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Rapport parlementaire : stabilité des marchés parallèles de tabac en France

Annoncée en juin 2020, l’« évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et aux enseignements pouvant en être tirés » vient de publier son rapport dans lequel figurent 11 propositions pour « limiter les pratiques de contournement » qui alimentent les achats hors débits. Les politiques fiscales de hausses répétées et significatives représentent la modalité la plus efficace pour réduire la consommation de tabac. Les achats transfrontaliers, stables, atténuent partiellement les effets de ces hausses. Les propositions du rapport n’abordent pas la responsabilité de l’industrie du tabac dans ces marchés et certaines modalités prévues par le protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac de l’OMS pour y remédier.

La mission d’information, présidée par le député Éric Woerth, président de la Commission des Finances, avait pour objet d’évaluer la consommation de tabac et le rendement de la fiscalité applicable aux produits du tabac pendant le confinement et d’en tirer les éventuels enseignements. Cette mission d’information intervenait alors qu’est engagé le processus de révision de la directive européenne sur la taxation des produits du tabac dont on attend une proposition de la Commission Européenne à la fin de l’année.

Un marché parallèle du tabac qui reste stable

La mission a essayé d’évaluer l’importance des marchés parallèles en France. Le commerce illicite des produits du tabac porte en effet partiellement atteinte aux objectifs de santé publique de réduction de la consommation par une politique fiscale forte et il engendre un manque à gagner fiscal, estimé en France, de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros. La mission d’information évalue en effet l’ampleur du marché parallèle de tabac entre 14% et 17% de la consommation française et entre 16% et 20% des volumes de vente. En 2012, une étude publiée par l’OFDT et l’INHESJ chiffrait ce même marché parallèle aux alentours de 20% des ventes globales soulignant ainsi une relative stabilité de la situation alors même que les taxes ont fortement progressé.

Les conclusions de ce rapport diffèrent donc sensiblement des données du rapport KPMG, relatifs aux marchés parallèles en France et en Union européenne. Les données 2020 de KPMG situent le commerce illicite à plus de 30% de la consommation en France. En réalité, les rapports de KPMG, diligentés par les fabricants de tabac notamment Philip Morris, ont été très critiqués par les chercheurs indépendants en raison de leur méthodologie opaque et non rigoureuse. Ils sont considérés comme des outils de communication et de pression sur les pouvoirs publics, afin de les dissuader d’appliquer des hausses de taxes[1].

La responsabilité de l’industrie du tabac dans le commerce illicite

Les fabricants de tabac exagèrent délibérément l’ampleur et la nature du commerce illicite afin de dissuader les décideurs d’adopter des hausses de taxes ou d’autres mesures susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts comme l’introduction du paquet neutre. Pourtant la responsabilité de l’industrie du tabac dans l’organisation directe et indirecte des trafics est amplement documentée. En ce qui concerne la France, il apparaît que les fabricants sur-approvisionnent les marchés frontaliers. Dans les conclusions du rapport, la députée de la Meuse Emilie Cariou (EDS) et membre de la mission d’information, cite l’exemple du Luxembourg, approvisionné à hauteur de plus de 5 milliards de cigarettes en 2019. « Si cet approvisionnement était uniquement destiné au marché intérieur, chaque Luxembourgeois, enfant comme adulte, fumeur comme non-fumeur aurait dû consommer 23 cigarettes par jour, soit plus d’un paquet » indique la députée.

Préconisation d’une harmonisation fiscale à la hausse au niveau européen

Les rapporteurs estiment que « le marché parallèle du tabac est compris entre 27 à 29% pour les départements frontaliers ». Selon la députée Emilie Cariou, la prochaine révision de la directive européenne sur la fiscalité des produits du tabac se doit de mettre un terme aux « pratiques actuelles de dumping fiscal et sanitaire ». Pour y parvenir la mission aborde des mesures d’harmonisation par le haut des taxes entre pays ayant les mêmes niveaux de revenus ainsi que des contrôles renforcés et l’aggravation des sanctions. Cependant la mission n’évoque pas certaines dispositions préconisées notamment par le protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac de l’OMS, lequel prévoit en particulier la possibilité de limiter les livraisons de produits au regard de la réalité du marché. L’Union européenne qui a mis en place un système de suivi et de traçabilité pourrait utiliser ce système dans cette perspective.

Appel à la vigilance par les associations de santé publique

Les associations de santé rappellent l’efficacité des politiques fiscales de hausses répétées à des niveaux significatifs pour réduire la consommation et parvenir à l’objectif d’une génération sans tabac d’ici 2030. Elles soulignent également que ces hausses de taxes, même si elles sont partiellement atténuées par l’effet d’achats transfrontaliers, permettent néanmoins globalement d’accroître sensiblement les recettes fiscales.

Elles appellent à la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions du protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac susceptibles également d’être déployées pour éviter les achats transfrontaliers et mieux contrôler l’activité des fabricants dans l’organisation des marchés parallèles.

Mots clés : Mission parlementaire, France, commerce illicite, tabac, marchés parallèles, fiscalité, taxes

©Génération Sans Tabac

AE


[1] CNCT, Le billet du Pr Martinet. Rapport KPMG : en finir avec l’opération de désinformation des cigarettiers, 14 septembre 2021, consulté le 30 septembre 2021

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 1 octobre 2021