par rapport au prix des cigarettes classiques.  Comme l’explique le Comité national contre le tabagisme[3], si le prix de vente en France d’un paquet de 20  Marlboro de 10,50 € se décompose ainsi : 8,79 € de taxes, 1,04 € au buraliste et 0,67 € au fabricant, celui d’un paquet de 20 courtes cigarettes Heets (tabac à chauffer) de 7,50 € se décompose ainsi : 5,26 € de taxes, 0,75 € au buraliste et 1,49 € au fabricant. Ainsi, alors que le paquet de 20 Heets est 29% moins cher que celui de 20 Marlboro, la marge bénéficiaire de PMI est supérieure de 122%.

L’industrie du tabac justifie le bienfondé de ce régime fiscal avantageux par l’existence d’une « réduction des risques » qui serait liée à la consommation de tabac chauffé par rapport à celle de cigarettes traditionnelles. En réalité, les études indépendantes[4] et l’examen des données issues des données de PMI  ne démontrent en rien l’existence d’une telle « réduction des risques ».

Un discours de façade pour continuer à vendre des produits du tabac

C’est en 2017 que PMI a officiellement dévoilé sa vision d’un avenir « sans fumée ». André Calantzopoulos, son directeur général, a commencé à donner des interviews sur la « transformation » de son entreprise qui voulait faire passer les fumeurs à la nouvelle gamme d’alternatives aux cigarettes qui, selon lui, seraient la solution à l’épidémie tabagique. En 2019, le fabricant a lancé sa campagne « Unsmoke your world » qui encourage les fumeurs à « rejoindre le voyage » vers l’abandon des cigarettes traditionnelles en passant au tabac à chauffer. Pour les experts en santé publique, dont Suzanne Gabriels, ce discours est une tentative flagrante de réhabiliter l’image de l’entreprise pour qu’elle puisse redevenir un interlocuteur responsable et ainsi influencer les politiques et les réglementations visant à prévenir la consommation de tabac.

Mots-clés : Philip Morris, alternatives sans combustion, tabac à chauffer, lobby, ingérence, avenir sans fumée

©Génération Sans Tabac

AE


[1] Patrick Claerhout, La transformation de Philip Morris, le géant du tabac: « Nous avons franchi le Rubicon », Trends, publié le 25 juillet 2022, consulté le 4 août 2022

[2] Suzanne Gabriels, Le géant du tabac PMI annonce une importante transition, mais son chiffre d’affaire donne d’autres informations, Fondation belge contre le Cancer, publié le 1er août 2022, consulté le 4 août 2022

[3] Comité national contre le tabagisme, Hausse des taxes, tabac chauffé, substituts nicotiniques : vraies et fausses solutions, publié le 14 avril 2021, consulté le 4 août 2022

[4] El-Kaassamani M, Yen M, Talih S, et al, Analysis of mainstream emissions, secondhand emissions and the environmental impact of IQOS waste: a systematic review on IQOS that accounts for data source, Tobacco Control Published Online First: 13 May 2022. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2021-056986

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 9 août 2022